Le recrutement de participantes est en cours
La santé des femmes du domaine des soins personnels fait l'objet d'une étude
Par La Presse Canadienne
Les femmes qui travaillent dans le domaine des soins personnels sont exposées à de multiples produits chimiques tout au long de leur carrière, mais on ne sait pour le moment que peu de choses quant à l'effet combiné potentiel de ces produits sur leur santé et même celle de leurs descendants.
C'est pour remédier à cette lacune qu'une spécialiste en toxicologie du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l'Institut national de recherche scientifique, la professeure Isabelle Plante, a récemment lancé une vaste étude pour laquelle elle recrute actuellement des participantes provenant des quatre coins de la province.
«La prémisse de ce projet-là est de déterminer si le fait de travailler ou d'être exposée continuellement à une variété de molécules qui sont présentes dans les produits qu'on utilise tous les jours peut avoir un effet sur la santé», a résumé Mme Plante.
Des produits comme les shampoings, les revitalisants, les colorations, les vernis et le maquillage contiennent des molécules synthétiques qui peuvent interférer avec le fonctionnement des hormones, ce qu'on appelle des «perturbateurs endocriniens».
Cela peut entraîner divers problèmes de santé liés notamment au développement, à la fertilité et à la grossesse, en plus d'augmenter les risques de cancer du sein.
La quantité de produits capillaires et esthétiques que les coiffeuses, maquilleuses, esthéticiennes et autres manipulent au quotidien augmente d'autant leur exposition à ces substances.
De plus, ces femmes sont exposées à une vaste gamme de produits contenant de multiples molécules perturbatrices. Lorsqu'elles sont combinées, on ne peut exclure que ces différentes molécules puissent interagir entre elles et provoquer d'autres effets indésirables.
Cet «effet synergétique» potentiel, au sujet duquel on ne sait pas grand-chose pour le moment, inquiète particulièrement Isabelle Plante.
«On a une réglementation qui dit, par exemple, qu'on ne peut pas être exposé à plus de tant de milligrammes de triclosan par jour, a-t-elle cité en exemple. Mais cette réglementation est faite pour chaque produit individuellement. Donc oui, on a une limite pour le produit A, une limite pour le produit B et une limite pour le produit C. Mais ces trois produits peuvent être présents en même temps chez les femmes qui les utilisent, et on ne connaît pas vraiment l'effet de cette mixture sur leur santé.»
Il est possible que l'action des produits A, B et C s'additionne, a-t-elle ajouté, et que «un plus un plus un ne fasse plus trois, mais fasse tout d'un coup cinq ou six parce qu'il y a un effet d'amplification, finalement».
La première étape du projet consiste à évaluer la santé globale des participantes, avec un questionnaire qui s'intéresse tout particulièrement à leur santé reproductive ― leur cycle menstruel, les difficultés rencontrées (ou pas) à tomber enceinte, et ainsi de suite.
On demandera ensuite aux femmes qui désirent s'impliquer plus en profondeur de fournir des échantillons d'urine qui seront analysés en laboratoire pour déterminer à quelles substances elles sont exposées.
L'étude irait même plus loin en s'intéressant à la santé de la descendance, puisque les effets nocifs issus d'une exposition aux perturbateurs endocriniens se transmettent d'une génération à l'autre. L'étude pourrait donc permettre de mieux protéger la santé des enfants et des petits-enfants de ces femmes.
«Par exemple, l'œstrogène et la progestérone sont des hormones hyper importantes chez la femme, a rappelé Mme Plante. Donc le fait d'avoir plusieurs de ces perturbateurs endocriniens auxquels on est exposé tous les jours peut avoir des effets assez importants au niveau de notre santé reproductive.»
La littérature scientifique démontre déjà que les femmes qui travaillent dans le domaine de l'esthétique ont de plus grands problèmes de fertilité. On sait aussi que ces femmes sont de grandes utilisatrices de produits qui contiennent des perturbateurs endocriniens.
Ce qu'on comprend moins, a dit Mme Plante, «est si un est la cause de l'autre, ou quelle corrélation il y a entre les deux».
Les données scientifiques sont pour le moment ambiguës.
«Certaines études trouvent des effets, d'autres trouvent moins d'effets, a dit la chercheuse. Mais nous on pense que le problème, c'est qu'elles (les études) vont regarder une molécule en tant que telle et non l'ensemble des molécules, donc l'effet synergétique que peuvent avoir tous ces produits. Donc c'est un petit peu ça notre nouveauté.»
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Les femmes intéressées à participer à cette étude sont invitées à communiquer avec les chercheurs, qui souhaitent recruter aussi bien des femmes qui travaillent dans les soins personnels qu'un groupe témoin de femmes provenant d'autres secteurs.
https://sondage.uqam.ca/879984?lang=fr
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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