Notre-Dame-de-l'Île-Perrot
Faute d'ambulance un ancien paramédic transporte lui-même sa fille à l'urgence
L'ancien paramédic d'Urgences-Santé, Daniel Garvin, ne décolère pas sur le manque d'ambulance et cette fois, c'était à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot…pour sa propre fille.
« Le 8 novembre, ma femme et moi étions chez notre fille, Jessica, à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot pour aider avec notre petite-fille. Vers 8h, ma femme me dit d’aller voir notre fille dans sa chambre, car elle ne se sent pas bien », confie à Néomédia, Daniel Garvin.
Recroquevillée sur son lit, en position foetale, la mère de 33 ans gémit de douleurs. « Elle m’a dit avoir eu un mouvement intestinal quand soudain elle a ressenti une vive douleur dans l’abdomen ». Son expérience en tant qu’ancien paramédic, pousse le père de famille à penser que sa fille souffre d’une occlusion intestinale ou d’une appendicite.
« Je n’ai pas pu avoir sa tension artérielle, son pouls était rapide et filant, son teint était pâle, son abdomen était sensible et avait des périodes d’inconscience ». Dans un moment de lucidité, la jeune femme a confié à son père qu’elle était enceinte. « C’est là que j’ai changé d’orientation et que j’ai pensé à une grossesse extra-utérine avec rupture », ajoute M. Garvin.
Plus de 45 minutes pour une ambulance
Devant l’urgence de la situation, Daniel Garvin compose le 911 et demande l’envoi d’une ambulance. Le répartiteur au bout du fil classe Jessica en priorité 3, c’est-à-dire, affectation immédiate. « On m’a dit qu’il faudrait 45 minutes ou plus pour une réponse », déplore-t-il.
Faute d’effectif sur le territoire de Vaudreuil-Soulanges ou de Salaberry-de-Valleyfield, la seule équipe disponible pour répondre à l’appel d’urgence est basée à Saint-Jean-sur-le-Richelieu, à 86 km de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot.
« Les premiers répondants sont arrivés peu de temps après, mais ils ne sont pas autorisés à faire autre chose que de prendre les signes vitaux et le RCR. J’ai donc appelé mon gendre qui travaille à Ville Mont-Royal pour lui dire de venir nous rejoindre à l’hôpital. Quand j’ai su le délai de l’ambulance, je l’ai rappelé pour lui dire de venir à la maison ». Même en partant de Ville Mont-Royal, le conjoint de Jessica est arrivé avant l’ambulance.
« Quand mon gendre est arrivé, nous avons installé Jessica sur la banquette arrière de son véhicule et nous avons foncé vers l’Hôpital général du Lakeshore ».
Rapidement, la femme a été prise en charge. Diagnostique: grossesse extra-utérine avec rupture. « L’obstétricien-gynécologue a effectué une échographie et a immédiatement ordonné un transfert en salle opératoire. Deux heures plus tard, ma fille était sortie de chirurgie, et en convalescence. Je me suis dit tout bas que si nous étions arrivés 30 minutes plus tard, si nous avions attendu l’ambulance, nous aurions perdu ma fille ».
Un manque d’effectif criant
Du côté de la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CÉTAM) on admet que la situation est déplorable.
« Des situations comme celles-ci sont effectivement très tristes et nos équipes mettent tout en oeuvre pour éviter qu’elles se présentent », indique le porte-parole de la CÉTAM, Renaud Pilon.
Bien que l’ajout d’effectifs ait été demandé et que de nombreuses représentations auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux ont été faites, la pénurie de main d’oeuvres et la rétention des civières aux urgences demeurent des enjeux de taille pour les paramédics. « En 2021, le ministère de la Santé et des Services sociaux nous a accordé l’ajout d’une ambulance sur le territoire de Vaudreuil-Soulanges, mais cet ajout est temporaire », ajoute M. Pilon.
Actuellement, durant le jour, six ambulances couvrent le territoire de Vaudreuil-Soulanges, alors que la nuit, on en compte seulement deux. « À l’heure où l’appel a été fait le 8 novembre, trois ambulances étaient en service et chacune d’elle était déjà sur des interventions », confirme le porte-parole.
Cela dit, Renaud Pilon assure que tous les paramédics de la CÉTAM couvrent les différents quarts de travail et qu’ils s’assurent qu’il n’y ait aucun bris de service.
Colère et incompréhension
« Je suis tellement furieux. Il faut que l’histoire de Jessica soit entendue pour qu’enfin les choses changent », poursuit le paramédic à la retraite.
« Ce n’est pas la faute des paramédics. Je suis pleinement conscient de la situation honteuse dans laquelle sont les paramédics depuis les dernières années. Je ne peux pas leur en vouloir. Le problème vient d’en haut. C’est un manque de vouloir du gouvernement et c’est à eux que j’en veux ».
Évidemment, Jessica peut s’estimer chanceuse d’avoir dans son entourage immédiat, quelqu’un de formé en soins préhospitaliers d’urgence. Cela dit, cette chance est loin d’être donnée à tous.
« Imaginez si c’était arrivé à une personne seule ou à une famille qui aurait attendu l’ambulance. On parle ici de vies humaines qui sont en danger parce qu’il manque de services d’urgence. C’est inacceptable. Si nos pompiers étaient dans la même situation, des maisons seraient incendiées sans réponses. Si les forces de l’ordre étaient dans cet état, ce serait l’anarchie. Le gouvernement doit se réveiller ».
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