Coupures dans le milieu scolaire
« Ce n'est plus un simple effort budgétaire, c'est une déconstruction du système public » Martine Dumas
Les cellules syndicales du secteur de l'éducation à Vaudreuil-Soulanges réagissent avec fermeté aux compressions budgétaires annoncées par le gouvernement. Les coupures de 200 millions de dollars imposées aux centres de services scolaires d'ici le 31 mars suscitent une vague d'inquiétudes et d'indignation dans le milieu de l'éducation.
Au Centre de services scolaire des Trois-Lacs, c'est 1,9 M$ qui doit être imputé. Afin d'atteindre cet objectif, chacun des établissement scolaire régi par le CSSTL doit couper, d'ici le 31 mars 10% de son budget opérationnel.
« On nous a annoncé en février les différents éléments qui allaient être touchés par les coupes. On parlait de compressions dans le maintien des bâtiments, le maintient de postes vacants au seins de la structure administrative, de coupes au niveau de la formation continue du personnel scolaire pour tout ce qui touche à l'usage pédagogique, des technologies numériques, de la programmation informatique. On parle aussi de réduction de dépenses pour chacune des écoles sur des mesures spécifiques ministérielles, donc des mesures comme l'aide alimentaire, les activités parascolaires au secondaire, les sorties scolaires en milieu culturel. On parle aussi d'intervention spécifique par la mise en place d'intervention efficace en prévention de la violence de l'intimidation, pour favoriser un climat scolaire sécuritaire, positifs et bienveillant. Donc ça, c'est une mesure qui peut être coupé par les établissements », explique Martine Dumas, présidente du Syndicat de l'enseignement des Seigneuries (SES-FAE).
Des impacts directs sur les élèves et le personnel scolaire
Si le message martelé par les hauts dirigeants soit que les coupures n'affecteront en rien les services aux élèves, sur le terrain le son de cloche est tout autre.
Tous s'entendent sur la nécessité de clarifier l'impact réel des coupures. « Le gouvernement prétend que les efforts budgétaires demandés ne touchent pas les élèves, mais c’est faux », affirme Martine Dumas. « Il est évident que cela aura un impact sur les élèves et le personnel. Cette situation crée une confusion entre le discours politique et la réalité sur le terrain. Les centres de services scolaires sont mis devant un fait accompli. »
Selon Carolane Desmarais, présidente du Syndicat du personnel professionnel en éducation du Nunavik et de l’ouest de Montréal (SPPENOM-CSQ), la situation tend à s'aggraver avec la centralisation des décisions. « Depuis l’abolition des commissions scolaires, les centres de services scolaires reçoivent directement leurs directives du ministère, limitant leur capacité de dénoncer ces mesures et de s’y opposer. Nous avons l’impression qu’ils font du mieux qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, mais ils doivent obéir à des consignes déconnectées de la réalité du terrain », déplore-t-elle.
Carol-Anne Dupré, présidente du Syndicat du personnel de soutien des Trois-Lacs (SPSTL-CSQ), souligne elle aussi l’incohérence du discours gouvernemental. « À l'automne dernier, on nous disait que les centres de services scolaires devaient simplement respecter leur budget, ce qui semblait raisonnable. Mais lorsque les compressions ont été annoncées, on nous a assuré que les élèves ne seraient pas touchés. C’est complètement utopique. Comment peut-on croire qu’on coupe des sommes importantes sans que les élèves en subissent les conséquences ? », déplore-t-elle.
Même son de cloche du côté de Mme Desmarais, qui ajoute que « l'essentiel du budget des centres de services scolaires est consacré aux salaires. Il s'agit d'humains qui travaillent avec des humains. Lorsqu'on coupe, même au niveau administratif, cela affecte inévitablement l'organisation et les services aux élèves. »
Elle rappelle également que les services professionnels, comme la psychoéducation, l’orthophonie et l’accompagnement pédagogique, sont souvent les premiers touchés par ces compressions. Pourtant, ces services sont essentiels pour soutenir les enseignants et répondre aux besoins des élèves, notamment ceux ayant des difficultés d’apprentissage. « On se retrouve dans un cercle vicieux : les compressions augmentent la surcharge de travail, ce qui entraîne une détresse psychologique accrue chez les employés et nuit à la rétention du personnel », précise-t-elle.
Elle ajoute que les employés sont déjà surchargés, et que le gel des embauches complique encore la situation. « Quand il y a des postes vacants ou des absences prolongées, ils ne sont pas systématiquement remplacés. Cela augmente la pression sur le personnel restant et affecte directement les services aux élèves, notamment ceux en difficulté ».
Des coupures touchent également les services de garde, l’entretien des écoles et l’accès au matériel pédagogique. « On manque même d’articles de base comme des marqueurs et des crayons de couleur. Les techniciens en service de garde doivent faire plus avec moins, ce qui réduit la qualité des activités éducatives proposées aux enfants », poursuit Mme Dupré.
L'austérité là pour durer ?
Ces nouvelles coupes surviennent dans un contexte déjà tendu. Depuis juin dernier, les compressions budgétaires dans le secteur de l'éducation s'accumulent : 400 millions avaient déjà été supprimés, touchant notamment l'entretien des infrastructures scolaires et les services de francisation pour les adultes. « Ce n'est plus un simple effort budgétaire, c'est une déconstruction du système public », martèle Mme Dumas.
Pour sa part, Mme Dupré craint aussi des répercussions encore plus graves à long terme. « Nous arrivons aux mois de mars et avril, période où les effectifs sont planifiés pour la prochaine année scolaire. Si ces compressions se poursuivent, il est à craindre une réduction des heures pour les techniciens en éducation spécialisée, les préposés aux élèves handicapés et d’autres postes essentiels », souligne-t-elle.
Une mobilisation qui se poursuit
Face à cette situation, les syndicats appellent à une mobilisation accrue. Ils demandent aux parents d'interpeller les directions d'école et les conseils d'établissement pour exiger des comptes sur les compressions. Ils exhortent également la Fédération des centres de services scolaires et la Fédération des directions d'établissement à prendre publiquement position contre ces coupures.
Le prochain test pour le milieu scolaire sera le budget gouvernemental à venir. Le ministre Éric Girard dévoilera les grandes lignes du prochain budget provincial le 25 mars. « Ce qu'on veut voir, c'est de la transparence et un financement à la hauteur des besoins réels du système », affirme Mme Dumas. En attendant, les syndicats prévoient maintenir la pression par des actions publiques et des manifestations.
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