Histoire
Le pont de l'Île-aux-Tourtes d'hier à aujourd'hui
Symbole du développement régional, pilier des déplacements entre l’Ouest-de-l’Île et Vaudreuil-Soulanges, et malgré lui source de nombreux maux de tête pour les automobilistes, le pont de l’Île-aux-Tourtes occupe une place bien ancrée dans l’histoire régionale, mais également québécoise.
L’idée de construire un pont reliant Senneville à Vaudreuil en passant par l’île aux Tourtes remonte aux années de Maurice Duplessis. Mais ce n’est que sous le gouvernement de Jean Lesage, dans les années 1960, que le projet prend forme, dans un contexte de modernisation des infrastructures québécoises.
Son nom, Île-aux-Tourtes, provient des tourtes voyageuses, ces pigeons sauvages aujourd’hui disparus, qui abondaient autrefois sur l’île située sous la structure.
Une construction qui façonne la région
Les travaux de construction débutent en 1962, à la suite d’un long processus de négociation entre Québec et Ottawa pour le prolongement de l’autoroute transcanadienne. Bien qu’on prévoyait une ouverture à l’hiver 1964, le pont est officiellement inauguré le 18 juillet 1965.
À l’époque, le premier ministre Jean Lesage soulignait déjà son importance stratégique :
« Il s’agit là d’un tronçon de la plus grande voie de communication entre le Québec et l’Ontario, et l’on imagine facilement quel rôle essentiel il est appelé à jouer dans le développement régional et dans l’essor économique de toute la province. »
Ministre de l’Éducation et député de Vaudreuil-Soulanges, Paul Gérin-Lajoie joue lui aussi un rôle de premier plan dans la concrétisation du projet. Pour lui, le développement routier allait de pair avec l’accessibilité à l’éducation.
« Pour que nos élèves se rendent aux écoles, il faut des routes adéquates », disait-il à l’époque.
M. Gérin-Lajoie suivait de près l’avancée du chantier, multipliant les visites en compagnie des ministres responsables de la Voirie et des Travaux publics.
Une prouesse technique pour son époque
Le contrat de construction est confié à la firme Atlas Construction, pour une somme de 7,5 millions de dollars — une soumission inférieure aux estimations initiales de 10 millions $. Le pont de près de deux kilomètres de long est entièrement construit en ciment précontraint, un choix innovant visant à réduire les coûts et maximiser l’embauche locale.
Ce matériau, moins coûteux que l’acier, permettait à la fois d’assurer la solidité de l’ouvrage et de générer des emplois dans la région. Toutefois, les années ont révélé certaines faiblesses de cette technique, notamment face à l’abrasion hivernale.
Un axe névralgique toujours aussi essentiel
Aujourd’hui, le pont de l’Île-aux-Tourtes demeure un lien routier essentiel pour des milliers d’automobilistes quotidiennement. En reliant la région de Vaudreuil-Soulanges à l’île de Montréal, il contribue non seulement à la mobilité des citoyens, mais aussi à la vitalité économique de l’ouest du Québec.
La nouvelle structure prend forme
Lancés en décembre 2023, les travaux de construction du nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes ont franchi plusieurs étapes majeures dans la dernière année.
La première étape structurante du projet est désormais complétée. Les 233 pieux destinés à soutenir la future structure ont tous été forés et bétonnés dans le roc, certains atteignant près de 12 mètres de profondeur. Ces pieux serviront d’assise aux 46 piles et culées du pont.
Depuis la mi-mars, l’ossature du nouveau pont attire les regards. Plus de 100 poutres sont actuellement assemblées du côté de Senneville. À terme, ce sont 845 poutres — mesurant entre 15 et 42 mètres de long, pesant de 12 à 35 tonnes métriques — qui formeront la structure principale du pont. Chacune mesure 2,8 mètres de hauteur.
Certains observateurs ont d’ailleurs remarqué une courbure vers le haut sur certaines poutres. Il s’agit d’un prébombement, une technique d’ingénierie volontaire qui assure la solidité et la durabilité de l’ouvrage. Une fois les dalles de béton installées, les poutres se redresseront naturellement pour former une surface plane.