1er juillet
Vaudreuil-Soulanges durement touchée par la pénurie de logements abordables
Par Jean-Michel Lhomme, Journaliste
Le 1er juillet, jour où des milliers de Québécois vont découvrir leurs nouveaux logements. Mais cette année, pour nombre d’entre eux, c’est aussi le jour où ils vont devoir s’installer chez des amis, dans la famille… En cause : la pénurie de logements abordables. Et Vaudreuil-Soulanges ne fait exception à la règle. Au contraire.
Preuve de la gravité de la situation, Andrée Laforest ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, a annoncé hier matin un investissement supplémentaire de 395 M$ pour développer l’offre de logements sociaux et abordables. Une bonne nouvelle certes, mais une nouvelle qui ne changera pas la destinée de ces familles qui se retrouveront sans domicile… dans moins de 24 heures !
Car oui, même si la ministre en a profité pour lister les différents programmes d’aide déjà en place, il ne faut pas se voiler la face. Il y a urgence.
C’est quoi un logement abordable ?
Et si nous commencions par définir ce dont on parle précisément. Parce que, au sens propre du terme, « abordable » est une notion relative : ce qui est abordable pour Carey Price ne l’est probablement pas pour le commun des mortels. Alors, quand on parle de crise de logements abordables, on parle de quoi ? On parle de qui ?
Selon Manon Charest, directrice générale de l’Office Régional d’Habitation de Vaudreuil-Soulanges (ORHVS) l'expression «logement abordable» se définit de deux façons.
« La première définition repose sur le fait que coût du loyer ne doit pas dépasser plus de 30% des revenus totaux d’un ménage . La seconde est un peu plus complexe : icic, le coût du loyer ne doit pas excéder 95% du prix médian du marché. Par exemple, si le prix médian déterminé par la SCHL pour un 4 ½ dans la RMR de Montréal est de 920$ (incluant l’électricité), le ménage ne devrait pas payer plus de 95% X 920$ soit 874$ par mois pour se loger, ce qui est très loin de la réalité actuelle considérant qu’un 4 ½ peut se louer 1400- 1500$ par mois. »
Dans cette appellation, on retrouve donc les logements sociaux, sociaux communautaires, mais aussi des logements issus du secteur privé…et donc directement sujets aux variations du marché.
Quelle situation à Vaudreuil-Soulanges ?
Parce qu’elle nous a rappelé que l’espace était un besoin vital, parce que le télétravail est passé de vague concept à réalité on ne peut plus concrète, la pandémie a accentué les mouvements migratoires des villes vers des régions plus rurales. C'est aussi le cas dans Vaudreuil-Soulanges où on a vu des citadins affluer… sans que l’offre de logements n’y soit vraiment préparée. L’offre en général, mais l’offre abordable en particulier.
« L’offre est très faible dans la région de Vaudreuil. Si on additionne les 254 logements sociaux gérés par l’ORHVS et les 552 logements sociaux communautaires gérés par les COOP et OBNL d’habitation, on arrive à un total de 806 logements offerts sur le territoire de la MRC Vaudreuil-Soulanges. Soit un Taux de pénétration des logements sociaux communautaires de 14% versus 21% pour la Montérégie-Ouest et… 44% pour la moyenne québécoise », précise Manon Charest.
C’est-à-dire que pour revenir dans la moyenne provinciale, Vaudreuil-Soulanges devrait tripler son offre.
Pour autant Marilyne Picard, députée de Soulanges, se félicite des annonces d'hier matin « Notre gouvernement a annoncé une somme record cette année de 77 M$ pour la période des déménagements. C’est une période intense c’est pour ça qu’on a prévu des équipes pour accompagner toute personne qui demandera de l’aide à son Office d’habitation. Depuis 2018, c’est plus de 15 000 logements sociaux et abordables dont nous finançons la construction et, avec les annonces de cette semaine, nous passons à plus 18 000. On continue de rattraper les retards du passé et nous posons des actions concrètes pour l’avenir. Dans Soulanges, nous avons l’ORH de Vaudreuil-Soulanges qui est proactive et qui reçoit tous les appels des citoyens. Nous les appuyons dans leurs démarches. »
Mais, du côté de Marie-Claude Nichols, députée de Vaudreuil, on se montre nettement plus inquiet "La ministre aurait dû investir dans le programme accès logis qui existe depuis plus de 25 ans . Des centaines de projets attendent du financement. Contrairement au programme accès logis , le PHAQ est donné à des promoteurs privés et rien n’oblige que ça reste du logement social."
Le point soulevé par la députée de Vaudreuil, à savoir la pérennité du statut abordable des logements, est effectivement au coeur de la crise actuelle.
Pourquoi une pénurie en 2022 ?
Après tout, il y a avait peu ou prou le même nombre de Québécois qu’il y a 3 ans, et pourtant, à l’époque, on ne parlait pas de pénurie de logements abordables… ou du moins, pas autant. Est-ce que les bâtiments auraient subitement disparu ?
Non et c’est même tout, le contraire. Pour la plupart, ils sont toujours là, mais ceux qui devaient venir compléter le parc immobilier, eux, se font attendre. La pénurie de main-d’œuvre et de matériaux dans la construction fait que les chantiers ne sortent pas comme ils devraient. Une demande forte et une offre qui stagne, et ce sont des loyers qui grimpent.
Et les loyers grimpent encore plus puisqu’ils sont directement indexés sur le marché des ventes immobilières. Alors évidemment avec des hausses de prix de +20% par an en moyenne, le montant des loyers demandés par les propriétaires est lui aussi allé à la hausse.
Ainsi, une enquête a démontré que le loyer moyen d’un 4 1/2 à louer au Québec est passé de 1032$ par mois en 2020 à 1222$ en 2021. Compte tenu de l'évolution observée au cours des 12 derniers mois, il est probable que ce même loyer soit désormais au-dessus de 1400$ !
Et voici comment, des milliers des logements qui étaient considérés comme abordables il y a 3 ans, ne le sont plus aujourd’hui. Rien à changer, sauf le prix. Et c’est cela qui change tout !
Quelles solutions ?
Quelques voix ont émit l’idée de mettre en place d’un strict encadrement des loyers (le modèle actuel étant jugé trop souple et trop facilement contournable pour faire face à la situation). C'est notamment le cas du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ). Toutefois, à date, la proposition ne semble pas avoir obtenu l'écho espéré.
Alors, comme présenté par la ministre Laforest ce mercredi, le Québec s’oriente plutôt vers la multiplication de programme d’aide au paiement des loyers et à l’accélération des programmes de constructions. + 3 000 nouveaux logements qui se rajoutent aux 15 000 déjà promis (la moitié seulement étant déjà en construction).
D’ailleurs Manon Charest ne dit pas autre chose « Il faut absolument construire des logements abordables dans les plus brefs délais. ». Il va donc falloir mettre les bouchées doubles... voire triples ou quadruples.
Ah j’oubliais : dans quelques semaines commencent les vacances de la construction. Quand ça ne veut pas…
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