Mois de sensibilisation à l'autisme
L'instinct d'une mère, plus fort que tout : le parcours de Mirela Morari
En ce mois de sensibilisation à l'autisme et dans la foulée de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme qui se tient annuellement le 2 avril, Néomédia est allé à la rencontre de familles de la région. Cette semaine, on vous raconte le parcours de Mirela Morari, une mère de deux filles, qui a suivi son instinct pour trouver de l’aide pour son aînée, Daria.
Lorsque Mme Morari et son mari ont quitté leur pays d’origine en novembre 2011, la République de Moldavie, pour s’installer au Québec, ils avaient plein de projets d’avenir en tête, dont celle d’avoir une famille. Ainsi, est née Daria en 2012, puis Elina qui a vu le jour prématurément en 2014, lui causant un retard de développement global qui a mené la famille à faire des choix difficiles pour le bien de leurs enfants.
Traverser l’océan pour trouver de l’aide
Leur mère a remarqué à la naissance de la cadette que la plus vieille avait commencé à régresser, à être de plus en plus dans sa bulle, à faire des gestes répétitifs avec ses mains, à mettre des jouets dans l’ordre en plus de ne pas parler et de pointer plutôt les choses. Ce sont des traits que l’on peut remarquer chez des enfants autistes. Ils ont rencontré une pédiatre dans une clinique semi-privée qui conseillait de faire des tests supplémentaires soupçonnant qu’il y avait en effet des possibilités d’un diagnostic.
Toutefois, Mirela qui avait une enfant prématurée avec de lourds retards a dû faire le choix de prioriser sa plus jeune voyant que, malgré les quelques séances d’ergothérapie, il n’y avait pas de progression et que personne n’arrivait à savoir concrètement ce qu’Elina avait. C’est pourquoi, qu’elle a décidé de suivre son instinct et de partir avec ses deux filles en Moldavie, où elle aurait accès rapidement à des médecins et des services, contrairement à Montréal où l’attente était de plus de quatre ans avant de réussir à avoir un diagnostic.
Au départ, elles devaient ne rester que six mois, mais malheureusement son époux n’a pas été en mesure de venir les chercher les obligeant à attendre une autre demie année. Cela a permis de continuer les thérapies pour Elina qui a fait de net progrès.
Reprendre du début
De retour au Canada en 2016, il a fallu pour la famille recommencer toutes les étapes pour obtenir un diagnostic pour Daria. Se basant encore une fois sur son instinct, la mère de famille n’a pas attendu avant de consulter en clinique privée et débuter les thérapies. « C’est ce qui m’a sauvé. C’est une des meilleures décisions que j’ai prises à ce moment », dit-elle à notre journaliste. « Même si tu n’as pas le diagnostic sur le papier, tu vois ce que l’enfant a besoin. »
Bien qu’elle ne travaillait pas et que son mari devait travailler pendant d’innombrables heures, ils désiraient sincèrement aller chercher toutes les ressources possibles pour le bien de leurs filles, comme se tourner vers des étudiantes qui débutent leur carrière offrant des services à plus faibles coûts . Mirela s’est donnée corps et âme dans ces thérapies, entre autres, en préparant durant de longues heures du matériel à la maison.
Elle considère avoir bien fait de ne pas attendre, car cela a pris un an et demi avant que les spécialistes n’annoncent qu’elle avait un trouble du spectre de l’autisme. Daria avait un peu plus de quatre ans à ce moment.
La mère de famille indique que cela lui a pris près de deux ans pour accepter la condition de son aînée. D'accepter le fait que « que c’est pour la vie, que ça ne se guéri pas. Que cet enfant va toujours avoir des défis, qu’il va toujours avoir besoin de toi. » C'est finalement une série de deuils à faire et que l'on doit prendre le temps de vivre. Elle ajoute qu'il ne faut pas penser que tous ses rêves meurent avec le diagnostic, mais qu'ils devront simplement attendre quelques années pour être réalisés.
Quitter Montréal pour des services
Pour s’assurer d’avoir des services et des écoles qui prendraient bien en charge Daria, la famille a pris la décision de quitter Montréal et d’emménager à Pincourt où se trouvaient deux écoles qui comprenaient des classes spécialisées. En moins d’un an, la petite tribu recevait de l’aide leur permettant d’entrer dans le système. « Honnêtement, dès que j’ai déménagé, j’ai rencontré des personnes extrêmement généreuses, ouvertes, qui m’ont vraiment beaucoup guidé. Même pour le CPE j’ai eu beaucoup de soutien, une personne se déplaçant à la garderie pour faire les thérapies. Puis l’intégration à l’école s’est bien faite et j’ai toujours eu une belle communication avec les professeurs ».
