Selon le Comité consultatif sur les changements climatiques
Climat: des changements structurels s'imposent, selon un avis remis au gouvernement
Par La Presse Canadienne
Miser sur la sobriété énergétique, majorer la tarification carbone, sortir plus rapidement des énergies fossiles et densifier les villes sont nécessaires pour répondre à l’urgence climatique, selon le sixième avis du Comité consultatif sur les changements climatiques remis au ministre de l'Environnement, Benoit Charette.
Le plus récent avis du comité de scientifiques nommés par le gouvernement Legault appelle à des changements profonds et souligne qu’entre 1990 et 2021, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports routiers ont augmenté de 16 %, tandis que les émissions totales sur le territoire du Québec n’ont diminué que de 9 %. Le Québec s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 37,5 % sous leur niveau de 1990 d'ici 2030.
«Les émissions sur le territoire du Québec ne sont pas en ligne avec les recommandations des organisations internationales comme le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ou l’Agence internationale de l’énergie» et «la trajectoire vers la décarbonation complète d’ici 2050 deviendra de plus en plus exigeante si nous n’accélérons pas les efforts», a indiqué le président du comité, Alain Webster, dans communiqué qui accompagne la publication de l’avis mercredi matin.
Changements structurels
Des changements structurels dans plusieurs secteurs s’imposent pour atteindre les cibles que le gouvernement s’est fixées. Le comité souligne que ces solutions, dans la plupart des cas, sont connues et que sur le plan technique et économique, leur mise en œuvre est possible, mais elles doivent cependant «être accélérées et généralisées en utilisant pleinement les pouvoirs de coordination et de planification de l’État québécois».
L’avis recommande par exemple de densifier les villes et d’assurer le déploiement de services publics de proximité, de réduire le nombre et la taille moyenne des véhicules, de créer des environnements favorables aux transports actifs, collectifs et partagés.
Le document du comité consultatif recommande aussi de «réduire le volume de marchandises transportées et soutenir massivement le transfert modal».
Les scientifiques du comité croient qu’il faut également soutenir davantage «les solutions basées sur la nature dans une perspective d’adaptation des milieux de vie au climat futur».
Il existe plusieurs sortes de solutions basées sur la nature; la plantation d'arbres le long des berges d'une rivière pour aider à prévenir l'érosion de la terre en est un exemple.
Selon l’avis adressé au ministre de l'Environnement, il faut également «arrêter l’artificialisation du Québec méridional».
Système alimentaire
Le comité est d’avis qu’il faut diversifier les sources de protéines et soutenir les systèmes alimentaires locaux et les réseaux d’approvisionnement courts.
Il recommande également d’adopter et de promouvoir «des lignes directrices en alimentation qui tiennent compte de la durabilité».
Secteur industriel
Dans ce secteur, il est recommandé de favoriser l’intégration des principes d’économie circulaire; de mettre en place «des mesures d’écofiscalité et d’écoconditionnalité adéquates» et de soutenir la transition vers des industries vertes.
Bâtiment
Conséquemment avec l’idée de densifier les villes, les scientifiques du comité recommandent de réduire les surfaces habitables par personne et d’appliquer les principes «des maisons passives» pour les nouvelles constructions.
Une maison passive est construite de façon à minimiser son empreinte écologique, grâce aux matériaux et aux types d’énergies utilisés notamment.
Secteur énergétique
Le Comité consultatif sur les changements climatiques soutient que le Québec doit réduire en amont les demandes en énergie, décupler les gains en efficacité énergétique tout en accélérant la sortie des énergies fossiles et en augmentant la production d’énergie renouvelable.
De nouveaux outils de gestion
Les scientifiques recommandent de développer de nouveaux outils de gestion de la transition climatique, dont un budget carbone et des feuilles de route sectorielles.
«L’approche retenue dans plusieurs États, comme la France et le Royaume-Uni, est la mise en place d’un budget carbone balisant les objectifs annuels pour chaque période quinquennale, permettant ainsi un recalibrage de l’action climatique si les objectifs ne sont pas atteints.»
L’absence d’un outil semblable au Québec réduit «la capacité de mobilisation des parties prenantes» pour atteindre l’objectif de réductions de GES, selon l’avis scientifique.
Majorer la tarification carbone
Le sixième avis du Comité consultatif sur les changements climatiques souligne que la tarification carbone est reconnue comme un «instrument crucial dans la lutte contre les changements climatiques».
Au Québec, le Système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE), aussi appelé la bourse du carbone, permet de fixer un plafond annuel global pour 77 % des émissions. Il couvre les grands secteurs d’émissions que sont le transport terrestre, le secteur industriel, le secteur du bâtiment et celui de l’électricité et constitue la principale source de financement pour mettre en œuvre le Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement Legault.
Entre 2013 et février 2024, ce système a généré des revenus cumulés de 8,8 milliards $.
«Toutefois, malgré une hausse au cours des deux dernières années, ce niveau du prix carbone est encore inférieur à ce qui est recommandé pour limiter la hausse de la température à moins de 2 degrés Celsius», selon l’avis du comité.
«Le cadre réglementaire qui définit ce système n’a pas encore engendré un signal de prix suffisant et n’a pas encore réussi à induire, sur le territoire du Québec, une transformation suffisante des modes de production et de consommation», écrit le comité qui recommande donc de majorer la tarification carbone.
Des efforts insuffisants
Malgré des choix stratégiques du gouvernement, les efforts restent insuffisants, selon le comité, qui souligne que Québec «a démontré une forme de leadership dans l’action climatique», par exemple en interdisant l’exploration et l’exploitation des énergies fossiles, par «son engagement continu en faveur de la tarification du carbone», par «la mise en œuvre des plans climat au niveau régional et par l’accroissement de ses investissements pour accélérer la transition».
Mais ces actions, selon l’avis du comité de scientifiques, «n’ont pas entraîné les changements structurels requis pour favoriser la décarbonation et la sobriété énergétique et n’ont pas permis de créer les milieux de vie permettant de rendre faciles et souhaitables les changements de comportements».
Le Comité consultatif sur les changements climatiques est un organisme permanent indépendant créé en vertu de la Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l’électrification.
Il a pour mission de conseiller le gouvernement sur les orientations, les programmes, les politiques et les stratégies en matière de lutte contre les changements climatiques.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne
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