Le rapport de l’économiste Carrie Freestone a été publié jeudi
Les locataires ont plus de mal à s'enrichir que les propriétaires, selon la RBC
Par La Presse Canadienne
Les locataires se heurtent à des obstacles de taille dans leurs tentatives pour se constituer un patrimoine puisqu'ils sont obligés de consacrer une part croissante de leurs revenus pour conserver un toit, met en lumière un rapport de la RBC.
Le rapport de l’économiste Carrie Freestone, publié jeudi, s’ajoute à un nombre grandissant de recherches qui dresse un tableau sombre de l’écart de richesse entre les locataires et les propriétaires.
Les propriétaires ont vu leur valeur nette augmenter de neuf à treize fois la valeur du revenu disponible de leur ménage depuis 2010, tandis que pour les locataires, la richesse nette est passée de 3 à 3,5 fois au cours de la même période.
En 1999, les locataires consacraient environ 25 % de leur salaire net pour se loger, contre 23 % pour les propriétaires. En 2022, les locataires dépensaient 29 % au logement, contre 21 % pour les propriétaires.
L'écart s'est creusé même si les revenus des locataires ont augmenté au même rythme que ceux des propriétaires, explique Mme Freestone. Pendant ce temps, les propriétaires accumulent également la valeur nette immobilière grâce à leurs paiements hypothécaires.
L’année dernière a été encore pire pour les locataires, qui sont passés de taux d’épargne plus élevés pendant la pandémie à ne pas avoir suffisamment d’argent pour couvrir leurs factures, selon la RBC.
Les locataires ont collectivement dépensé près de 9 % de plus que ce qu’ils gagnaient en revenu disponible en 2023, tandis que les propriétaires ont économisé 7 % de leur salaire net, selon le rapport.
«Le troisième trimestre de 2023 a marqué un tournant: tant les propriétaires que les locataires ont alors vu leur patrimoine net diminuer. Les locataires ont toutefois sans équivoque été plus durement touchés», a écrit Mme Freestone.
Elle expose que le resserrement des restrictions rend plus difficile l’épargne pour une mise de fonds.
«Au Canada, les locataires ont plus de peine à joindre les deux bouts que les propriétaires: pour eux, l’accès à la propriété est un rêve qui paraît encore très lointain. La constitution de patrimoine par les locataires est ainsi compromise, et pourrait ainsi exacerber les inégalités dans le long terme», affirme l'économiste.
Inégalité renforcée
Le rapport fait suite à celui de la TD, sorti en octobre 2022, qui soulignait également l'écart marqué dans l'accumulation de richesse entre les locataires et les propriétaires.
Le rapport de la TD dirigé par l'économiste en chef Beata Caranci a révélé que la valeur nette moyenne des propriétaires nés entre 1955 et 1964 avait atteint plus de 1,4 million $, soit 6,3 fois plus élevée que la richesse des non-propriétaires nés à la même période.
L'écart de richesse de 1,2 million $ entre les deux s'est creusé par rapport à un écart d'un peu moins de 500 000 dollars en 2005.
«Les inégalités de richesse suscitent véritablement un discours qui établit une distinction entre les propriétaires de maison et ceux qui ne le sont pas», a mentionné Mme Caranci dans le rapport.
Selon elle, les parcours divergents des baby-boomers qui étaient propriétaires et locataires risquent de se révéler pires pour les jeunes d’aujourd’hui.
«Il est probable que la génération actuelle de jeunes Canadiens ne fera pas que confirmer la justesse de ce discours d’inégalité selon la propriété, mais qu’elle la renforcera puisque l’abordabilité est maintenant à son niveau le plus bas depuis des décennies», estime Mme Caranci.
Modifier les politiques
Elle indique qu'il existe de nombreuses politiques de longue date qui profitent de manière disproportionnée aux propriétaires, notamment l'exonération des gains en capital, le remboursement partiel de la TPS sur les nouvelles propriétés, le crédit d'impôt pour l'achat d'une première maison, les crédits d'impôt pour la rénovation et autres.
«Si la situation de l’épargne et des placements est à ce point biaisée en faveur du logement, c’est parce que le système du logement proprement dit est structuré de manière à perpétuer les inégalités entre les propriétaires et les non-propriétaires, qu’il s’agisse du zonage donnant priorité aux maisons unifamiliales ou des politiques fiscales qui subventionnent la propriété», écrit Mme Caranci.
La modification de ces politiques pourrait changer la donne, mais les suggestions en ce sens se sont révélées profondément impopulaires, selon Jim Dunn, professeur à l'Université McMaster et directeur du Collectif canadien pour la recherche sur le logement.
«Le type de mesures qui pourraient être prises a été écarté par de nombreux gouvernements», affirme M. Dunn.
Même un modeste impôt sur les plus-values contribuerait à refroidir le marché et à faire en sorte que le logement soit moins considéré comme un actif, pense-t-il. Dans l'état actuel des choses, la hausse des prix de l'immobilier incite de plus en plus de personnes à entrer sur le marché.
Ces mesures n'étant pas à l'ordre du jour, le gouvernement pourrait faire davantage pour stimuler le logement social afin d'alléger la pression sur les ménages à faibles revenus, avance M. Dunn.
Le gouvernement fédéral a commencé à augmenter le financement dans ce domaine, mais après des décennies de construction insuffisante dans les provinces, la part de 4 % de logements sociaux au Canada est inférieure à la moyenne de 7 % de l'OCDE.
D'une manière générale, il convient d'examiner de plus près les fondements d'un système dans lequel l'accumulation des richesses est tellement liée au logement, plutôt qu'à l'augmentation des revenus, dit M. Dunn.
«Nous avons essentiellement décidé d'avoir un système où, au lieu de payer des salaires aux gens, nous leur donnons des augmentations de richesse, soutient-il. Nous devrions réfléchir aux moyens de changer cela, car nous nous trouvons dans une situation où les gens ne peuvent pas accéder à la propriété.»
Ian Bickis, La Presse Canadienne
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