Par contre, les défis sont quotidiens, car même si un plan d’intervention fonctionne bien un temps, l’enfant et ses habitudes peuvent changer et il faut que le personnel de l’école et les parents se réajustent bien souvent.
Un enfant différent reste un enfant
Daria, 12 ans, est présentement en classe spécialisée à François-Perrot à Pincourt. Parmi ses défis, elle éprouve des difficultés dans des lieux agglomérés, face au bruit, ainsi qu'au changement de sa routine. L'alimentation et le sommeil peuvent également être difficiles. Elle présente une rigidité envers certains modèles de vêtements et au changement de saison, ce qui peut rendre ces périodes un peu plus compliquées pour elle.
Cela ne l’empêche pas de se passionner pour le dessin, le bricolage, lire des bandes dessinées, les peluches et pour les personnages japonais Sanrio. Selon sa mère, elle est plutôt introvertie. Elle passe actuellement beaucoup de temps dans sa chambre, et il est difficile de la faire sortir. Comme toutes les filles de son âge, elle commence à s'intéresser aux cosmétiques : baumes à lèvres et parfum.
Avec cette description de sa fille, elle désire faire comprendre aux parents qui ont comme elle un ou de ces enfants uniques, qu’il est important de ne pas oublier de leur laisser de l’espace et la possibilité de vivre leur enfance comme n’importe quel autre enfant. Au final, ils demeurent des enfants avant tout.
Décrocher pour continuer à soutenir ses enfants
Après toutes ces années de sacrifices et d’investissement de soi , Mme Morari est parvenue à comprendre que pour le bien de sa famille elle devait « recharger ses batteries » en prenant du temps pour elle. « On devient presque nous aussi des autistes. On est tellement encadré dans ce plan d’intervention, on veut tellement suivre cette routine, parfois rigide pour nos enfants » , explique-t’elle.
Elle a dû se questionner sur son identité autre que celle de « maman ». Elle a ainsi débuté un AEC en ligne en administration et bureautique pour sortir de sa bulle et se dédier du temps. Cela lui a fait tant de bien qu’elle a recommencé tranquillement à se remettre à travailler. « On peut énormément aimer nos enfants, mais si on se met de côté pour une longue période, notre corps nous parle , notre état émotionnel nous parle. »
De plus, elle invite les parents à rapidement chercher de l'aide pour eux pour s'assurer d'être en bonne santé physique et mentale pour rester une bonne ressource pour son enfant, et cela elle aurait aimé le faire bien avant.
Un système à revoir
Mirela nous explique que dès qu’un enfant entre à l’école, vers six ans , l’accès aux services d’aide public ne sont plus accessibles. Elle indique qu’elle a eu beaucoup de chance de recevoir un soutien financier de sa famille, de son mari qui a travaillé très fort et qui ont eu un bon entourage.
Par contre, elle pense à ceux qui n’ont pas ce même réseau : aux familles qui attendent depuis des années un diagnostic ou encore les familles monoparentales qui n’ont pas les moyens de payer des services privées. Pour elle, il faudrait revoir le système qui pourrait se tourner vers le privé pour offrir une chance égale à tous.
Et ayant eu accès à d’autres types de soins en Moldavie, elle se dit que le Canada devrait peut-être ouvrir ses horizons et ses options.
Un bel avenir pour Daria
Mme Morari est heureuse des progrès que sa fille fait autant au niveau de sa rigidité alimentaire où elle accepte parfois de goûter à de nouvelles choses. Ou encore au développement de son langage, ajoutant avec humour qu’enfin elle « pouvait maintenant se chicaner » avec sa fille qui vient plus souvent vers elle en montrant ses émotions.
Bien que par le passé elle s’inquiétait énormément de l’avenir de sa fille, elle est de plus en plus assurée que Daria sera en mesure d’être autonome et de trouver un travail. Certes, il lui faudra un milieu avec une routine fixe, avec peu de gens autour d’elle, mais qui lui donnera la possibilité d’être créative. « Elle va être l’employée idéale qui ne sera jamais en retard! », termine-t'elle en riant.
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