Monteur de décors
Un « patenteux » attachant à Saint-Polycarpe
Gérard Dostie est ce qu’on peut appeler dans le jargon un « patenteux », c'est-à-dire quelqu’un qui, grâce à ses mains et ses outils, trouvera toujours le moyen de mener ses projets à terme. Que ce soit le fer ornemental, la soudure, la menuiserie et même le vitrail, rien ne lui échappe. Derrière sa barbe blanche et son rire contagieux se cache un homme profondément attachant.
C’est à l’âge de 6 ans qu’il trouve passion pour le dessin dans une école de rang de Coteaux-Station. « Ils nous avaient demandé de faire un dessin pour un pamphlet pour l’école. J’ai fait deux mains ensemble avec un chapelet. Quand les sœurs sont arrivées, elles m’ont dit que j’avais copié, mais c’était moi qui l’avais fait. Elles ne me croyaient pas, mais l’ont pris pareil, si je me confessais pour mon péché », se remémore-t-il.
Le jeune Gérard Dostie, d’une famille de 13 enfants, dont 3 sont adoptés, donnait ainsi régulièrement du crayon. « J’aimais ça dessiner. On était huit gars chez nous et personne ne dessinait parce qu’ils trouvaient ça inutile. Ce n’était pas comme aujourd’hui », remarque-t-il.
Il poursuit ses études secondaires à Saint-Polycarpe. Étant dans une classe forte, il se voit refuser l’accès aux ateliers de menuiserie, de soudure, de mécanique, pour ne nommer que ceux-ci, réservés aux agriculteurs et aux plus niais du groupe.
« Je voulais y aller parce que je ne pouvais jamais avoir la chance de travailler avec les outils qu’il y avait dans ces ateliers, il y avait toutes les machines, c’était un rêve d’aller là pour moi », explique-t-il.
Devant le refus du directeur dénommé Ménard, M. Dostie ne se présente pas à ses cours pendant deux semaines avant de finalement être admis. C’est à ce moment que sa passion atteint un autre niveau, notamment grâce aux enseignants qui lui donnaient le champ libre dans les ateliers.
À sa sortie de l’école, il part travailler pour une entreprise de fer ornemental à Les Cèdres, appartenant à un français qui insistait sur l’idée de maître et d'apprenti, une formation d’environ huit ans. Après deux semaines, il a bien vu le talent de Gérard Dostie et lui immédiatement confié des clients.
Changement de parcours
« Dans le temps, les marchandises faites en Chine, ce n’était pas encore arrivé ici. On pouvait faire des chandeliers, des portes de foyer, etc. Il y avait de l’ouvrage en masse, mais après une dizaine d'années les magasins à 1 dollar ont commencé, le plastique est arrivé aussi, donc il n’y avait plus rien », raconte M. Dostie.
Devant cette baisse de la demande pour l'artisanat, ce dernier se lance dans la création de décors pour la scène culturelle. Il se fait engager pour une entreprise et devient chef d’atelier la première journée.
M. Dostie aura entre autres oeuvré au sein de Production Yves Nicol, Studio Artefact, Atelier conception, ainsi qu’à son propre compte, où il aura travaillé sur plusieurs projets d’envergure.
Du décor de l’émission de télévision, L’Heure JMP, avec Jean-Marc Parent, sur lequel il aura consacré près de 48 heures de travail en ligne avec l’aide de deux de ses frères, aux décors pour des pièces de théâtre et d’opéra à Montréal, en passant par une guitare d’une trentaine de mètres pour une publicité de Budweiser à Boston, ce ne sont pas les projets qui ont manqué.
Il partait d’ailleurs souvent aux États-Unis ou ailleurs au Canada afin d’installer ses créations. « C’était fou parfois, fallait que je leur dise que ça ne marcherait pas leur affaire. Dans l’industrie du décor, si tu voyais l’argent qui se gaspille là-dedans, c’est épeurant », constate-t-il.
