Un siège vacant pour incarner les générations futures dans les hôtels de ville
Par La Presse Canadienne
Lentement, mais sûrement, de nouveaux sièges apparaissent dans les hôtels de ville du Québec. Bien que ceux-ci demeureront vides, ils ont pour objectif de rappeler aux élus qui siègent actuellement qu'ils doivent considérer les enjeux de demain dans leur gouvernance d'aujourd'hui. Place au mouvement des Chaises des générations.
L'idée est née à Québec, quand le maire Bruno Marchand a entamé son mandat à la fin de 2021. Son chef de cabinet, Clément Laberge, souhaitait un symbole rappelant aux décideurs de la Ville leur obligation de penser aux générations futures.
Une chaise vide, décorée par les élèves de l'école Sacré-Coeur, a donc été installée de façon permanente dans la salle du conseil exécutif pour rappeler à ses membres leur engagement de gouverner pour l'avenir.
«Ça nous rappelle constamment qu'on fait cette mission d’élu non pas pour soi, mais pour quelque chose de plus grand, pour la communauté et les citoyens, y compris ceux qui ne viennent pas à l'hôtel de ville parce qu'ils sont à l'école. C'est pour eux qu'on doit prendre des décisions courageuses même s'ils ne sont pas là autour de la table pour nous le rappeler», illustre le maire Marchand en entrevue avec La Presse Canadienne.
Une ville, une chaise
L'initiative a été reprise par Mères au front, né en 2020 afin de sensibiliser les élus aux enjeux environnementaux, avec la bénédiction de M. Marchand et de M. Laberge. C'est désormais l'organisme qui coordonne depuis quelques semaines et pour les prochains mois la décoration et la remise de chaises des générations dans près de 70 hôtels de ville.
«La chaise, c'est la voix des enfants, mais elle personnalise notre revendication phare, c'est-à-dire que toutes les décisions qui sont prises par les élus doivent passer par la lunette d'assurer un environnement sain à nos enfants dans le futur, ainsi que de veiller à leur santé et leur sécurité», souligne Nathalie Ainsley, responsable de Mères au front Montréal et membre du conseil d'administration national.
La municipalité de Saint-Mathieu-de-Beloeil, en Montérégie, a été l'une des toutes premières à recevoir sa chaise, en décembre dernier. Depuis, les municipalités de Gatineau, Varennes, Trois-Rivières, Beloeil, La Prairie, Saint-Bruno-de-Montarville, Gaspé, Mascouche, Princeville, Inverness, Saint-Lazare, Vaudreuil-Dorion, Laurierville, Baie-St-Paul, Plessisville, Victoriaville, le Canton de Bedford de même que les arrondissements d'Outremont et de Côte-des-Neiges - Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, ont accueilli le trône symbolique.
D'autres recevront la leur sous peu ou en ont fait la demande. Un député fédéral, soit l'élu de Rivière-des-Mille-Îles, Luc Desilets, s'est fait offrir une chaise par les élèves de l'école primaire de Saint-Eustache à la fin février. Le député provincial de Deux-Montagnes et ministre de l'Environnement, de la Lutte aux changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, recevra lui aussi une chaise le 24 mars prochain, a indiqué le média Nord Info.
«Le rêve, ça serait que toutes les municipalités du Québec aient leur chaise, souligne Mme Ainsley. Des mères rejoignent le mouvement et ce qui est nouveau, c'est que la demande vient désormais de certaines municipalités. Ça fait boule de neige, si bien qu'on cherche de nouvelles porteuses de projets dans certaines régions.»
Chaque chaise est décorée, soit par un artiste local, soit par un groupe d'élèves d'une école primaire, qui participe ensuite à la livraison de l'œuvre aux élus.
M. Marchand en est enchanté. «Je trouve ça beau, c'est magnifique que les gens reprennent l'idée, qu'ils la mettent à leur main», commente-t-il.
Encourager l'engagement citoyen
La beauté de la chose, soulignent ceux qui ont lancé le mouvement, c'est que la chaise des générations sèmera peut-être la graine de l'engagement citoyen chez ceux qu'elle aspire à représenter.
«C'est très porteur d'espoir pour les enfants, souligne Mme Ainsley. Pour eux, c'est une première expérience de mobilisation citoyenne où on peut leur dire qu'ils ont le droit d'exprimer leurs préoccupations.»
«Quoi de plus beau que de transmettre à nos enfants et nos petits-enfants cette notion de citoyenneté, renchérit Mme Huneault. On leur fait comprendre qu'un élu, ce n'est pas quelque chose d'abstrait. C'est quelqu'un à qui on peut parler et envers qui on peut placer des attentes pour rendre le monde meilleur.»
L'important, note-t-on, c'est que l'initiative traverse le temps et qu'elle continue de porter son message afin d'en produire les fruits.
«Ça serait le plus beau des cadeaux, estime Bruno Marchand. Il y aura nécessairement des jeunes des générations futures qui deviendront des élus municipaux un jour; si à travers ce qu'on fait maintenant, ça en encourage certains à venir en politique, à penser à un intérêt supérieur et à agir pour le bien commun, notre passage à nous aura valu la peine.»
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Cette dépêche a été rédigée avec l'aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.
Marie-Ève Martel, La Presse Canadienne
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