Machine à arracher le lin.
Extrait de journal : Perte sérieuse pour l’industrie du lin au Canada
Article de journal : Cette nouvelle usine, dit MGR Léger, est une étape et une espérance pour nos cultivateurs
Annonce : Avis de liquidation
Annonce : A tous nos sociétaires
Page couverture du feuillet explicatif de la coopérative.
Ouvrier effectuant le teillage du lin sur des moulins flamands.
La Société coopérative agricole des producteurs de lin de Vaudreuil-Soulanges
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges
Au Québec, la culture du lin remonte à l’époque de la Nouvelle-France où, au milieu du 17e siècle, l’intendant Jean Talon aurait fait importer les premières semences. Cependant, pendant plusieurs années, les cultivateurs cultivent le lin simplement pour un usage domestique et cette culture semble avoir été délaissée par la majorité vers la fin du 19e siècle.
Un premier relent d’intérêt pour cette culture eut lieu lors de la guerre de 1914, où avec l’augmentation des prix, plusieurs décident de planter du lin. Cette production dure le temps de la guerre et est abandonnée lorsque les prix reviennent à la normale.
L’année 2024 marque le 95e anniversaire de fondation de la Société coopérative des producteurs de lin de Vaudreuil-Soulanges. En effet, c’est en 1929 que 84 producteurs ont investi chacun 100$ pour mutualiser leurs interventions. Avant cela, il existait dans la région quelques précurseurs qui cultivaient le lin à titre personnel.
On souligne, notamment, un Monsieur Bourbonnais qui avait exploré les méthodes de travail du côté de l’Ontario et s’était procuré certains équipements. L’objectif de la création de la coopérative était de trouver des alternatives pour de nouvelles cultures devant l’effondrement du prix du foin.
Entre les lignes, certains intervenants avancent qu’ils souhaitaient surtout obtenir un octroi du gouvernement pour les aider dans l’acquisition d’équipements. Certaines sources nous laissent à penser qu’il n’y a pas eu d’octroi, mais la coopérative est tout de même allée de l’avant et a établi son siège social à Saint-Polycarpe.
Lors de son incorporation le 16 avril 1929, les objectifs de la coopérative sont très vastes. Les
voici :
- L’amélioration et le développement de l’agriculture ou de l’une ou de quelques-unes de ses branches.
- La fabrication du beurre et du fromage.
- La vente ou l’achat d’animaux, d’instrument d’agriculture, d’engrais commerciaux et d’autres objets utiles à la classe agricole
- L’achat, la conservation, la transformation et la vente de produits agricoles
Malgré ces objectifs, il semble que la coopérative se soit toujours concentrée sur la culture et la transformation du lin. Lors de la première année, les différents membres sèment 800 acres de lin. Dans un premier temps, considérant la faible qualité du lin, la production est vendue pour servir d’étoupe aux compagnies de meubles de Montréal.
Mais devant l’augmentation importante de la production, le prix diminue drastiquement, car les acheteurs ne sont pas en mesure d’absorber toute la production. Lors de la réorganisation de 1931, la coopérative a un déficit de 8 000 $ et l’on doit réduire la production en conséquence. Malgré cela les agents des ministères de l’Agriculture du Québec et d’Ottawa insistent pour la poursuite de l’expérience.
À la lecture de certains éditoriaux, il est possible de constater que les gouvernements ont, ou voulaient, jouer un rôle important pour favoriser la production afin d’assurer un certain approvisionnement en cas de conflit futur.
Lors de cette réorganisation, un premier gérant est embauché par la coopérative. En 1932, M. Joseph-P. Cloutier entre en poste. Comptable, ancien gérant de magasin, ce dernier a de l’expérience dans le milieu coopératif agricole et a suivi un stage aux Hautes Études Commerciales.
Une de ses principales tâches sera de diversifier les marchés et de s’attaquer aux problèmes de débouché. Au départ, il commence par comprendre les marchés extérieurs et intérieurs et analyse les différents besoins. Il visite plusieurs pays européens pour voir leurs méthodes de production.
Très vite, il se rend compte qu’il est nécessaire de cultiver des meilleures variétés pour obtenir des produits de qualité permettant d’exploiter la filasse. Pour ce faire, il importe des semences certifiées et tranquillement, il s’assure de la mécanisation du procédé, de la récolte à la transformation.
Aussi, il y a la construction dans le hameau de De Beaujeu d’une première usine de 22 000 pieds carrés comprenant un entrepôt et les bureaux de la coopérative.
Une fois cette réorganisation effectuée, il y a une croissance continue des revenus de la coopérative se transforment en dividendes chez les cultivateurs. Cela leur assure un revenu représentant de 8 à 9 fois ce que leur rapportait la culture du foin.
