Clinique de la Cité Vaudreuil
Faute de médecins: une clinique de Vaudreuil-Dorion menace de fermer
Ouverte depuis décembre 2020, la Clinique de la Cité Vaudreuil, située à Vaudreuil-Dorion, pourrait être contrainte de fermer ses portes, faute de médecin pour combler ses locaux.
« C’est une question de mois avant de fermer la clinique, si rien ne se fait rapidement », confie à Néomédia, Karine Degré, copropriétaire de la clinique. Sur les 41 000 pieds carrés de l’immeuble, 29 000 sont inutilisés. « Disons que c’est loin d’être optimisé », ajoute Mme Degré.
Outre les pieds carrés disponibles, 23 bureaux entièrement aménagés attendent de trouver preneurs. Chacun de ces espaces est équipé d’un bureau, d’un ordinateur, d’une table d’examen et de tout l’équipement nécessaire pour accueillir et traiter des patients.
Actuellement, 25 000 dossiers sont ouverts et 14 000 patients sont suivis régulièrement par les médecins de la clinique qui, rappelons-le, offre ses services gratuitement via la RAMQ.
Si la Clinique de la Cité Vaudreuil devait ouvrir en avril 2020, c’est seulement qu’en décembre qu’elle a pu accueillir ses premiers patients. « Disons que la COVID nous a fait mal. Il y a plusieurs médecins qui ont brisé leur contrat avec nous. Nous avons aussi des locataires qui n’ont pas honoré leur bail. Là, les choses reprennent tranquillement, mais c’est comme si l’on doit recommencer un projet qui était déjà bien entamé. »
Sans médecin pour combler ses locaux, Karine Degré et son associé font face à un enjeu financier majeur. « Il n’existe aucune subvention gouvernementale pour les cliniques de médecins spécialisés. Notre seule source de revenus pour opérer la clinique, c’est la location des espaces. Nous, on opère de façon privée, mais avec la carte d’assurance maladie. Pour avoir des subventions, il faudrait que nous ayons l’accréditation GMF (Groupe de médecine familiale), mais on ne peut pas l’avoir, il nous manque des médecins. On ne pourra pas, financièrement, soutenir ça bien longtemps encore » souligne Mme Degré.
Un besoin criant dans la région
En ouvrant la Clinique de la Cité Vaudreuil, Karine Degré et Alexandro Zarruk avaient un objectif en tête: amener la médecine spécialisée dans la région, notamment en vue de l’arrivée de l’hôpital.
« Mon objectif est que les médecins spécialistes s’établissent ici et qu’on puisse offrir un service complet tant au niveau ambulatoire qu’en clinique externe. Bâtir une banque de patient pour un médecin spécialiste, c’est long. ce n’est pas comme pour un médecin de famille. Si on veut des médecins spécialistes dans la région en prévision de l’hôpital, il faudrait commencer à s’organiser », déplore Karine Degré.
En exemple, Karine Degré cite le fait que la région ne compte aucun centre de dialyse. « Il n’est pas prévu qu’un centre de dialyse s’installe dans le nouvel hôpital. Cela veut donc dire que les patients qui doivent recevoir ce type de soins devront se rendre à Châteauguay parce qu’il n’y a plus de place à Valleyfield. Les gens devront faire près d’une centaine de kilomètres, plusieurs fois par semaine pour avoir leurs soins. C’est un non-sens. »
L’ouverture prévue en 2026 de l’hôpital de Vaudreuil-Soulanges nécessitera forcément l’implantation, dans la région de médecins spécialistes et ces derniers auront inévitablement besoin d’espace pour établir leur clinique externe.
« On va avoir un super hôpital spécialisé, technologique, mais il faut avoir les solutions externes, dont, des endroits pour que les médecins spécialistes puissent recevoir leurs patients. Actuellement, un patient hospitalisé qui doit être suivi par médecin spécialiste doit se rendre à Montréal parce que les médecins spécialistes ont leur bureau là. C’est ce qui arrive actuellement avec les patients de l’Hôpital de Valleyfield. On ne va pas construire un hôpital ultra moderne pour reproduire ce qui se fait à Valleyfield, ça ne fait aucun sens »,
Karine Degré poursuit: « En ce moment, la seule place où il y a des services publics, gouvernementaux, en santé, c’est dans le CLSC du boulevard de la Gare et il est complètement plein. Maintenant, la question que je me pose est la suivante: est-ce que le CISSSMO a la volonté de développer d’autres services ? Est-ce que le développement de ces nouveaux services est ralenti par manque d’espace ou pour une autre raison ? Parce que nous, nous l’avons l’espace disponible. »
À ces questions, Jade St-Jean, conseillère-cadre aux communications externes, relations médias et ministérielles au CISSSMO répond: « En prévision de l’ouverture de l’Hôpital Vaudreuil-Soulanges prévu en 2026, le CISSS de la Montérégie-Ouest doit développer un écosystème pour répondre aux besoins populationnels en amont et en aval à l’hospitalisation. Il y aura donc des développements de services dans la région. Cependant, l’ensemble des projets sont présentement embryonnaires et doivent au préalable être approuvés par le Ministère de la Santé et des Services sociaux. »
Pour Karine Degré et son partenaire, l’idée de louer à des entreprises oeuvrant dans un tout autre domaine que celui de la santé n’est pas nécessairement envisageable.
