Étude québécoise sur le développement des enfants à la maternelle
EQDEM: Les enfants de la maternelle sont plus vulnérables au niveau de la communication
Les enfants sont de plus en plus vulnérables au niveau des communications. C'est du moins ce qui ressort de l'Étude québécoise sur le développement des enfants à la maternelle (EQDEM) 2022 et dont les résultats ont été présentés le 12 novembre dernier par les partenaires en petite enfance du territoire de Vaudreuil-Soulanges, par la Direction de la santé publique de la Montérégie et la Table de concertation en petite enfance de Vaudreuil-Soulanges.
Réalisée dans l'ensemble du Québec tous les cinq ans, l'étude a pour objectif de dresser le portrait du développement des enfants inscrits à la maternelle 5 ans, dans cinq domaines: la santé physique et le bien-être, les compétences sociales, la maturité affective, le développement cognitif et langagier et les habiletés de communication et les connaissances générales.
Dans Vaudreuil-Soulanges, 1800 enfants ont été visés par la récente version de l'étude qui «observait» ceux fréquentant la maternelle 5 ans à temps plein, dans un établissement francophone ou anglophone, privé ou public. De ce nombre, 570, soit 30,5% des enfants ont montré un signe de vulnérabilité dans au moins un des domaines de compétences observés.
Il importe de préciser que l'étude exclut toutefois les enfants qui sont scolarisés depuis la maison, ceux fréquentant une école spécialisée, ceux ayant un code EHDAA et ceux inscrits dans une école régie par le gouvernement fédéral.
« Ce qui a le plus étonné les gens, lors de la présentation des résultats, c'est la présence de la vulnérabilité dans les milieux favorisés et moyennement favorisés, versus dans les milieux défavorisés. Dans le sens que des enfants vulnérables, il y en a partout, peu importe la classe sociale », explique Marie-Chantal Vigneau Hamel, organisatrice communautaire - Direction des programmes jeunesse et activités de santé publique au CISSSMO.
« L'étude démontre aussi que dans des milieux dits vulnérables, les enfants ne sont pas nécessairement vulnérables. Ça nous amène à nous questionner sur l'offre de services dans ces milieux », ajoute-t-elle.
Dans le rapport, on indique que parmi les enfants ayant présenté un signe de vulnérabilité dans l'une des compétences, 27% sont issus d'un milieu favorisé. 31% proviennent d'un milieu moyennement favorisé et 32% d'un milieu favorisé.
Selon Mme Vigneault-Hamel, l'EQDEM permet, entre autres choses, de démontrer si les mesures mises en place sont efficaces ou non. « On ne va pas le cacher, le développement d'un enfant est très multifactoriel. Il est essentiel de se questionner sur les facteurs ou les changements contextuels qui peuvent influencer le développement de différentes cohortes d'enfants. »
La capacité de communiquer touchée
L'étude a permis de réaliser que 13,9% des enfants étaient vulnérables au niveau de la communication et des connaissances générales.
On constate également que les enfants dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais étaient les plus affectés avec 38%. Chez les enfants dont la langue maternelle est le français, le taux de vulnérabilité est de 26% contre 40% pour ceux dont la langue première est l'anglais.
« Les enfants anglophones qui fréquentent des écoles anglophones sont plus vulnérables que les autres enfants. C'est quand même étonnant considérant que Vaudreuil-Soulanges compte de plus en plus de personnes immigrantes et où la proportion de personnes d'expression anglaise est plus élevée que dans le reste de la Montérégie », fait valoir Mme Vigneau-Hamel.
« En observant les données, il faut prendre en considération le fait qu'elles incluent les enfants issus de l'immigration et qui n'ont pas fréquenté de service de garde éducatif à l'enfance. Ces enfants-là arrivent à la maternelle et ne parlent que leur langue maternelle, qui n'est pas le français ni l'anglais. Par exemple, à l'École primaire Harwood, dans une classe de maternelle, il y avait 13 enfants sur 17 qui ne parlaient ni anglais ni français. Ça vient donc jouer sur les chiffres » renchérit la directrice générale du Centre prénatal et jeunes familles, Nancy Pelletier.
En 2017, lors de la deuxième édition de l'EQDEM, le taux d'enfants vulnérables au niveau des communications et des connaissances générales, dans Vaudreuil-Soulanges, était de 10%. En 2022, le taux est passé à 13,9%. Une hausse qualifiée de surprenante pour les intervenants.
