Programme de tutorat pour élèves vulnérables
« Ce sont de très belles actions que notre ministre met en place. Toutefois, le réseau scolaire est essoufflé »
Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge a dévoilé le 27 janvier une plateforme visant à recruter un grand nombre de tutrices et de tuteurs dans le but de donner un soutien supplémentaire aux élèves les plus vulnérables affectés par la pandémie. Totalisant près de 38 millions de dollars, ces mesures laissent perplexes les gens sur le terrain, soit les enseignants.
« Ce sont de très belles actions que notre ministre met en place. Toutefois, le réseau scolaire est essoufflé », indique une enseignante du Centre de services scolaire des Trois-Lacs qui s’est confiée, sous le couvert de l’anonymat, à Néomédia.
Parmi les mesures annoncées par le ministre Roberge, soulignons la mise en place d’un programme de tutorat pour accompagner les élèves en difficultés. « Pour faire en sorte que les élèves les plus vulnérables bénéficient d'un soutien pédagogique supplémentaire et qu'ils puissent créer de nouveaux liens qui leur permettront de renforcer leur motivation et de favoriser leur bien-être, en particulier en dehors des heures de classe, un programme de tutorat est mis en place pour les accompagner à long terme, jusqu'en juin 2022 », a laissé savoir, par voie de communiqué, le ministre.
Le gouvernement invite donc le personnel actuellement en poste, suppléant ou retraité du réseau scolaire, désirant faire du tutorat, à se porter volontaire pour prêter main-forte. Un appel aux étudiants collégiaux et universitaires est également fait pour offrir du tutorat aux élèves en difficulté. Dans tous les cas, les tuteurs seront rémunérés.
« Aller chercher des enseignants qualifiés pour aider les élèves ne sera pas chose facile, surtout que les enseignants sont sans contrat de travail depuis plusieurs mois et que le gouvernement répond que peu aux demandes de nos syndicats. Les banques de suppléants sont vides. Je connais très peu de mes collègues qui feront du temps supplémentaire en soirée. Nous sommes fatigués », poursuit l’enseignante.
La présidente du Syndicat de l’enseignement de la région de Vaudreuil (SERV), Véronique Lefebvre, abonde dans le même sens. « Les enseignants sont épuisés. C’est certain qu’il y en a qui vont se porter volontaires, mais je ne crois pas qu’il y en aura tant que ça. »
Madame Lefebvre ajoute: « C’est super les sommes investies dans les mesures, mais en fin de compte, il n’y a rien qui va directement dans les services aux élèves ou pour l'amélioration des conditions de travail des enseignants. » Rappelons que ceux-ci sont en pleine négociation de leur prochaine convention collective.
Accompagnement et soutien en santé mentale
Autre mesure lancée par Québec, est l’injection de plus de 4,5 millions de dollars sur deux ans à l’organisme Tel-Jeunes. Les fonds octroyés permettront la mise en place de diverses actions, dont
- l'ajout de 200 heures d'intervention, par semaine pendant les périodes de pointe;
- la création du système « Un pas de plus vers toi », qui permet l'envoi d'un message à des jeunes en difficulté identifiés par le milieu scolaire;
- l'accès à une messagerie accessible après les heures de classe, animée par des étudiants du postsecondaire (issus de programmes en relation d'aide) recrutés dans la banque de candidatures de la plateforme Web Répondez présent et supervisés par des professionnels;
- la mise en place d'espaces d'échange (forums) sur des thèmes identifiés par les jeunes (isolement, stress, etc.);
- le développement de contenu interactif destiné aux jeunes avec des compléments pour les professeurs et les parents;
- le développement d'une application mobile qui regroupera, à terme, l'ensemble des services offerts par Tel-jeunes.
De plus, les sommes accordées permettront au réseau scolaire de mettre en œuvre différentes initiatives de soutien additionnel en formation et accompagnement du personnel scolaire, notamment pour des problèmes plus spécifiques, comme la santé mentale et le bien-être des élèves.
Ces sommes permettront notamment l'embauche de ressources spécialisées, la libération du personnel à des fins de formation et l'achat de matériel. Les écoles auront l'autonomie nécessaire pour mettre en place les initiatives les plus porteuses selon les besoins identifiés dans leurs milieux.
« Le soutien psychologique offert par Tel-jeunes est, en soi, une très bonne chose. Toutefois, pour nous les enseignants qui voyons les élèves au quotidien, il nous est impossible de parler à une ressource en psychologie des problèmes de nos élèves, car il n'y pas ou peu de psychologue dans nos écoles. C'est une denrée rare et pourtant essentielle en ces temps difficiles », ajoute celle qui enseigne en classe d’accueil.
Selon Mme Lefebvre, seulement deux psychologues sont à l’emploi du Centre de services scolaire des Trois-Lacs.
« Les élèves ont eux aussi de grosses journées à l'école et ce n'est pas donné à tous de faire du rattrapage les soirs et les fins de semaine. Certains ont besoin de décompresser et déconnecter, surtout les élèves en grandes difficultés scolaires. Les parents choisiront leurs batailles, mais ils sont également fatigués et n'interviennent pas toujours de la bonne façon avec leur enfant ce qui occasionne des crises d'anxiété chez les jeunes et du stress supplémentaire à vivre. Je ne crois pas que ce soit une bonne période pour en ajouter sur le dos de nos enfants. Ils sont forts et solides, mais lorsque ça casse ça fait mal », de dire l’institutrice rencontrée par Néomédia.
Plus de soutien pédagogique
Finalement, l'organisme Alloprof se verra attribuer un montant de plus de 7,3 millions de dollars sur deux ans dans le but de mettre sur pied de nouveaux services de soutien pédagogique et d'accompagnement pour les élèves qui ont des difficultés d'apprentissage ou qui présentent des risques d'échec scolaire, soit :
- l'ouverture des services Alloprof les dimanches : les enseignants sont maintenant accessibles de 13 h à 17 h;
- l'embauche de 100 enseignants répondants supplémentaires grâce au recrutement d'étudiants en enseignement;
- le développement d'un nouvel espace collaboratif où poser ses questions scolaires (7 jours sur 7), animé par des étudiants postsecondaires;
- la création de 150 « Mini-récup » sur les savoirs prioritaires au secondaire.