Maladie de Lyme : Un combat plus grand que nature
Depuis quelques années, les tiques et la maladie de Lyme sont des sujets d'actualité courants. Véritable fléau au Québec et spécialement en Montérégie, les tiques peuvent causer des dommages permanents qui vont au-delà de la morsure.
Néomédia Vaudreuil-Soulanges s'est entrenu avec deux personnes atteintes de la maladie de Lyme, deux personnes qui, au-delà de vivre avec la maladie, doivent se battent jour et nuit afin d'obtenir de l'aide, d'obtenir des soins, afin de vivre.
Josée Nadeau et Simon Martin sont tous les deux atteints de ce qu'on appelle la maladie de Lyme chronique. Même si elle a nom, même si des gens se sont penchés sur la maladie au point d'arriver à la nommer, la direction de la santé publique de la Montérégie nie la forme chronique de la maladie.
« En fait, ils parlent de syndrome post-traitement », explique Simon Martin. En d'autres mots, rien ne peut prouver, selon la Direction de la santé publique et Santé Canada, que les symptômes ressentis par les personnes atteintes de la maladie de Lyme soient causés par la maladie en tant que telle. « Il n'existe aucune preuve définitive au Canada que les symptômes persistants indiquent une maladie évolutive. L'inflammation post-infectieuse causée par les dommages du processus infectieux pourrait répondre aux médicaments anti-inflammatoires », pouvons-nous lire sur le site du gouvernement du Canada.
« C’est illogique au plus haut point, je m’explique : c’est comme admettre que les mêmes symptômes avant et après un traitement ne seraient pas signe que le traitement n’a pas fonctionné. Selon nos scientifiques nationaux, ce serait plutôt que la maladie a causé des dommages permanents nécessitant de lourdes charges de médicaments pour atténuer les symptômes. Finalement, c'est tenter de diminuer les symptômes et les douleurs, à coups d’essais et erreurs, tout comme j’ai vécu pendant 12 ans dans l’enfer de l’errance médicale au Québec. J’en ai d’ailleurs de réels traumatismes.»
Faux diagnostics, vrais impacts
Simon Martin est atteint de la maladie de Lyme depuis plus de 13 ans. Âgé de 40 ans et père de 4 enfants, il a été diagnostiqué en 2017. « Quand j'ai eu mon diagnostic, ça faisait déjà 12 ans que j'étais atteint », souligne Simon Martin.
C'est lors d'un voyage de chasse que l'homme a été piqué, deux fois. Rapidement, mon bras s'est infecté. Une cible rouge s’est formée les jours suivants du côté intérieur de mon genou gauche, endroit de la deuxième morsure. On m'a donné une semaine d'antibiotiques intraveineux. Depuis, Simon a reçu près d'une dizaine de faux diagnostics. « On m'a diagnostiqué une dépression majeure, de la fibromyalgie invalidante, de la sclérose en plaques, des troubles psychosomatiques et j'en passe. »
« Moi, ça fait un an qu'on essaie de me diagnostiquer une dépression, mais je sais que ce n'est pas ça », renchérit Josée Nadeau. Ce discours, il est possible de l'entendre de plusieurs centaines de lymies, personne vivant avec la maladie de Lyme.
Puisque la forme chronique de la maladie n'est pas reconnue, le système de santé persiste à dire que les douleurs, les spasmes et tous les autres symptômes ressentis quotidiennement par les personnes atteintes sont psychosomatiques. « Des enfants sont envoyés en psychiatrie, et ce, même en ayant un diagnostic officiel américain et des résultats sanguins positifs.C’est une honte pour notre société ».
« C'est dans ma tête que je me suis fait dire », souligne Simon. « La première fois que le neurologue te réfère en psychiatrie, tu te dis OK, la deuxième, tu sourcilles, mais la troisième fois, c'est choquant. Et ce qui choque le plus c'est que tu y vas les voir les psychiatres même si dès la première fois cela était catégorique, le problème n'est pas notre tête, il est dans notre corps.»
C'est grâce à des défricheurs comme Simon Martin, si Josée Nadeau arrive à maintenir un rythme de vie un peu plus normal. « Depuis que je me sais atteinte de la maladie, je suis beaucoup le parcours de Simon et ça m'aide beaucoup. Malheureusement il a dû subir beaucoup de rejets, perdre énormément sur toutes les facettes de sa vie pour que moi et les personnes nouvellement diagnostiqués puissions nous sauver quelques étapes », souligne avec beaucoup de reconnaissance et une pointe de tristesse dans la voix Josée Nadeau.
