Bâtiment historique
Le Petit Pouvoir, à l'abandon depuis près de 30 ans
Bien qu'il soit classé comme bâtiment patrimonial, le Petit Pouvoir à Les Cèdres, l’une des plus vieilles centrales hydroélectriques du pays, est abandonné depuis 1995 par le ministère des Transports. Après avoir été victime de vandalisme à plusieurs reprises, il est aujourd’hui en piètre état. Le ministère a toutefois enclenché les premières étapes pour sa restauration à l’été 2020.
Deux appels d’offres ont été lancés l’été dernier, l’un en architecture et l’autre en ingénierie. Après le processus de soumission, un contrat a finalement été conclu le 18 août 2021 avec la firme CIMA+ afin d’évaluer l’état de la structure et des fondations. La valeur du contrat est de 750 000 dollars.
Le deuxième, avec l’entreprise EVOQ, responsable d’inspecter l’enveloppe du bâtiment, est actuellement en attente de conclusion.
« Les mandataires sélectionnés débuteront bientôt l’évaluation des besoins en vue de proposer les interventions appropriées et de préparer ensuite les plans et devis qui serviront à lancer les appels d’offres de travaux pour restaurer le bâtiment », explique Karine Abdel, conseillère en communication au ministère des Transports. L’échéance est jusqu’à présent inconnue.
Des années d’inaction
« Il n’y a rien qui avance là-dedans, c’est aberrant », déplore Raymond Larouche, maire de la municipalité de Les Cèdres.
Le bâtiment, pourtant classé patrimonial depuis 1984 par le ministère de la Culture, oblige le ministère des Transports à son entretien en vertu de la loi. Or, même si des travaux mineurs de réparation et de sécurisation ont été faits, cela n’aura pas empêché sa détérioration.
« L’édifice a été classé en 1984 et restauré peu de temps après. Il était impeccable. Sauf que là, il a été complètement vandalisé parce qu’il a été abandonné, donc la restauration, c’est tout à recommencer », précise Luc Noppen, directeur de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, ayant consacré une étude historique sur le Petit Pouvoir.
Après sa désaffectation en 1959 à la fermeture du canal de Soulanges, la centrale a logé des artistes, dont le sculpteur Armand Vaillancourt et Reynald Piché qui ont procédé à des rénovations à l’intérieur.
Québec a cependant mis fin au bail de Piché en 1995. Le bâtiment a depuis été délaissé et endommagé par des personnes malveillantes, mettant entre autres le feu aux installations internes.
Depuis qu’il est en poste, M. Larouche dit avoir tenté d’au moins sécuriser le site avec des caméras de surveillance ou un système d’alarme. Le ministère des Transports n’a cependant pas répondu favorablement à sa proposition selon ses dires.
Le maire proposait même que la municipalité s'occupe d'octroyer le contrat à une entreprise et d’ensuite refiler la facture au ministère afin de faciliter les procédures, mais rien.
Un trésor caché
Luc Noppen a consacré la dernière décennie à amasser des informations sur cette centrale, érigée en 1898, faisant d’elle l’une des seules construites avant le XXe siècle encore intactes au pays. « L’idée était de leur donner une meilleure connaissance pour qu’ils prennent ce bâtiment plus au sérieux », ajoute-t-il.
Le chercheur a d’ailleurs trouvé deux puits de turbines Victor, datant de l’époque et encore sur place, un fait qui était inconnu du ministère selon lui. « Ils n’avaient pas vraiment de dossier historique. Ils n’avaient pas le nom de l’architecte, les devis, etc. », soutient M. Noppen.
Il lui aura donc fourni toute la documentation historique comprenant les plans, devis, brevets, photos, détails sur la charpente, les matériaux, tout, ainsi que des recommandations afin de les aider dans le projet de restauration.
« J’ai fait mon étude pour montrer que ce que le ministère a classé, c’est juste le bâtiment devant, mais pas les puits de turbines en arrière qui forment un quai sur le canal de Soulanges. Le ministère n’a pas classé non plus la petite écurie à côté et assez de terrain pour protéger le bâtiment », considère-t-il.
M. Noppen est d’avis que les instances publiques se sont retrouvées avec cette centrale sans trop savoir comment la restaurer, étant donné sa complexité architecturale, expliquant en partie les délais observés. Elle aura finit par tomber dans les oubliettes pendant plus de 25 ans.
Une réfection partielle
Les appels d'offres lancés par le ministère pourraient ne concerner que l'édifice, mais ne prévoient pas un aménagement complet. « Même si on restaure l’enveloppe du bâtiment, il n’est pas vraiment habitable. Il va falloir amener des services », mentionne Luc Noppen.
Le Petit Pouvoir n’aura donc possiblement pas d’eau courante, ni d’électricité, de gicleurs, d’escaliers fonctionnels, de salles de bain, de stationnement et ne sera pas accessible pour les personnes à mobilité réduite.
Cette responsabilité pourrait revenir à la MRC de Vaudreuil-Soulanges, qui en assumerait la gestion dans le cadre du parc du canal de Soulanges.
M. Noppen estime que le ministère pourrait toutefois se charger de sa réfection entière, d’autant plus que ce serait selon lui des dépenses mineures comparativement aux projets d’infrastructures de quelques milliards qu’il finance ailleurs dans la province. « Moi, ce qui m’inquiète, c’est que si ça coûte des millions de dollars pour l’aménagement, c’est que la MRC n’ait pas les moyens de le faire », craint-il.
Le maire de Les Cèdres, Raymond Larouche, ne partage pas cette appréhension. Il est trop tôt pour se prononcer sur les travaux nécessaires selon lui.
« Ça pourrait être une microbrasserie, un spa, une salle de concert en plein air, il y a plein d’options possibles, mais il faut qu’ils commencent par le réparer. Un coup que ça va être fait, nous, notre travail après ça, ça va être d’y trouver une vocation, mais ça va être quelque chose de touristique, c’est officiel », a-t-il déclaré.
Des solutions
Pour créer un site fonctionnel tout en limitant les impacts sur l'édifice, Luc Noppen propose de créer une annexe plus moderne, où les différents services seraient apportés.
Il mentionne aussi qu’il est essentiel de préserver le paysage autour du bâtiment, notamment près du chemin du Fleuve, comme la frayère qui sera d'ailleurs refaite à la jonction de Coteau-du-Lac. Une aire d’arrivée sur la route 348, avec une passerelle piétonne par-dessus le canal, permettant de joindre la piste cyclable, serait selon lui la meilleure option.
Il faudra en revanche attendre la fin des études en cours avant d’imaginer ce que le Petit Pouvoir pourrait devenir, mais ce n'est pas le potentiel qui manque.
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