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Ados troublés, adultes troublés

Une étude associe les écrans et les tendances violentes des adolescents

durée 04h00
21 janvier 2025
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Par La Presse Canadienne

L'exposition d’enfants d’âge préscolaire à des contenus violents à l’écran est associée à une augmentation des comportements antisociaux et violents chez les garçons à l’adolescence, prévient une nouvelle étude réalisée par une chercheuse de l'Université de Montréal.

À l'âge de 15 ans, les garçons qui ont été exposés à ces contenus violents seront ainsi plus susceptibles de frapper ou de battre une autre personne dans l’intention de la voler ou d’en tirer avantage; d'avoir recours à des menaces et des insultes; de participer à des bagarres entre bandes d’adolescents; et d'utiliser des armes.

L'exposition a aussi a été associée à une comparution devant la justice pour différents crimes, à des séjours dans des centres pour jeunes et à des interactions avec les forces de l'ordre.

«Entre quatre et six ans, c'est la période pendant laquelle on apprend à interagir avec les autres, a dit l'auteure de l'étude, la professeure Linda Pagani, qui a discuté de ses travaux en primeur avec La Presse Canadienne. C'est à ce moment qu'on est socialisés. Et quand les enfants sont exposés à des modèles qui sont renforcés par rapport à la violence et l'agressivité, c'est ça qui arrive.»

Les chercheurs ont utilisé des données de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec réalisée par l'Institut de la statistique du Québec pour réaliser leurs travaux. Ils ont noté une association significative seulement chez les garçons, ce qui n'est pas surprenant, selon eux, puisque les garçons sont plus attirés par le contenu rapide de nature agressive.

Les enfants exposés à des contenus télévisés violents «deviennent désensibilisés aux actes agressifs et banalisent leurs conséquences», disent les auteurs. Ils deviennent «moins sensibles à la souffrance des autres et donc moins empathiques à leur douleur, et peuvent même développer des attitudes positives à l'égard de la violence».

La corrélation entre l'agressivité proactive, l'agressivité physique et la délinquance et l'augmentation du temps passé devant un écran chez les garçons d'âge préscolaire, quel que soit le contenu violent, pourrait s'expliquer par le fait que le temps passé devant un écran réduit les possibilités d'interaction sociale avec les pairs, «ce qui pourrait créer un état d'esprit qui prédispose les individus concernés à résoudre la compétition sociale, les défis et les conflits par un comportement peu aimable, pessimiste et moins tolérant», expliquent les auteurs de l'étude.

L'exposition à du contenu violent entraîne probablement des pensées agressives, des sentiments de colère et des niveaux d'excitation qui sont influencés par des facteurs personnels et situationnels, qui à leur tour ont un impact sur les processus d'évaluation et de prise de décision pour déterminer les comportements agressifs ou non agressifs qui s'ensuivent, peut-on lire dans l'étude.

L'exposition vicariante à un âge où les enfants n'ont pas toujours la capacité cognitive de faire la différence entre la fiction et la réalité, poursuit-on, peut biaiser la perception des enfants d'âge préscolaire et influencer la manière dont ils réagissent à cette violence.

«Cela conduit les jeunes exposés à faire des attributions plus hostiles aux autres et à agir de manière agressive dans des situations sociales ambiguës, car ils perçoivent le monde comme dangereux, écrivent les auteurs. Ces processus d'information sociocognitifs peuvent finir par s'enraciner, contribuant à expliquer pourquoi les enfants exposés à la violence télévisuelle présentent davantage de comportements antisociaux à l'adolescence.»

Ados troublés, adultes troublés

Et ces adolescents troublés ne se transforment bien évidemment pas comme par miracle en adultes bien ajustés qui apportent une contribution positive à la société, préviennent les auteurs de l'étude.

«Quand ces jeunes-là ont été exposés à beaucoup de violence et qu'ils ont commencé une trajectoire inadaptée dans leur socialisation, ils sont encore plus attirés par la controverse, par le drame, parce qu'ils ne savent pas comment apprécier la paix, a expliqué Mme Pagani. Ils ne sont pas réveillés s'il n'y a pas de drame. Et quand on est agressif comme ça, c'est difficile de s'insérer dans la société.»

Les adolescents agressifs présentent plus de symptômes dépressifs et de stress à long terme, une plus faible estime de soi, moins d'empathie et moins de satisfaction dans la vie à l'âge adulte, écrivent les auteurs. Ils sont également plus susceptibles d'avoir des compétences de communication moins efficaces et une cohésion plus faible avec leur famille, même des années après l'adolescence.

«Les comportements extériorisés à l'adolescence persistent souvent à l'âge adulte, les jeunes présentant les niveaux les plus élevés étant quatre à cinq fois plus susceptibles de développer des comportements perturbateurs et des troubles émotionnels», rappellent les auteurs.

Les adolescents antisociaux sont plus enclins à la toxicomanie, à l'anxiété et aux troubles de l'humeur, ainsi qu'à une altération du fonctionnement social à l'âge adulte. soulignent Mme Pagani et ses collègues. Ces effets sont d'autant plus graves, disent-ils, que les comportements d'externalisation apparaissent dès l'enfance et se prolongent au-delà de l'adolescence, augmentant ainsi le risque de problèmes psychosociaux à l'âge adulte.

Les parents doivent comprendre que la technologie est un outil, a conclu Mme Pagani. Ils doivent aussi réaliser que les écrans et les contenus qu'on y retrouve, même s'ils pourront retenir temporairement l'attention des enfants pendant qu'on vaque aux tâches ménagères, pourront avoir un impact néfaste à long terme.

«Les jeunes vont avoir des difficultés au travail, ils vont avoir des difficultés dans leur relation amoureuse, ils vont avoir des difficultés avec le concierge de l'appartement, a-t-elle énuméré. Il faut absolument en ce moment qu'on se demande, est-ce que c'est cette sorte de société qu'on veut, est-ce que c'est ça qu'on veut pour la société?»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par l'International Journal of Environmental Research and Public Health.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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