Sauver des chevaux pour se ressourcer
Une histoire de chevaux, mais surtout d’humains
Un vent de décembre, qui vient vous chercher jusque dans les os, souffle sur l’écurie du centre A Horse Tale Rescue (AHT) ou une Histoire de chevaux, un organisme à but non lucratif situé à la limite de Vaudreuil-Dorion et Hudson. L’endroit donne à première vue une deuxième vie aux chevaux, mais il fait bien plus que ça : les personnes qui en prennent soin en ressortent grandies.
« Les gens mettent leur vie sur pause en traversant la clôture. Le travail, les finances, la famille, la COVID-19, ici, c’est un environnement où on essaie de respirer et passer un moment avec les chevaux », indique Mike Grenier, le responsable du centre, dans la roulotte qui sert d’espace de repos pour les bénévoles par temps froid.
Sur le terrain de 5 acres, enclavé entre l'autoroute transcanadienne et des terres agricoles, 13 chevaux broutent au grand vent. Ceux-ci restent dehors été comme hiver, sauf quand la météo est mauvaise. En ce matin de décembre, ils adoptent une drôle de démarche sur la glace formée dans leurs empreintes de pas.
Ces chevaux viennent d’un peu partout. Cinq d’entre eux ont tiré des calèches dans le Vieux-Montréal. Au total, une quinzaine de ces chevaux sont passés par le centre depuis sa fondation en 2013.
Certains arrivent en piteux état comme Rusty. Le cheval de race belge avait besoin d'attention et d'amour. Il a pris plus de 250 kilos et est devenu la vedette du centre.
Toutefois, Mike Grenier n’est pas dans le jugement. « Quand ils arrivent ici, on ne blâme pas la personne pour ce qu’il a fait au cheval. On va de l’avant. Qu'est-ce qu’on peut faire à partir de maintenant? », précise-t-il.
Ces bêtes nécessitent une attention toute particulière et les bénévoles s’y consacrent avec cœur et âme. « C’est très valorisant », ajoute M. Grenier.
Du réconfort
Le centre équestre a ouvert ses portes aux travailleurs de la santé en quête de ressourcement pendant la pandémie. Mais pour les patients, c’était plus complexe. La plupart étant des personnes âgées, ces personnes se sont retrouvées isolées, privées de leur proche, à attendre la mort.
Pour Mike Grenier, il était inconcevable de ne rien faire pour eux. L’équipe a alors proposé la visite de maisons de soins palliatifs et de résidences pour personnes âgées avec le fameux Rusty. L’étalon roux d’un peu moins de deux mètres, pesant 725 kilos, a pu se rapprocher de résidents, parfois cloués à leur lit.
Au moment de raconter cette histoire, Mike Grenier a les yeux pleins d’eau. Les patients étaient émerveillés. « Tu voyais dans leur visage que c’était la dernière fois qu’ils allaient voir un cheval », mentionne-t-il.
Certains passaient leur main dans son pelage soyeux, alors que d’autres se sont effondrés en larme la tête contre le corps musclé du cheval. « Rusty restait là, calme, comme s’il les consolait », ajoute M. Grenier. « Pour un moment, la COVID n’existait plus. »
Mike Grenier se considère chanceux d’avoir pu assister à ces moments. Il a profondément été touché. M. Grenier se concentrait pour garder une attitude positive lors des visites, mais quand il arrivait chez lui, il avoue que des larmes coulaient.
« Un diamant »
Si ces chevaux ne sont plus montés ou utilisés pour tirer des calèches, ils sont maintenant appelés à jouer un rôle déterminant dans la vie de certaines personnes.
Il y a 4 ans, l’organisme a créé le programme expérience AHT, sous la supervision de Lise Sandstrom. « On a vu qu’ici, c’était un diamant. On s’est demandé comment on pouvait faire pour le rendre plus accessible [pour la communauté] », raconte Mike Grenier.
Ce programme offre un accompagnement avec les chevaux à une clientèle à besoins particuliers. Des personnes sur le spectre de l’autisme, souffrant de déficience intellectuelle ou physique, viennent par exemple mettre la main à la pâte et passer du temps avec les animaux.
Ces derniers arrivent dans un environnement sécuritaire et inclusif, où ils ne sont pas dévalorisés quant à leur compétence. Le mot d’ordre est : « on fait du mieux qu’on peut ».
D’autres arrivent avec un bagage personnel plus lourd. Avant la pandémie, des femmes victimes de violence conjugale du centre d’hébergement La Passerelle à Vaudreuil-Dorion participaient aussi aux activités.
Ayant la plupart vécu d’importants traumatismes, elles rebâtissaient une forme de confiance en elles à la présence des chevaux, un animal assez imposant. « Elles voyaient après quelques semaines qu’elles étaient capables de brosser le cheval sans qu’il leur fasse mal. De marcher avec et ainsi de suite », souligne Mike Grenier.
Le réconfort qu’apporte ce programme touche aujourd'hui sa créatrice qui connaît actuellement des problèmes de santé. C’est avec la gorge nouée, en essuyant une larme sur sa joue, que Mike Grenier, au nom de l’ensemble des membres du AHT Secours, exprime une pensée pour elle. « On est une grande famille. »
Un espace restreint
Tout a commencé avec un cheval au fond de la rue Murphy en 2013. Mike Grenier est arrivé à l’an deux de l’organisme. Sa femme avait vu qu’une porte ouverte avait lieu. Jeune retraité, M. Grenier s’est lancé à pieds joints.
Il a commencé par ramasser le fumier, préparer les repas des chevaux. Il s’est par la suite intégré sur le conseil d’administration et en est devenu le président. Il a même déménagé de Beaconsfield à Hudson il y a trois ans pour s’en rapprocher.
Depuis, la fondatrice, Kerri Fenoff, lui fait totalement confiance. Petit à petit, l’organisme a pris de l’expansion. L’OBNL rassemble aujourd’hui 380 membres, dont 80 viennent donner de leur temps sur la terre. Bien que M. Grenier aimerait accueillir plus de chevaux, le terrain le limite à 14 individus. « Les besoins sont là et on est limités dans ce qu’on peut faire », déplore-t-il.
Un projet d’agrandissement était sur la table avant la pandémie, mais tout s'est arrêté. Mike Grenier ne voulait pas fragiliser le centre en faisant de gros changements en période de crise sanitaire.
Ce dernier commence néanmoins à y repenser. Son rêve est d’avoir une grande écurie, certes pour les chevaux, mais où il serait possible de mettre une longue table pour les bénévoles, au lieu de la petite roulotte de location qu’ils ont présentement. Un jardin communautaire fait aussi partie de ses ambitions.
D’ici là, le centre se concentre à amasser des fonds. Leur campagne Mardi, je donne, qui vient à la suite du Vendredi fou et du Cyberlundi, est toujours en cours. Il est possible de consulter le site Web du AHT Rescue pour plus d'informations.
Mike Grenier poursuit sinon de porter la mission de l’organisme, avec ses 9 coordonnatrices et ses bénévoles. « Je suis tellement fier de voir ce qu’on peut faire. On ne redonne pas juste aux chevaux, mais aussi aux humains », conclut-il.
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