Lors d’un événement festif, plusieurs dames portent le petit chapeau. [195-?]
Mme Champoux portant un bibi agencé à sa robe. [197-?].
La porteuse, lors d’un baptême, est coiffée d’un joli bibi. [195-?]
Louis et sa mère à Dorion. 1953.
Mme Champoux au micro, [195-?]
Pose sur le trottoir. Remarquez leurs chapeaux ! [194-?]
Au baptême. Une dame portant un bibi alors que les deux autres femmes arborent des
Dame au bibi extravagant. Environ 1900.
Dame inconnue. Aux environs de 1900.
Le bibi de Pâques
Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges
Cette nouvelle chronique vous fera découvrir le monde des chapeaux et plus particulièrement un type de chapeau : le bibi. Qu’est-ce qu’un bibi ? Quels éléments le différencient-ils des autres modèles de chapeaux ? Et pourquoi parle-t-on de la période du printemps et plus spécifiquement de la fête de Pâques ? Vous verrez ! Tous ces éléments sont interreliés. Le sujet abordé sera suivi d’un texte rédigé par Mme Merizzi Brault relatant un souvenir d’enfance se rapportant au bibi.
Le chapeau existe depuis fort longtemps. Au départ, il fut utile pour se protéger des intempéries. Et était surtout porté par les hommes. Ce n’est que vers la fin du 18e siècle que les femmes commencent à porter cette coiffure. Non plus seulement qu’utile, il devient langage.
Le chapeau pare les têtes et symbolise la classe sociale et les bonnes manières. Les dames ainsi que les demoiselles et les fillettes portent le chapeau suivant des conventions sociales fortement encouragées par des consignes religieuses ou cérémonielles. L’étiquette dicte aussi en grande partie ce mouvement social. Il devenait donc impensable de sortir sans couvre-chef!
Le chapeau dit de parade tel le bibi devient une création. Le bibi se définit comme un petit chapeau sans bord pour femme. Apparu au 19e siècle, il évolue pour devenir très populaire dans les années 1930. La forme et la grosseur de ce type de couvre-chef font de lui une alternative aux larges et grands chapeaux quelque peu encombrants, mais toujours utilisés.
Étant petit, il devient vite un accessoire de mode plutôt qu’utilitaire. Mais du fait de sa petite taille, il doit être tenu sur la tête à l’aide d’une épingle. Il est soit tout simple ou devient une œuvre d’art. On le pare de fleurs, de plumes, de rubans, de voilettes, de bijoux ou d’autres éléments plus excentriques comme de fruits, de branches, de structures métalliques.
Suivant les saisons, les fêtes religieuses ou calendaires et les modes, il se porte différemment : haut sur la tête, de côté, bas sur la nuque ou placé à l’avant du visage juste au-dessus des yeux. Les cheveux sont alors coiffés pour s’adapter au port du chapeau. Selon le temps de l’année, les couleurs et les garnitures seront différentes.
Au fil des années, de l’abandon progressif de la religion et des mouvements féministes, le chapeau perdra de plus en plus son rôle d’accessoire de mode pour redevenir utilitaire. Mais comme tout élément vestimentaire, et la mode étant une roue qui tourne, le chapeau en tant que parure refera surface. On le retrouve encore aujourd’hui porté par maintes femmes lors d’événements.
Mme Merizzi Brault nous indique dans son texte une période de l’année lors de laquelle le bibi prenait plus d’importance : au printemps et surtout lors de la fête de Pâques. Pourquoi ? Une coutume associée à la fête de Pâques était d’acheter ou du moins de porter des vêtements neufs. Il en va de même pour les chapeaux.
Las de porter les vêtements d’hiver lourds et de couleurs plus ternes, les gens profitaient de l’occasion pour étrenner des vêtements légers aux couleurs vives. Et ce, même si la température n’était pas au rendez-vous ! Les mères ne lésinaient pas pour que toute la famille paraisse bien. Un manteau de printemps, une robe aux couleurs pastel ou acidulées et le fameux chapeau. Toute la population se connaissait et tous jetaient un œil à l’habillement des voisins.
Le journal Le Soleil du 27 février 1900 mentionne à cet effet :
« Vous allez bientôt, mesdames, penser à vos préparatifs de Pâques. Le carême et le printemps vous y invitent, et pendant que, religieusement, l’un vous met dans l’âme des inspirations de pénitence, l’autre, tout souriant de coquetterie, vous glisse en tête des idées de roses et de mode. […] Il faut bien être jolie, en même temps que bonne et la religion tolère cette exigence. »
Plusieurs croyaient que de porter de nouveaux vêtements le dimanche de Pâques leur porterait chance tout au long de l’année. Pour une autre partie de la population, cette tradition était plutôt un signe de respect pour le Christ ressuscité. On associe alors ces croyances au renouveau, au retour de la lumière, à la résurrection, même à celle de la nature, qui reprend vie et offre alors un spectacle de couleurs tendres. Pâques est donc la fête du printemps et de la lumière.
Il était donc coutume pour les femmes de parader avec leurs nouveaux atours incluant les chapeaux au printemps. Pour celles qui avaient moins de moyens, il leur était possible de conserver le couvre-chef des années précédentes. En demandant à une chapelière ou à une modiste de le remodeler quelque peu ou en le modifiant pour lui redonner un air de jeunesse et pour le rendre à la dernière mode, elles pouvaient arborer un nouvel accessoire.
Le travail de la chapelière (ou du chapelier), car la spécialité était autant féminine que masculine, demandait des aptitudes de création et de visualisation. En effet, les chapeaux produits sont de véritables créations qui doivent s’agencer parfaitement, non pas seulement aux vêtements portés, mais surtout s’harmoniser à la physionomie.
Or, la couleur des cheveux, des yeux, du teint de peau, la forme du visage et l’âge de la personne sont autant d’éléments considérés par la chapelière afin que le chapeau siée parfaitement à la dame.
Voyons maintenant ce qu’en dit Mme Merizzi Brault :
« Dans ma jeunesse, la tenue vestimentaire avait une grande importance. On portait des vêtements «de circonstance » soit pour le travail, le dimanche, la plage, l’église, l’école, le sport, le salon funéraire ou toute autre activité. Malheur à la réputation de celui ou celle qui serait mal affublé.
Règle générale, les messieurs portaient manteau et chapeau pour toute sortie même pour assister au hockey au Forum de Montréal. Les dames, elles, ne portaient pas de pantalons et devaient toujours être coiffées d’un chapeau à l’église, chapeau que les messieurs, eux, enlevaient en y entrant. Une tradition faisait le bonheur de ces dames : le bibi de Pâques.
En effet, dans toutes les paroisses, les femmes se présentaient à l’église, le matin de Pâques en arborant fièrement un nouveau chapeau. À Dorion, Mlle Thibault, seule modiste de la place, sur le boulevard Harwood, avait l’art et la mémoire pour permettre à toutes les femmes qui passaient à sa boutique d’avoir un chapeau original et exclusif.
Une plume, un ruban, une épinglette, un petit rien et on avait une œuvre d’art. Les temps ont bien changé hélas ! Aujourd’hui, le jean, même troué, se retrouve partout et pour toutes les occasions.
Les femmes portent le pantalon. On cherche le chapeau. Aucun code vestimentaire n’a cours. Fini le décorum. On appelle ça la liberté, semble-t-il ! »
Auteures : Micheline Merizzi Brault, bénévole et membre du conseil d’administration et Julie Bellefeuille, archiviste/directrice du Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges.