Du volontariat, mais à quel prix?
Plan de rattrapage en éducation : le SERV perplexe
Au lendemain du dévoilement du plan de rattrapage du ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, la présidente du Syndicat de l'enseignement de la région de Vaudreuil (SERV), Véronique Lefebvre, se dit plutôt perplexe face aux mesures annoncées.
« Je pense que ce plan est d’abord politique et que le ministre ne pouvait surtout pas se mettre à dos le personnel en récupérant les journées pédagogiques pour en faire des journées de classe, en obligeant le personnel à travailler à la relâche scolaire et en rendant ce plan obligatoire. Cela dit, il est intéressant, puisqu’il permet aux équipes-écoles de s’adapter aux besoins de leurs élèves », a-t-elle confié à Néomédia.
La présidente déplore toutefois le fait que les syndicats n'aient pas été consultés par le ministre lors de l'élaboration du plan. « C’est d’ailleurs un problème récurrent avec ce gouvernement qui ne fait pas la distinction entre consulter et informer », soulève Véronique Lefebvre.
« Nous le savons, ce ne sont pas ces journées de grève qui ont nui aux élèves, ce sont les décennies de compressions budgétaires ! C'est un plan de rattrapage politique assez habile qui achète la paix avec bien du monde! Je ne crois pas à l'impact réel des interventions. Selon moi, si on ne priorise pas les contenus à enseigner, le rattrapage dont il parle est peu probable à court terme », souligne pour sa part, Marie-Claude Nolin, orthopédagogue, affiliée au Centre de services scolaire des Trois-Lacs.
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Parmi les mesures annoncées mardi par le ministre Drainville, soulignons le report de la fin de la deuxième étape et la révision, à la baisse, de la pondération des examens du ministère. « Certains enseignants saluent ces mesures alors que d'autres croient qu’il aurait été préférable de ne s’attarder qu’aux savoirs essentiels comme ce fut le cas lors de la pandémie », a souligné la présidente.
« Pour ce qui est du bulletin repoussé de 2 semaines, à mon avis ce n’est pas assez pour le secondaire, les élèves ont manqué six semaines d’apprentissage. Avant d’évaluer, il faut apprendre et consolider. Pour nous au primaire, le peu de jours manqué n’aura pas d’incidences sur nos élèves, nous respectons leur rythme avant d’évaluer. Ce n’est pas toujours le cas au secondaire », déplore une enseignante qui s'est confiée sous le couvert de l'anonymat.
De l'argent trop peu trop tard
Pour réaliser son plan, le ministère de l'Éducation injectera quelque 300 millions de dollars.
Pour Claudine, une enseignante de la région il est « frustrant et insultant que le gouvernement injecte 300 millions alors que la grève aurait pu être évitée si celui-ci avait négocié pour de vrai dès le début et qu’il n’avait pas laissé traîner la négociation jusqu’à la dernière seconde. »
Les montants déployés permettront d’offrir des services importants aux élèves qui en ont besoin, « à condition qu’il y ait suffisamment de personnel, ce n’est pas certain, et des locaux disponibles », rappelle Véronique Lefebvre.
« C'est beau les 300 millions, mais ça ne nous apporte pas du personnel. Qui va offrir le service? Oui, certains vont lever la main, mais ça ne sera pas la majorité. Les profs sont épuisés à la fin de leur journée. C'est certain que le fait de donner de la latitude aux écoles est une bonne idée, mais en même temps, les conventions ne sont pas encore signées. Le ministre y est allé de prudence pour ne pas soulever la grogne », confiait une autre enseignante.
« Pour le moment, nous sommes encore dans le néant… nous ne savons pas combien d’argent sera attribué par école. Le ministre dit qu’il offrira de l’aide aux élèves, qui donnera cette aide ? Il manquait de personnel avant, c’est encore le cas aujourd’hui. Les profs? Seront-ils payés à leur échelon? C’est du temps supplémentaire, seront-ils payés en temps supplémentaire? Aucune idée! Si le programme plante faute de bras, on peut supposer que la faute sera mise sur les méchants profs! À la fin de la journée, je suis complètement lessivée, j’ai tout donné durant la journée, je n’ai pas l’énergie pour enseigner encore », ajoutait une enseignante de Vaudreuil-Dorion.
Du volontariat, mais à quel prix?
En conférence de presse, ce mardi, le ministre Drainville a tenu à placarder mur à mur que l'adhésion au plan de rattrapage était sur une base volontaire. Qu'il en reviendra aux centres de services scolaires de décider si oui ou non, des séances de rattrapage seront offertes. Une décision qui inquiète la présidente du SERV.
« J’ai des inquiétudes en ce qui concerne le volontariat, qui doit être réel et non imposé par les directions au personnel enseignant, car certains ont de la difficulté à dire non, la cour est pleine! Quelques directions savent comment convaincre le personnel et certaines personnes peuvent se sentir coupables de ne pas accepter de travailler des heures supplémentaires. Le personnel enseignant sera en mode accéléré et prendra les bouchées doubles en classe. Je rappelle qu’une de leurs demandes dans cette ronde de négociation est de diminuer la tâche et non de l’augmenter », a-t-elle précisé.
« Probablement que le personnel qui répondra présent le feront pour rattraper le salaire perdu, d’autres refuseront, car les journées de travail sont remplies et que beaucoup d’élèves ont besoin de temps pour socialiser au diner avec leurs amis et qu’à la fin des classes, ils en ont assez. Notez que c’est le salaire perdu des grévistes qui est investi. Ça en dit long sur les priorités gouvernementales! », poursuit Véronique Lefebvre.
Selon Mme Lefebvre, les millions investis correspondent au tiers du budget consacré pour l’année aux services aux élèves, au tutorat et à l’ajout de ressources liées aux élèves en situation de handicap ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA).
« Si le gouvernement priorisait l’éducation, cette somme serait récurrente et permettrait d’offrir le service aux élèves. Il ne faut pas être dupe et croire qu’un plan de rattrapage à la suite de la grève sera la solution pour rattraper les besoins criants des élèves qui n’ont pas nécessairement le service dont ils ont besoin puisque les ressources financières sont insuffisantes depuis longtemps », conclut Véronique Lefebvre.
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