Écrit en collaboration avec Marie-Claude Pilon
Expulsés de leur logement en plein hiver
Une banale erreur sur la déclaration de revenu d’une famille de Vaudreuil-Dorion mène celle-ci à l’éviction de son logement.
Marc-André Legault, Geneviève Brunet et leurs cinq enfants âgés de 4 mois à 17 ans, et dont deux souffrent d’importants retards de développement, ont appris ce lundi 23 janvier qu’ils devaient quitter, ce vendredi leur modeste appartement de l’avenue Besner à Vaudreuil-Dorion, en raison de retard de paiements.
M. Legault est également le père de deux autres enfants issus d'une relation précédente. Ces derniers habitent aussi l'appartement, une fin de semaine sur deux. Cela porte donc le total à sept enfants.
C’est le cousin du locataire évincé qui a contacté Néomédia pour dénoncer la situation.
Notre équipe s’est rendue sur place pour rencontrer la famille et avoir plus de détails. Un policier de la Sûreté du Québec était présent, de même que le propriétaire. Ce dernier a refusé de répondre à nos questions préférant quitter les lieux.
« Ce qui est arrivé, c’est que ma conjointe et moi avons 21 jours de différence. Quand j’ai rempli la déclaration d’impôt, plutôt que d’écrire 6 décembre à sa date de fête, j’ai inscrit 21 décembre. Cela a fait en sorte qu’elle n’a pas reçue ses allocations familiales pour les mois de juillet, août et septembre, et ça nous a causé des retards de paiements. Nous avions pris un arrangement avec le propriétaire et tout était correct. Mais lundi, un huissier est arrivé et nous a dit que nous devions partir », confiait, à Néomédia, Marc-André Legault.
Ce dernier explique avoir souscrit à un mini prêt personnel pour traverser cette mauvaise passe. Qui plus est, les paiements pour les mois d’octobre, novembre, décembre et janvier ont été faits.
Néomédia a eu accès aux données bancaires du locataire et a été à même de constater qu’effectivement, des transferts bancaires au montant de 930 $ ont été faits au propriétaire et celui-ci les a encaissés.
À ce jour, le couple doit 1525 $, plus les frais de la cour, au propriétaire. « J’ai l’argent, c’est ça le pire. Mais, le propriétaire ne veut rien savoir », ajoute le locataire.
Une fois de plus, Néomédia a pu confirmer qu’effectivement, à quelques dollars près, les fonds sont disponibles. « Pour ce qui manque, j’ai de la famille qui est prête à nous prêter l’argent ».
La juge a tranché
Le 7 décembre 2022, la juge Danielle Deland du Tribunal administratif du logement a tranché en faveur du propriétaire Bakhsis Ghotra Singh. Dans le document dont Néomédia a eu copie, on stipule:
La preuve démontre que le locataire doit 1 525 $, soit le loyer des mois d'octobre (600 $) et novembre 2022, par imputation des paiements faits sur les plus anciennes dettes, plus 9,75 $ représentant les frais de notification ou de signification prévus au Règlement.
Le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.
Si le loyer dû, les intérêts et les frais ont été payés avant la date de signature de la présente décision, le bail ne sera pas résilié, conformément aux dispositions de l'article 1883 C.c.Q.
Le préjudice causé au locateur ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement .
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;
CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 1 525 $, plus les intérêts, au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 2 octobre 2022 sur la somme de 600 $, et sur le solde à compter de l'échéance de chaque loyer, plus les frais de justice de 89,75 $;
Malgré la délivrance du jugement d'expulsion au début décembre, ce n'est que le 23 janvier, soit ce lundi que la famille a appris ce qui l'attendait. Pourtant, le propriétaire des lieux, Bakhsish Ghotra Singh, ne les a jamais informés du jugement qui pesait sur eux et a continué de percevoir les paiements du loyer pour les mois d’octobre à janvier, comme à la normale.
« Mon cousin a toutes les preuves de paiements pour chaque mois depuis l'automne. Il a aussi, encore dans son compte bancaire, la somme due pour le mois de retard. Il veut payer, mais le propriétaire refuse. Ce dernier ne parle qu'anglais alors que mon cousin ne parle que français. C'est de la mauvaise volonté. Le propriétaire nous a carrément dit en pleine face que c'était de la business, en laissant sous-entendre qu'il hausserait le loyer après leur départ », confie, au bout du fil, le cousin du père de famille.
Devant la rapidité du déroulement des faits, la famille n'a eu d'autre choix que de se conformer au jugement. Résultat, c’est dans l’urgence qu’ils doivent déménager et se trouver un nouveau logis. « Mon cousin a essayé d'obtenir un délai de 24 heures pour lui permettre de louer un camion de déménagement afin de bien disposer de ses effets personnels, mais ça lui a été refusé. Donc toutes leurs affaires sont par terre dans la neige devant le logement », ajoute le cousin impuissant.
Peu de temps après le passage de Néomédia, des déménageurs mandatés par le propriétaire du logement se sont rendus sur place afin de prendre le contrôle de la situation et sortir les effets personnels de la famille Legault-Brunet, impuissante.
Avec l’aide de leurs proches, Marc-André Legault et Geneviève Brunet ont dû entreposer leurs cartons le temps de trouver un endroit pour se relocaliser.
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