Pour perdre gros, Simon Martin a perdu gros. D'homme d'affaires prospère, amoureux de sensations fortes, il est devenu invalide, incapable de travailler donc perte importante de revenus, cloué au lit par la douleur et la fatigue chronique, l'homme se déplace désormais en quadriporteur.
« Tous les jours, nous devons faire des petits deuils », explique la conjointe de Simon. « Ce n'est pas toujours évident de vivre et de voir le jugement des autres, quand ils nous voient sur la piste cyclable, lui dans son fauteuil roulant et moi à ses côtés. Les activités en famille se font rares aussi. On s'ajuste, dans le fond, nous n'avons pas d'autre choix. Oui notre quotidien est monotone, mais il est très coloré », poursuit-elle.
« Ma femme et moi sommes mariés depuis peu et malheureusement, je ne pourrai jamais lui offrir la vie qu'elle rêve, c'est très difficile sur le couple et sur la famille. J'ai beaucoup moins de force et de tolérance. Financièrement c'est aussi très lourd, nous vivons avec un salaire et puisque la maladie n'est pas reconnue, je n’ai droit à aucune compensation financière. »
« Nous sommes chanceux, Simon et moi, car nous avons nos familles derrière nous, mais nous connaissons des gens qui ont tout perdu, même leur famille. La maladie de Lyme est dans la catégorie des maladies invisibles, un peu comme la dépression, alors c'est difficile de faire comprendre aux gens que notre mal est réel et physique » , renchérit Josée Nadeau.
Des frais médicaux exorbitants
Seulement en frais de médicaments, il peut en couter des milliers de dollars par année. « Pour les chanceux d’entre nous qui ont un médecin ouvert d’esprit scientifique, nous suivons des protocoles de recherches durant lesquels on teste des médicaments, le hic dans tout ça est que si après 6 mois les médecins ne détectent pas d'amélioration considérable, on ne peut pas poursuivre », explique Simon.
Depuis les dernières années, l'homme de 40 ans s'est fait prescrire plus de médicaments qu'un humain en consommera dans sa vie entière. Il a d'ailleurs eu à de la méthadone, et ce, sans même avoir été diagnostiqué, il a également eu recours au Fentanyl.
« Tous les médicaments finissent par affecter mon système nerveux alors maintenant j'ai des spasmes constamment. Présentement je consomme du cannabis médicinal, mais c'est loin de soulager tous les maux. J’ai pris jusqu’à 780 comprimés par mois de médications de toutes sortes .»
Tous ces médicaments affectent également la mémoire et les autres organes rendant le quotidien encore plus difficile. « La prise de médicament est un vrai bordel, on ne peut pas tous les prendre en même temps, si je mange certains aliments automatiquement je suis malade, essaie après de savoir si ton corps a eu le temps d'absorber la dernière pilule que tu as pris. »
De son côté, Josée Nadeau vient d'obtenir 45 traitements en chambre hyperbare. « Le traitement coûtera plusieurs milliers de dollars et a compagnie d'assurance refuse de rembourser. Ce n'est pas tout le monde qui a les moyens de se payer le genre de traitement.»
Se battre contre le système
Malheureusement, les histoires de Josée et de Simon n'ont rien d'unique. À Québec, une jeune fille de 13 ans est atteinte de la maladie de Lyme chronique. La jeune fille n'est plus capable d'aller à l'école tant la douleur l'incommode. Comme Simon et Josée, les parents de la jeune fille se sont butés à des médecins qui voient dans les symptômes de l'adolescente, un trouble psychosomatique.
« Les parents refusent d'aller en psychiatrie, ils le savent que le mal n'est pas dans la tête de leur fille. La DPJ est maintenant dans le dossier et menace de confier la jeune fille à une famille d'accueil sous prétexte que les parents refusent de donner les soins recommandés à leur fillette », nous explique Simon.
Les parents d'une fillette de 2 ans, elle aussi atteinte de la maladie de Lyme vivent le même enfer. Les médecins refusent de traiter disant que l'enfant manipule ses parents. « Comment un enfant de deux ans peut jouer à faire semblant d'être malade ? », s'indigne M. Martin., père de 4 enfants.
