Rencontre avec des leaders de la région
Vaudreuil-Soulanges est-elle la grande oubliée de Québec?
Les événements entourant la fermeture du pont de l’Île-aux-Tourtes dernièrement ont mis en lumière une tendance qui semble être observée, c’est-à-dire que la région de Vaudreuil-Soulanges serait oubliée du provincial pour ses projets d’envergure. Néomédia a sondé les élus afin d’avoir leur vision des choses.
« Je pense que c’est historique », lance Guy Pilon, maire de la Ville de Vaudreuil-Dorion. Il explique que pendant longtemps, la population était desservie de chaque côté, soit dans l’ouest de l’île de Montréal ou du côté de Salaberry-de-Valleyfield. « Les gens n’ont pas vu venir la croissance de Vaudreuil-Soulanges », explique-t-il.
Le boom démographique qu’a connu la région a ainsi créé un besoin d’infrastructures importantes sur le territoire, que ce soit des routes, des ponts ou un hôpital. « Il y avait des députés dans le temps, ils la voyaient cette augmentation-là, mais il n’y a rien qui a été fait. Pour l’hôpital, on est dix ans en retard, pour la 20, c’est 50 ans », estime-t-il.
La députée de Vaudreuil, Marie-Claude Nichols, désapprouve cette hypothèse. « Je ne ferai pas du Québec bashing, mais ce n’est pas vrai que je vais dire qu’il n’y a rien qui a été fait. C’est vrai que quand on arrive au provincial, la machine est grosse, mais je ne pense pas que la région de Vaudreuil-Soulanges a été oubliée », affirme-t-elle.
Des réalisations malgré tout
Cette dernière admet néanmoins qu’il y a une certaine lenteur en ce qui concerne les infrastructures routières, mais pour le reste, Vaudreuil-Soulanges n’est pas exclue. Elle spécifie que des subventions sont régulièrement octroyées pour des bâtiments municipaux, des projets en loisirs, en éducation, etc.
La députée de Soulanges, Maryline Picard, abonde dans le même sens et convient aussi que des investissements ont été réalisés, comme l’acquisition de terrains au mont Rigaud, le financement de l'aréna de Saint-Polycarpe, le viaduc du chemin des Chenaux à Vaudreuil-Dorion, l’ajout d’écoles primaires et plusieurs autres.
Elle rappelle aussi que la région a pu, entre autres, profiter de la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure, où 3 des 150 projets étaient dans Vaudreuil-Soulanges, dont l’hôpital et le pont de l’Île-aux-Tourtes.
« On a pu commencer les travaux de l’hôpital avant même de savoir quel contractant les feraient, ce qui permet de devancer de plusieurs mois la construction », souligne-t-elle.
L'autoroute 20 : un dossier qui traîne
À l’instar de l’hôpital, qui est officiellement enclenchée, le contournement de l’autoroute 20 connaît un tout autre scénario. Cela fait depuis 1965 que les terrains sont expropriés et à ce jour, celui-ci reste toujours dans le flou du côté de Québec.
Rappelons qu’il s’agit de la principale porte d’entrée de la province en provenance de l’Ontario. « Ça ne touche plus que le municipal, le pont de l’Île-aux-Tourtes et la 20, ça touche l’économie du Québec », précise M. Pilon. C’est 75% des biens et marchandises échangés entre les deux provinces qui transitent par cette route.
Le projet accuse néanmoins une lenteur incomparable au Québec. « J’ai encore posé la question récemment, et personne n'est capable de me dire pourquoi l'autoroute 20 n’est pas faite », indique Pierre Séguin, maire de L’Île-Perrot, à propos d’une récente rencontre avec les élus provinciaux.
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Les automobilistes doivent ainsi traverser un boulevard urbain entre Vaudreuil-Dorion et L’Île-Perrot de 7,3 kilomètres. D’ailleurs, un feu de circulation devrait être ajouté prochainement devant le poste de la Sûreté du Québec dans le secteur Harwood, rendant encore plus difficiles les déplacements sur ce tronçon.
Des pourparlers sont en cours pour que le contournement de l’autoroute se fasse en deux phases, soit la première à Vaudreuil-Dorion et la deuxième du côté de L’Île-Perrot, ce à quoi M. Séguin s’oppose, et ce surtout avec l’arrivée de l’hôpital.
« Les moins bien desservis par l’hôpital, ça va être les gens de L’Île-Perrot. Si vous partez de Rivière-Beaudette, vous allez arriver plus vite que moi [à cause des feux de circulation]», constate-t-il. M. Séguin ne veut pas de demi-mesure dans ce dossier.
La joute politique
« À un moment donné Vaudreuil-Soulanges, on était acquis pour un groupe et complètement perdu pour un autre. Il n’y avait pas de gain à faire. Je pense qu’il y a eu des calculs politiques et ça, personne ne va m’enlever ça de la tête », croit le maire de Vaudreuil-Dorion. M. Pilon fait référence aux libéraux et aux péquistes, respectivement.
Pierre Séguin pense aussi de son côté que la région ne s’est peut-être pas suffisamment fait valoir dans le passé. « Pourquoi sommes-nous oubliés? Parce qu’on s’est contenté de peu, mais dans le dossier de l'autoroute 20, les citoyens et moi-même n’allons pas nous contenter de peu », prévoit-il.
Ainsi, de leur côté, les maires des deux municipalités ont du mal à comprendre pourquoi un projet de plusieurs millions, ayant des répercussions économiques majeures pour la province, ne se fait toujours pas alors que le gouvernement de la CAQ financera un troisième lien à Québec pour un peu moins de 10 milliards de dollars.