« C’est certain que nous pourrions louer à des avocats ou à l’entrepreneur chargé de la construction du nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes, mais ce que l’on veut, c’est que notre immeuble garde sa vocation. Qu’il demeure un espace voué à la santé. On sait qu’on va en avoir besoin dans un avenir assez rapproché », poursuit Mme Degré.
Un emplacement stratégique ?
Au cours des derniers mois, le CISSSMO a lancé un appel d’offres afin de trouver des locaux pour y établir un GMF-U, un Groupe de médecine familiale universitaire. Or, tel que confirmé, tant par le CISSSMO que par Mme Degré, la Clinique de la Cité n’a pas pu soumissionner sur l’appel puisque la clinique se trouve à l’extérieur du périmètre déterminé par l’institution.
Situation que trouve fort déplorable Karine Degré. « Ils ont décidé que l’appel d’offres allait être pour un territoire précis et non en circonférence. Plutôt que de déterminer un rayon, par exemple de 1,5 km, ils ont opté pour un tracé linéaire. Finalement ils ont fermé l’appel d’offres et en discutant avec le CISSSMO, ils m’ont dit qu’ils allaient s’organiser différemment. Mais là, il leur manque encore des locaux. »
Karine Degré et Alexandro Zarruk ont décidé de construire leur clinique sur le boulevard de la Cité-des-Jeunes, en bordure de l’autoroute 40.
« Quand on a vu où l’hôpital sera construit, nous avons décidé de nous établir aux limites de la Ville. La circulation étant déjà difficile sur les boulevards de la Gare et de la Cité-des-Jeunes, on ne voulait pas engorger encore plus le réseau. En bordure de l’autoroute comme ça, c’est stratégique. Les gens passent par l’autoroute pour venir à la clinique, plutôt que d’emprunter le réseau local ».
« Bien que les besoins de locaux de notre organisation sont importants, comme nous devons toujours passer par un processus d’appel d’offres public avant de conclure une entente d’achat ou de location. Conformément aux règles de l’autorité des marchés publics, rappelons que pour tout contrat de plus de 100 000 $, l’établissement doit aller en appel d’offres public et le contrat est octroyé au plus bas soumissionnaire conforme. À titre indicatif, pour tout projet nécessitant une solution immobilière (achat ou location), une analyse des besoins d’espace doit être réalisée et soumise au MSSS qui doit autoriser l’appel d’offres public », a pour sa part indiqué Jade St-Jean.
Un appel à l’aide
Dans les dernières années, Karine Degré ne compte plus le nombre de représentations faites devant le CISSSMO pour obtenir du support.
« On est conscient que c’est le CISSSMO qui est responsable de développer les collaborations et les partenariats en santé, dans la région. Mais avec le roulement de personnel qu’il y a au CISSSMO, c’est très difficile. Ça fait deux ans et demi que nous sommes ouverts et qu’on essaie de faire des collaborations avec eux, de voir comment on pourrait développer des services complémentaires à ce qui est déjà offert sur le territoire et à ce qui sera offert dans le futur hôpital. C’est long, c’est lent », déplore-t-elle.
De son côté, Mme St-Jean, indique qu’aucune entente n’a été conclue entre les deux entités. « Nous avons eu quelques échanges avec les propriétaires et nous sommes aux faits que des locaux sont disponibles… Il n’y a eu aucun engagement formel de notre part », a-t-elle confirmé à Néomédia.
Karine Degré s’est aussi tournée vers la députée de Vaudreuil, Marie-Claude Nichols, pour obtenir de l’aide. Celle-ci a d’ailleurs qualifié le projet de novateur.
« C’est vrai qu’on est peut-être un peu avant notre temps. Comme dit Mme Nichol, on a été visionnaire. Mais on l’a vue arriver l’hôpital. Nous avons rapidement saisi les besoins qui en découleraient. Je ne sais pas ce que ça va prendre pour que ça débloque, mais c’est certain qu’il faut travailler tous ensemble. En ce moment, c’est comme si tout le monde travaillait en silo. J’ai l’impression d’être seule. »
« Notre vision elle est belle et notre mission est nécessaire pour le développement de l’offre de service en santé dans la région, mais il faut travailler tous ensemble. On ne peut pas se permettre de perdre un immeuble dédié à la santé, considérant les besoins actuels et ceux à venir. De toute façon, on ne peut pas reconstruire un immeuble du genre à Vaudreuil-Dorion, il n’y a plus de terrains », conclut Karine Degré.
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