Plusieurs vont ainsi directement aux poubelles au lieu d’être récupérés. Parfois, cela représente des sommes de 50 000 à près d’un million de dollars.
Un point tournant
Accro au travail, ne calculant pas les heures, c’est en 2002 que M. Dostie frappe un mur. « J’ai fait une dépression, ça a duré 4-5 ans. J’ai tout perdu, mon atelier, ma maison, mon duplex, mon camion, j’ai tout perdu, au complet, je n’avais plus rien », témoigne-t-il.
Après un certain temps, M. Dostie décide de se reprendre en main en recommençant à dessiner. Il en affichait un par jour sur le mur de sa chambre, ce qui lui a permis de passer au travers à sa façon.
Celui-ci a par la suite emprunté 1000 dollars à la banque afin de se racheter un minimum d’équipement, ainsi qu’un camion à 250 dollars, pour aller travailler à Montréal dans l’installation de rampes en aluminium dans le but d'amasser suffisamment d’argent pour revenir à ses premiers amours. Cela aura été difficile au début, alors qu’il vivait dans une grange, mais il se dit aujourd’hui fier d’y être arrivé.
Depuis ce temps, il a créé Gérard Dostie Créations, son entreprise et atelier à son nom à Saint-Polycarpe, et s’est fait confier d’autres gros projets comme celui des décors du spectacle circassien d’Amos Daragon à Shawinigan, où il aura travaillé en solo pendant des mois sur place. Une réalisation de taille pour l'homme qui n'avait qu'une soudeuse et une meuleuse au départ.
Des projets variés
En plus des escaliers et autres structures en fer forgé, il réalise dans son atelier, qu’il a d’ailleurs construit de ses mains il y a six ans, quelques mois après son infarctus, des sculptures comme celle présente au Vignoble de Pomone à Coteau-du-Lac.
M. Dostie fait aussi des urnes, la réfection de meubles, des affiches, des portails, et d’autres contrats comme la réplique de la tour Eiffel au Buffet des continents de Mascouche. Il touche à tout et dit aimer mixer les différents matériaux ensembles.
Lorsque ce sont de gros projets, notamment de plusieurs mètres, il doit penser encore plus à tout. « C’est bien beau le dessiner, mais le bâtir, c’est autre chose. Faut que ce soit résistant, ça s’en va en tournée, c’est transporté dans des remorques, sur des chariots, il faut penser à toutes ces affaires-là », précise-t-il.
Les pièces sont donc parfois de gigantesques casse-têtes, où tous les morceaux sont numérotés. « Plus il y a de défis, plus je suis heureux, lance-t-il. J’aime autant perdre du temps et de l’argent que quelqu’un me dise que ce n’est pas beau. Si je ne l’aime pas, elle ne sort pas de l’atelier.»
L’avenir
« J’ai des projets 10 ans en avance si je veux. S’ils se bâtissaient aussi vite que je les ai dans la tête, la cour serait pleine », dit-il en pouffant de rire.
Il aimerait prochainement finaliser sa clôture ornementale pour son propre terrain ainsi qu’un carrousel en guise de balcon sur sa maison. « J’ai tout le temps trouvé ça beau, et je me disais qu’un jour, j’aurais le temps de m’en faire un », indique-t-il.
M. Dostie demeure cependant occupé. Même si sa femme est d’avis qu’il travaille trop, il ne pourrait pas être un jour sans mettre les pieds dans son atelier. « J'espère pouvoir travailler encore 10-15 ans si la santé me le permet, même si je prends ma pension l’année prochaine », conclut l'homme de 65 ans.
7 commentaires
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Veut ! Bravo
Tu lui montres un dessin, tu lui expliques quelques consignes pour le transport
et « Pouf » le résultat est toujours extraordinaire!
Chez moi, j’ai une rampe d’escalier
« Gérard Dostie Créations » !