Mme Nichols pense pour sa part que les élus municipaux ont aussi un rôle à jouer. La collaboration avec Québec, ou entre les élus, n’a peut-être pas toujours été au rendez-vous, ce qui aurait pu refroidir le provincial à agir dans la région.
M. Pilon aimerait toutefois ne pas être toujours obligé de passer par le provincial pour des subventions, même si ce n’est pas de très grands projets. « J'aimerais pouvoir parler à Peter Schiefke [député fédéral de Vaudreuil-Soulanges] pour lui demander de l'argent pour un parc, mais on ne peut pas au Québec ». Les municipalités relèvent seulement du provincial.
M. Séguin garde espoir. Il voit les événements du pont de l’Île-aux-Tourtes, ou encore les inondations des dernières années, des occasions pour se faire entendre. « C’est des opportunités qu’on ne doit pas rater [...] Pour ne pas être oublié, peut-être qu’il faut parler plus fort », propose-t-il.
Des retombées économiques
« C’est tellement la base, mais j’ai besoin d’électricité, d’eau, d’espace, de route et de ponts qui assurent une fluidité du transport », soutient Joanne Brunet, directrice générale du Développement économique de Vaudreuil-Soulanges.
L’avancement de ces projets, notamment l’autoroute 20, n’est pas sans conséquences sur l’attractivité économique de la région. « Ce n’est pas juste important pour la fluidité du transport. On est tous conscient que c’est le corridor de commerce transcanadien », constate-t-elle.
Mme Brunet explique en revanche que son rôle n’est pas politique, mais de planifier le mieux possible les retombées sur la région.
Elle donne en exemple l’hôpital de Vaudreuil-Soulanges. « On se prépare à maximiser les retombées, tant pendant la construction, que dans son entretien et son opération avec des entreprises locales [...] Cet hôpital-là va nourrir des patients. Est-ce qu’on peut imaginer des projets où on va valoriser les produits locaux que l’hôpital va pouvoir utiliser dans la conception des repas? C’est le genre de chose qu’on regarde actuellement », assure-t-elle.
Cela passe également par l’attraction d'entreprises du domaine médical ou l’expansion de celles déjà présentes.
Des impacts sociaux
Les travailleurs du réseau de la santé qui résident dans la région voudront aussi sûrement se rapprocher en allant travailler au futur hôpital. C’est donc à regarder avec le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Ouest si les 3000 nouveaux emplois peuvent provoquer des bris de services.
Cette planification va ainsi beaucoup plus loin que le côté monétaire, mais touche également l’aspect social, l’éducation avec la formation du personnel ou encore le logement. Un hôpital constitue donc un fort facteur d’attractivité pour une région et le DEV tente de s’y préparer.
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C’est parfois tout le développement d’un quartier qui est en jeu en ce qui a trait à l'avancement de projets d'infrastructures, comme le secteur Harwood à Vaudreuil-Dorion. Même si des activités de revitalisation sont déjà lancées, il reste que le contournement de l’autoroute 20 est un élément clé pour transformer cet espace.
Le quartier se retrouve pour l'instant privé d'une certaine vie communautaire et sécuritaire. La Ville voit beaucoup de potentiel en cet endroit pour y développer des commerces locaux de proximité et densifier l'offre en habitation, notamment avec l'arrivée de l'hôpital.
Se faire connaître
« Je pense que pour la plupart des gens, quand tu dis Vaudreuil-Soulanges, ils n’ont aucune idée c’est où et on doit se débattre avec ça. Pendant longtemps on était dans le Suroît, dans le sud-ouest, en Montérégie, on n’a jamais été localisé comme tel. Il faut vraiment se positionner et faire en sorte de montrer qu’on existe », affirme Guy Pilon, maire de Vaudreuil-Dorion.
Un constat qui fait écho à celui de Mme Picard, députée de Soulanges. « C’est sûr que c’est mon rôle comme députée de faire valoir le plus possible ma région au gouvernement. Je ne veux pas mettre de la partisanerie, mais ça a été pris pour acquis selon moi depuis plusieurs années. J’ai la chance d’être là et j’essaie de faire le plus possible », ajoute-t-elle.
M. Pilon explique que cela prend une identité forte, plus grande qu’un Costco ou un Walmart. « Il y a encore du travail à faire pour faire connaître notre région », précise-t-il. Ce dernier raconte à quel point la Ville avait dû mettre de la pression à l’époque afin d’avoir un affichage qui indiquait Vaudreuil-Dorion au lieu de Châteauguay sur l’autoroute 30.
Développer une identité régionale
« L’identité régionale, c’est s’accrocher à quelque chose qui symboliquement nous représente. Je pense que le canal Soulanges, le mont Rigaud, tout l’aspect récréotouristique qu’on peut avoir, ça en fait partie. C’est peut-être une identité en développement, mais je crois fondamentalement qu’il y en a une », témoigne Mme Brunet du DEV.
Cette dernière voit que les gens s’approprient de plus en plus leur territoire et sont conscients qu’il est diversifié. « Peut-être que c’est difficile de se retrouver, mais en même temps c’est l’amalgame de plusieurs identités qui fait en sorte qu’on est une région différente et attrayante ».
Elle assure que la région jouit déjà d’une belle notoriété auprès des investisseurs et qu’elle possède des avantages concurrentiels.
« L’amour qu’on peut avoir pour un territoire et ce qu’on veut y apporter comme couleur, on a tous une responsabilité autant les citoyens, les élus ou les professionnels comme nous en développement économique. C’est de faire valoir le meilleur de ce qu’on peut offrir tant au niveau des loisirs que de la qualité de vie », conclut-elle.
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