Tous sont unanimes, il est très difficile de se faire soigner, nombreux sont les médecins qui abandonnent leurs patients.
« Les médecins devraient au minimum suivre les lignes directrices de Santé Canada en ce qui a trait au diagnostic et à la prise en charge de la maladie., mais ces lignes directrices ne sont pas respectées par le corps médical, sous menace du Collège des Médecins. Alors une fois qu'ils arrivent au bout de la ligne, ils nous laissent tomber », déplore Josée Nadeau. « Il y a des médecins qui vont pousser et nous leur en sommes reconnaissants, mais ce n'est pas la majorité. »
Ce que disent ces lignes directrices est bien simple, elle stipule que : « Le diagnostic de la maladie de Lyme repose essentiellement sur les manifestations cliniques et s'appuie sur des antécédents d'exposition aux tiques. » Autrement dit, le médecin pose le diagnostic selon ce qu'il voit.
Santé Canada soutient ÉGALEMENT que la détection d'anticorps au moyen d'une analyse sérologique à deux volets, donc deux prises de sang, représente un outil diagnostic complémentaire et NON ESSENTIEL au diagnostic de la maladie de Lyme.
Mais comme l'expliquent Simon Martin et Josée Nadeau, il existe plus de 300 souches de la maladie de Lyme et maintes co-infections.
« Autrement dit, la première prise de sang pourrait sortir positive et la seconde négative alors on vous dit que la première était un faux positif, donc vous n'êtes pas malade. Mais la réalité est que nous couvrons seulement 1% des souches alors il est fort possible que nous soyons atteints de la maladie de Lyme, mais que la co-infection dont nous sommes atteints, ne soit pas parmi celles reconnues et analysées.»
« C'est triste, mais il faut penser croche. Il faut constamment by-passer le système et surtout trouver des médecins et des spécialistes qui sont prêts à prendre le risque pour nous aider », déplore Josée.
La maladie de Lyme pourrait-elle devenir le nouveau SIDA ?
Les recherches sur la maladie de Lyme en sont à leurs balbutiements, un peu comme l'était le SIDA dans les années 80 ou même la Fibromyalgie dans les années 90-2000. Toutefois, encore faut-il que les microbiologistes et les médecins poussent les recherches pour arriver à soulager les Lymies.
« On entend rarement parler de l'après-morsure de tique. Il y a des campagnes de prévention et c'est nécessaire, mais il faut pousser le message plus loin. Ce n'est pas toujours vrai qu'une fois la tique enlevée et les 10 jours d'antibiotiques terminés que la vie reprend comme avant », explique Josée Nadeau.
Depuis près de 5 ans, la maladie de Lyme doit obligatoirement être déclarée aux autorités de Santé publique, comme le SIDA, le VIH, la rougeole ou la Chlamydia. Toutefois, jusqu'à tout récemment Héma Québec acceptait les dons de sang des gens atteint de la maladie de Lyme qui est transmissible sexuellement, par le sang et de la mère au foetus. Vous pouvez vous imaginer la crise à laquelle la population risque de faire face dans les prochaines années ? Et ce, sans compter les autres maladies à tiques et maladies infectieuses qui nous toucheront de plus en plus dues au réchauffement climatique.
« Si j'avais un message à faire passer aux médecins, c'est d'arrêter de jouer aux Dieux. Vous ne pouvez pas tout savoir et c'est normal, mais de grâce arrêtez de nous faire croire le contraire et écoutez vos patients, ils ont de réelles souffrances », de dire Simon Martin. « Vous n’avez pas à être parfait, vous n’avez qu’à être vrais. Traitez-nous comme si nous étions votre enfant ou un de vos proches, pas comme un numéro de dossier. »
À la population en générale, Simon suggère d'éviter de se rendre à l’urgence de l'hôpital. « Vous allez attendre des heures en plus d'engorger le système. Dès que vous vous faites piquer, rendez-vous dans une clinique sans rendez-vous, appelez le système Bonjour Santé, mais surtout n’exigez rien de moins que 28 jours d'antibiotiques. Si votre chien peut l'avoir, vous aussi vous y avez droit.»
Pour en apprendre plus sur la maladie de Lyme et pour suivre le combat de Simon Martin visitez sa page Facebook, Mon combat contre la maladie de Lyme.
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