Un hiver qui a évolué
Cinquante ans de déneigement à Saint-Polycarpe raconté par des vétérans
Mars 1971 : la tempête du siècle s’abat sur le Québec et elle n'épargne pas Saint-Polycarpe. Après avoir été paralysée pendant plusieurs jours, la municipalité décide de se doter de son propre service de déneigement, qui fête cette année ses 50 ans.
Des rafales, allant jusqu’à 110 kilomètres à l’heure, soufflaient sur les champs dégarnis de Saint-Polycarpe, engendrant des bancs de neige de plus de deux mètres.
Richard Desrochers travaillait pour le contracteur privé qui s’est retrouvé avec la lourde tâche du déneigement. « Il a ouvert les chemins avec les moyens du bord [...] Une chance que les motoneiges étaient-là à l’époque », se remémore l’homme aujourd’hui âgé de 79 ans.
Cela aura pris près de trois semaines pour dégager l’ensemble des rues. Seul le chemin principal était ouvert au début. « Les voitures étaient ensevelies et les motoneiges passaient par-dessus », ajoute-t-il.
La municipalité s’est trouvée paralysée. Les producteurs laitiers tentaient par tous les moyens d’écouler leurs stocks qui s’accumulaient. Une dame, décédée chez elle, a même dû être transportée par motoneige selon les souvenirs de M. Desrochers.
Devant la crise, Saint-Polycarpe achète la même année de la machinerie et lance son propre service de déneigement. La paroisse de Saint-Joseph-de-Soulanges, devenue Les Cèdres en 1985, fait également l’acquisition de ses propres équipements l'année suivante.
M. Desrochers y travaillera pendant une dizaine d’années avant de tirer sa révérence en raison des conditions de travail difficiles. « On roulait jour et nuit tant que les tempêtes n’étaient pas finies. Les hivers étaient “rough and tough” », raconte-t-il.
Richard Desrochers a ainsi passé le flambeau à son collègue, Roland Leroux, qui a œuvré à la municipalité pendant 33 ans, faisant de lui l’opérateur ayant fait le plus long service.
M. Leroux dit s’être amusé sur les déneigeuses, qu’il appelle les « tonkas ». Il lui arrivait parfois, selon ses dires, de travailler plus de 24 heures en ligne sans dormir. « Quand j’avais trente ans, amenez-en des tempêtes, mais en dernier je n’avais plus la même endurance », témoigne-t-il.
Son contrat de travail s’est terminé le 29 janvier 2009 et le 1er février, il partait pour la Floride à bord de son véhicule récréatif. Il était « écœuré » par la neige.
C’est alors que Marc Sauvé, aujourd’hui responsable des travaux publics de Saint-Polycarpe, a pris sa place. Toutefois, ce dernier ne croit pas faire un aussi long service que M. Leroux pour qui il voue une certaine admiration.
Une réunion amicale
Une vingtaine d’opérateurs, des anciens et ceux qui sont actuellement en poste, se sont rassemblés samedi dans le garage de la municipalité pour souligner les 50 ans du service de déneigement.
Parmi eux, il y avait entre autres Monik Campeau, seule femme ayant travaillé sur le déneigement à la municipalité, soit durant l'hiver 2020-2021.
Les vieux de la vieille se sont ainsi rappelé les anecdotes comme quand ils déneigeaient jusqu’à la route 2, aujourd’hui la 338, avant que l’autoroute 20 soit construite. Roland Leroux s’est aussi souvenu qu’il était payé 4 dollars et demi de l’heure quand il a commencé.
« Je les connaissais tous. Dans une petite paroisse, tout le monde se connaît, j’ai bien aimé les revoir », soutient Richard Desrochers, qui vit maintenant dans une résidence pour personnes âgées à Coteau-du-Lac. Sa santé est bonne, malgré son mal aux jambes.
Au milieu de la place, une pelle de déneigeuse vieille de 50 ans en forme de « V », remise à neuf, était exposée. L’ensemble des opérateurs, tous originaires de Saint-Polycarpe, ont pu la signer. « C’était chaud au cœur. On a beaucoup apprécié », indique Marc Sauvé.
Le maire, Jean-Yves Poirier, était également présent. « Merci d’avoir été là à y mettre vos cœurs et vos tripes jour et nuit [...] Votre implication a toujours fait la différence. À Saint-Polycarpe, notre déneigement est reconnu pour être sur la coche », a-t-il déclaré.
Un hiver différent
Au Québec, la saison froide ne ressemble plus à ce qu’elle a été dans les années 70. Les conditions météorologiques, avec plusieurs épisodes de verglas, changent le travail des déneigeurs. « Ça nous met en alerte. Ce n’est pas comme une tempête de neige, ça peut mettre les chemins en péril en une heure et le monde va être dans le champ », explique Marc Sauvé.
L'une des grandes différences pour Roland Leroux, qui a travaillé sur le déneigement pendant une trentaine d'années, est les conditions routières qui sont plus adaptées. « Les hivers ne sont pas moins ou plus durs, les véhicules de déneigement ont changé, ils sont plus forts, et les routes ont été améliorées. Elles sont plus hautes et plus larges. »
La municipalité doit néanmoins faire face à une contrainte qui n’est pas née d’aujourd’hui. « C'est les vents qui nous tuent », affirme M. Sauvé. Même s’il fait soleil, les rafales peuvent recouvrir la chaussée de neige. « La saison vient de commencer, donc on est aux aguets jusqu’à la fin mars », ajoute-t-il.
Ce dernier, qui travaille depuis 17 ans sur le déneigement, a aussi remarqué que les usagers de la route ont beaucoup moins de patience qu'avant. « Il faut que tu sois sur l’asphalte avant même que la neige tombe », lance-t-il.
Certains vont même jusqu’à leur crier des insultes. « On est les mal-aimés sur la route [...] Personne n’aime ça suivre une déneigeuse. Elle ne roule pas vite, elle prend large. On aime ça quand on ne nous voit pas, quand le lendemain matin tout est déneigé », déplore-t-il.
Les deux déneigeuses, employées par quatre opérateurs, ont 64 kilomètres de routes à entretenir. À la fin de la saison, elles ont chacune 10 000 kilomètres de plus à leur compteur, selon M. Sauvé.
La pénurie de main-d'œuvre est aussi un facteur qui n'aide pas les choses, alors que les conditions de travail sont plus exigeantes qu'au privé. Les travailleurs de la municipalité doivent répondre en tout temps. « Noël et le jour de l’an, ça se peut que tu les passes dans le camion. On souhaite un Noël vert », dit-il à la blague.
4 commentaires
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J’ai un souvenir en tête qu’un samedi sur
sur le chemin STE Marie ce samedi en fin de journée en espérant avoir le chemin ouvert Plusieurs hommes avaient brisé la croûte de neige pour faciliter et permettre à la charrue en V d’avancer plus rapidement pour ensuite aller à la messe jdu dimanche