Le roi Georges VI et la reine Elizabeth lors de la visite royale au Canada, mai 1939.
« Des milliers de personnes de Valleyfield et d’ailleurs acclament leurs Majestés » dans le journal Le Progrès de Valleyfield, 25 mai 1939, Auteur inconnu, page 1.
« Nos Souverains à Coteau Station » dans le journal La Gazette de Valleyfield, 25 mai 1939, Auteur inconnu, page 1
« La reine fait arrêter le train pour permettre à une fillette de Coteau de la photographier » dans le journal La Patrie, 22 mai 1939, Auteur inconnu, page 4.
« 20, 000 Hail King and Queen at Coteau Station » dans le journal The Huntingdon Gleaner, 24 mai 1939, Auteur inconnu, page 1.
Une visite royale à Coteau-Station…Un interlude de 14 min
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges
En ce début d’année 1939, les différents journaux de la province informent régulièrement la population du Québec des détails liés aux préparatifs et au déroulement du séjour royal au Québec et au Canada.
Malgré qu’il y ait eu la visite de plusieurs princes, c’est le premier passage d’un souverain régnant au Canada. Cette visite est organisée dans un contexte d’instabilité en Europe qui débouchera sur le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Il s’agit d’un voyage d’une durée de 6 semaines durant lequel le couple royal parcourra le Canada en train d’est en ouest jusqu’à Victoria en Colombie-Britannique et puis d’ouest en est pour revenir reprendre leur navire à Halifax. De plus, le voyage inclut une courte visite de 4 jours aux États-Unis où ils seront, notamment, reçus par le président Roosevelt à la Maison-Blanche.
Lors de cette visite, plusieurs activités protocolaires sont à l’horaire ainsi que différents arrêts du train pour permettre à la population de voir les souverains. Les objectifs sont de redorer l’image de la monarchie et de renforcer les liens entre le Canada et la Grande-Bretagne durant cette période d’instabilité afin de s’assurer de la participation du Canada à l’effort de guerre si nécessaire.
Le couple royal arrive le 17 mai à Québec où le navire du Canadien Pacifique s’amarre au quai de l’Anse au Foulon. Ils sont reçus par le premier ministre William Lyon MacKenzie King et Ernest Lapointe, ministre de la Justice. Il rencontre aussi le premier ministre de la province de Québec Maurice Duplessis à l’Assemblée législative.
Durant la première partie du trajet, se déroulant au Québec, des activités protocolaires et des bals ont lieu dans les villes de Québec, Trois-Rivières et Montréal. Par la suite, ils se dirigent vers Ottawa où ils arrivent le 19 mai à 11h pour une série d’activités politiques et protocolaires.
Sur le trajet du retour, le train royal parcourt le 12 juin le trajet sur le territoire québécois entre Lacolle et la vallée de la Matapédia où ils feront des arrêts à Saint-Jean, Sherbrooke, Lévis, L’Islet et Rivière-du-Loup.
Attardons-nous maintenant à l’événement de la « visite royale » de Coteau-Station du dimanche 21 mai 1939. Les plus observateurs auront remarqué que cet arrêt n’a pas lieu durant les périodes dédiées à la tournée au Québec. En effet, la particularité de cet interlude est de se dérouler sur le trajet qui les mène d’Ottawa vers Toronto.
Afin de poursuivre le périple, le train royal effectue un transfert du réseau ferroviaire du Canadien National vers le réseau du Canadien Pacifique. Pour ce faire, il doit passer par l’aiguillage de Coteau-Station.
Il est intéressant de noter que, puisqu’il y a un changement de réseau, il y a aussi un changement de locomotive. Lorsque le train circule sur le réseau du Canadien National, le convoi est remorqué par la 6400, une locomotive moderne avec un nouveau design avant-gardiste.
Lorsque le convoi est sur le réseau du Canadien Pacifique, c’est la locomotive 2850 peinte en bleu et argent qui est responsable de tirer le train royal. À la suite de la réussite de ce voyage, le roi autorisera la compagnie à utiliser le terme royal et cette locomotive sera connue sous le vocable Royale Hudsons.
Quelques jours avant l’événement, les journaux mentionnent que le train passera par Coteau-
Station et certaines personnes de la région proposent d’aller à la rencontre des souverains. On
souligne la participation de différents groupes provenant de l’ensemble du diocèse comme les
scouts et les guides, les fanfares, les collégiens, etc…
Du côté de Valleyfield, on mentionne la participation des vétérans de la Grande Guerre, de la grade Champlain, de l’harmonie de Valleyfield, des élèves du pensionnat et de l’école normale. Lors de la journée, depuis le matin, les gens et les voitures se déplacent vers la gare de Coteau-Station.
Il y a des trains spéciaux en partance de Valleyfield et le traversier fonctionne rondement pour permettre au maximum de gens de voir le roi et la reine. La foule se masse de chaque côté des voies ferrées sur plus d’un mille (1,6 km).
La protection est assurée par 150 agents provinciaux dirigées par le lieutenant-colonel Philippe-Auguste Piuze, commissaire de la Sûreté provinciale assisté par le major Charles Girouard, directeur du Service de la circulation et commandant de la Police de la route. Ces derniers sont accompagnés d’un détachement d’agents fédéraux.
Pour l’occasion, la gare et le village de Coteau-Station sont décorés de drapeaux et de banderoles. Selon les différents journaux nationaux, il y aurait eu environ 30 000 à 35 000 personnes.
Il s’agit d’une foule considérable considérant que le village compte alors environ 800 personnes. Il faut noter que la région de Vaudreuil-Soulanges, Beauharnois et Huntingdon ont une population totale d’environ 65 000 habitants en 1941.
Après un premier émoi causé par l’arrivée du train test, le train royal arrive à 16 h 15 et immédiatement, il y a une réaction de la foule qui acclame le couple royal. Lors de ce passage, il n’y a pas d’arrêt prévu et la locomotive passe très lentement devant la gare pour se diriger directement vers l’aiguillage pour le changement de réseau.
Malgré cela, les personnes présentes aperçoivent le roi et la reine se tenant sur la plateforme à l’arrière du wagon qui leur est réservé. Voyant cela, les nombreux spectateurs se dirigèrent à la hâte vers le train et purent s’en approcher suffisamment pour le toucher.
Lors de cette courte visite, un événement touchant est souligné par plusieurs journaux locaux et nationaux. En effet, une fillette accourt à travers champs pour photographier le couple royal. Le roi et la reine sont sur le point de retourner dans leur wagon, lorsque la reine aperçoit cette petite fille transportant un gros appareil photo. Elle touche alors le bras de son époux pour l’informer.
Malgré les difficultés rencontrées par la fillette pour prendre la photo, les souverains attendent patiemment que la petite fille s’exécute. Pour les remercier, cette dernière leur fait une révérence et retourne se mêler à la foule. Une fois les manœuvres complétées, le train reprend sa route lentement suivie par la foule.
En terminant, à la lecture de la couverture médiatique de la tournée dans les journaux, il est possible de noter qu’on mentionne l’accueil enthousiaste des Canadiens français lors de la visite royale. On souligne la personnalité chaleureuse de la reine qui a fait forte impression sur la population et les discours en français du roi où il ne semble pas bégayer…
Pour une nouvelle visite royale dans la région, il faudra attendre 20 ans avec l’ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent en 1959, où la reine Élisabeth sera présente pour son inauguration.