« Que le taux de vulnérabilité ait augmenté dans ce domaine est surprenant, car il y a beaucoup de choses qui sont mises en place pour favoriser le développement. Vaudreuil-Soulanges s'est affilié avec le Haut-Saint-Laurent et le Suroît pour mettre en place un continuum de service concerté en orthophonie communautaire et ce service fonctionne très bien. Il y a des activités comme des séances d'informations au niveau du langage et de la communication des tout-petits. Des ateliers de stimulation du langage sont aussi donnés par la Maison de la famille de Vaudreuil-Soulanges, pour ne nommer que ces exemples. En même temps on se dit que si ces ressources-là n'existaient pas, peut-être que le taux de vulnérabilité serait beaucoup plus élevé », s'étonne Marie-Chantal Vigneault-Hamel.
Les bienfaits des services de garde éducatifs et du télétravail
Selon l'étude, 14% des enfants visés n'avaient jamais fréquenté un service de garde éducatif à l'enfance (SGÉE) avant leur entrée à la maternelle. Or, les données tendent à dire que la fréquentation d'un SGÉE aurait des effets positifs sur le développement de l'enfant. Il offrirait, entre autres, un facteur de protection pour le domaine de développement de la communication et des connaissances générales.
Les maternelles 4 ans ont aussi un impact positif sur le domaine communication et connaissances générales des enfants, alors que, selon ce qui ressort de l'étude et des observations des intervenants, l'offre de classes de maternelle 4 ans n'est pas suffisante sur le territoire de Vaudreuil-Soulanges.
« Nous avons remarqué que le télétravail a aussi des effets positifs sur le développement de l'enfant. Les intervenants ont été très étonnés de l'apprendre. On peut penser que cela s'explique par le fait que les parents sont plus souvent à la maison, car ils n'ont plus à se déplacer », de dire l'organisatrice communautaire.
Conscientiser les acteurs sociaux, un à la fois
Lors de la présentation des résultats le 12 novembre dernier, plusieurs intervenants communautaires étaient présents, de même que quelques représentants du monde municipal. Selon Nancy Pelletier qui, en plus d'assurer la direction du Centre prénatal et jeunes familles, siège à la table du conseil municipal à la Ville de L'Île-Perrot, l'événement a été bien reçu par les acteurs municipaux.
« Il y a beaucoup d'élus qui étaient très heureux d'y participer et qui apprenaient l'existence de ces données. C'est certain qu'avec ça en tête, la réflexion municipale en lien avec les tout-petits ne sera plus la même », estime-t-elle.
« C'est évident qu'en présentant les données aux villes et aux municipalités, on vient les conscientiser sur les actions prises ou à prendre pour assurer le développement optimal des tout-petits. On peut penser à l'aménagement des parcs par exemple. L'étude démontre que 8,9% des enfants vulnérables montrent des signes de vulnérabilité au niveau de la santé physique et du bien-être. Ce n'est pas tous les jeunes qui ont accès à des activités physiques », ajoute pour sa part, Amélie Viger de la Maison de la famille de Vaudreuil-Soulanges.
« Quand on regarde l'étude de 2017, le domaine le plus vulnérable était celui de la santé physique et du bien-être. Aujourd'hui, cinq ans plus tard, on se rend compte que ce domaine va mieux. Il y a donc des mesures mises en place qui fonctionnent », renchérit Mme Vigneault-Hamel.
Des solutions ?
Au terme de la rencontre, plusieurs pistes de solutions ont été présentées. Parmi celles-ci, Marie-Chantal Vigneault mentionne:
- l'identification des familles vulnérables avant l'entrée à la maternelle;
- la tenue d'ateliers sur le jeu libre et actif pour les éducatrices, les enseignants et les parents;
- la bonification de l'offre de loisirs offerts via le programme Accès-Loisirs;
- La mise en place de classes d'accueil dès la maternelle.
Quoi qu'il en soit, mesdames Pelletier, Viger et Vigneault-Hamel s'entendent pour dire que les solutions sont nombreuses et que tout un chacun a un rôle à jouer dans le développement des tout-petits.
« Il faut voir l'étude comme un outil pour remoduler notre plan d'action et s'assurer qu'il s'arrime bien avec les données de l'EQDEM. Il faut se questionner à savoir si des projets peuvent être réalisés, développés en collaboration avec d'autres partenaires de la table de concertation ou d'ailleurs, pour faire avancer la cause des tout-petits. Une chose est certaine, c'est tous ensemble que nous devons travailler », conclut Nancy Pelletier.
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