Selon une étude publiée dans le Journal de l'Association médicale canadienne
Les Canadiens peinent à avoir accès à des soins de santé de première ligne
Par La Presse Canadienne
Plus d'un adulte canadien sur cinq n'a pas accès à des soins de santé de première ligne, confirme une nouvelle étude publiée par le Journal de l'Association médicale canadienne qui met aussi en relief des écarts régionaux importants en la matière.
Cela voudrait donc dire qu'environ 6,5 millions de Canadiens n'ont pas accès à un médecin de famille ou à une infirmière praticienne qu'ils peuvent consulter régulièrement.
La situation est encore pire au Québec et dans l'Atlantique, où on estime qu'un adulte sur trois n'a pas accès à des soins de première ligne, même en tenant compte des différentes caractéristiques démographiques des participants à l'enquête ― une situation que l'auteure de l'étude, la docteure Tara Kiran de l'Université de Toronto, juge «inadmissible».
«On a vu des variations énormes (entre les provinces), a dit la docteure Kiran. Je trouve ça frappant dans un pays où on est censés avoir un accès universel aux soins de santé (...) qu'une personne sur trois n'ait pas accès à des soins de première ligne. Je ne sais pas quoi dire d'autre... ça me brise le cœur que des gens soient laissés en plan et n'aient personne vers qui se tourner.»
L'enquête menée par la docteure Kiran et ses collègues s'est étirée sur 18 mois. Ils ont analysé, pendant cette période, les réponses fournies à un questionnaire en ligne par quelque 9300 Canadiens provenant de partout au pays; 73 % des questionnaires ont été remplis en anglais et 27 % en français.
Contrairement aux résidants du Québec et de l'Atlantique, où seulement 69 % des participants ont indiqué être dans cette situation, 87 % de ceux de l'Ontario ont répondu avoir un accès régulier à des soins de première ligne.
«Dans notre enquête, la plus grande variation dans l'accès aux soins primaires était régionale, avec près d'une personne sur trois déclarant ne pas avoir de clinicien en soins primaires au Québec et dans la région de l'Atlantique, une probabilité réduite de 70 % par rapport à l'Ontario, même en tenant compte des différences démographiques entre les (participants)», peut-on ainsi lire dans le JAMC.
Les hommes, les personnes de moins de 65 ans et les participants ayant une santé «mauvaise ou passable» étaient les plus défavorisés à ce chapitre.
Et même les Canadiens qui ont accès à des soins de santé de première ligne n'y ont pas nécessairement accès quand ils en ont besoin. À l'échelle canadienne, seulement le tiers des participants à l'enquête ont indiqué avoir pu obtenir un rendez-vous urgent dans les 48 heures. Tous les autres ont dû patienter au moins trois jours, et 7,5 % des participants n'ont jamais obtenu de rendez-vous.
Au Québec, 36,6 % des participants ont révélé avoir pu obtenir un rendez-vous dans les 48 heures, contre seulement 23,9 % dans l'Atlantique.
Questionnés au sujet des caractéristiques des soins de santé les plus importantes pour eux, les participants à l'enquête ont classé en première position d'avoir accès à un prestataire «qui me connaît en tant qu'individu et tient compte de tous les facteurs qui influencent ma santé».
«Je peux en témoigner à partir de ma propre pratique comme médecin de famille, a dit la docteure Kiran. Quand tu apprends à connaître quelqu'un au fil du temps, tu comprends ses valeurs, sa famille, la communauté dans laquelle il vit, et ça permet de mieux personnaliser les soins pour cet individu pour répondre à ses besoins spécifiques.»
Neuf participants sur dix ont assuré qu'ils seraient à l'aise d'obtenir de l'aide de la part d'un autre membre de leur équipe de soins de première ligne (c'est-à-dire, qu'ils ne tiennent pas nécessairement à rencontrer leur médecin habituel). Pourtant, seulement 15 % des participants ont révélé que leur prestataire de soins de première ligne collaborait avec d'autres professionnels de la santé au sein d'une même clinique.
«Les gens étaient très ouverts à différentes manières de faire les choses, a constaté la docteure Kiran. En cas de besoin, ils sont ouverts à ne pas toujours voir le même médecin, ils sont prêts à visiter une clinique où le médecin aurait accès à leur dossier. Mais il n'y a pas de concordance entre cette ouverture des gens à faire les choses différemment et ce que le système leur offre.»
Les gens sont prêts à recevoir des soins «de différentes manières», a-t-elle ajouté, «pour autant que ces soins soient basés sur une relation».
C'est au Québec et en Ontario que les participants à l'enquête étaient les plus susceptibles de pouvoir s'entretenir, par exemple, avec un pharmacien, un travailleur social ou une diététicienne.
En bout de compte, a rappelé la docteure Kiran, on sait que les systèmes de santé où l'accès aux soins de première ligne est solide ont aussi une «meilleure équité» et des coûts plus bas.
«Les résultats de notre enquête montrent que notre système de soins de première ligne est en crise, a-t-elle conclu. Ça nuit à la santé de notre population et ça entraîne des coûts plus élevés. C'est essentiel de s'y intéresser si on veut une société égalitaire et si on veut un système efficace.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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