Pour cette démarche, la coopérative a la chance d’être accompagnée par M. Victor Minne, expert belge. Ce dernier est arrivé au Québec en août 1935 à la demande d’Adélard Godbout, ministre de l’Agriculture et agronome de formation. Monsieur Godbout était favorable au secteur coopératif et voulait promouvoir une vision économique de l’agriculture. Afin de diversifier et optimiser les cultures, il souhaite donner un élan à la production de lin dans la province.
C’est dans cette optique que Monsieur Minne est appelé à aider les coopératives au déploiement de la culture du lin en territoire québécois. Son premier mandat sera d’accompagner la coopérative de Vaudreuil-Soulanges pendant 5 ans. Il est intéressant de souligner que son salaire est payé par le gouvernement. Ses principales fonctions sont les responsabilités techniques de l’entreprise et il est en charge des opérations de rouissage et de teillage.
En 1935, la production de Vaudreuil-Soulanges représente 80% de la production du Québec. Les principaux débouchés sont l’Écosse et l’Irlande. Afin d’éviter d’inonder les marchés, un contrat est signé entre le producteur et la coopérative qui encadre les quantités, les variétés de semences et le calendrier de récolte pour s’assurer de la qualité du produit. Selon Monsieur Cloutier, cet encadrement est au cœur de la réussite et de la croissance de la coopérative.
Étant des précurseurs au Québec, cette réussite est soulignée dans différentes publications spécialisées et il est intéressant de noter que l’expertise sera citée lors de l’établissement d’autres coopératives dans d’autres régions au Québec.
Le 28 mars 1939, un incendie détruit une des usines de la coopérative. Les pertes sont évaluées à 25 000 $ ce qui représente un montant de plus de 525 000 $ en dollars de 2024.
Cet incendie a des répercussions importantes, car il a détruit les semences certifiées de filasse spéciale et pour la récolte de l’année. On souligne même dans plusieurs journaux qu’il y aura une incidence sur le développement provincial de l‘industrie du lin.
L’année 1942 marque un changement de garde à la direction de la coopérative avec l’arrivée
d’un nouveau gérant, Monsieur Edgard Lalonde. Celui-ci travaillait tout de même pour la
coopérative depuis 1937.
À De Beaujeu, une nouvelle usine mesurant 160 pieds par 71 pieds, haute de 3 étages est construite en béton armé. Le 7 novembre 1943 a lieu la bénédiction de la nouvelle usine par Monseigneur Paul-Émile Léger, vicaire général du diocèse de Valleyfield.
Selon différents journaux, environ 4 000 personnes et plusieurs dignitaires étaient présents lors de cette cérémonie. Les dignitaires ont de grandes espérances. Mgr Léger souligne qu’il s’agit d’un premier pas vers une meilleure économie de nos terres.
Quant à M. Alphide Sabourin, député de Vaudreuil, il mentionne qu’il s’agit de la plus belle usine de lin au pays. À la décharge de Monsieur Sabourin, il aurait été l’un des intervenants à l’origine de l’organisation et de la direction de la coopérative.
Les années 1940 sont signe de prospérité et de croissance pour la culture du lin. La guerre assure une demande constante, car le lin est nécessaire pour la confection de différents produits nécessaires à l’effort de guerre.
En 1945, considérant la croissance de la production, il y a 5 usines situées dans les localités suivantes : De Beaujeu, Vaudreuil, Saint-Clet, Sainte-Marthe et Très-Saint-Rédempteur. Au plus fort de la production, il est question d’un chiffre d’affaires de plus d’un million de dollars, d’environ 400 ouvriers et de plus de 1 110 membres.
Malheureusement, la fin de la guerre marque le déclin de la demande pour le lin. En 1953, seules les lineries de De Beaujeu et Saint-Clet fonctionnaient au ralenti. La production est suspendue au début de l’année 1954 à cause de l’insuffisance des ventes. En 1954, la valeur des immeubles et de la machinerie est évaluée à 319 365$ ce qui représente plus de 3 645 000 $ en 2024.
On mentionne que depuis la fin de la guerre, les compagnies européennes préfèrent s’approvisionner dans leur pays. Pour expliquer le déclin, certaines personnes soulignent l’arrivée des fibres synthétiques. Il est aussi question de temps pluvieux qui aurait été défavorable à de bonnes récoltes et aurait occasionné une diminution de la qualité du produit.
Par la suite, il ne semble pas y avoir eu beaucoup d’activité. À une assemblée générale spéciale des membres, le 9 février 1970, il est résolu de dissoudre la corporation et de liquider les actifs de la coopérative.
À cette fin, trois personnes sont identifiées : Bruno Hamelin et Robert Paiement, de Saint-Polycarpe ainsi que Vaudreuil Lalonde de Vaudreuil. C’est ce qui marque la fin d’une histoire qui aura duré environ 40 ans pour la coopérative des producteurs de lin de Vaudreuil-Soulanges.
Avez-vous des souvenirs ou des documents d’archives concernant la coopérative ? Vous pouvez communiquer avec le Centre d’archives, nous serions intéressés à échanger avec vous.