Politique municipale
Le moratoire de Rigaud loin de faire l'unanimité au sein du conseil
En vigueur depuis le 8 octobre dernier, le moratoire suspendant l'émission de certains permis et certificats, dans son périmètre urbain en raison de la saturation de son réseau d'égout ne fait pas l'unanimité au sein du conseil municipal de Rigaud. En effet, le conseiller Charles Meunier s'y est fortement opposé.
Lors de la dernière assemblée ordinaire, le conseiller du district 1 s'est dit trop peu informé sur le dossier pour prendre une décision éclairée, rappelant au passage qu'il est lui-même ingénieur spécialisé en assainissement des eaux.
« Je n'ai pas beaucoup d'information sur le dossier de la mise à niveau de notre station (d'épuration) depuis trop longtemps. J'ai posé plusieurs questions pour lesquelles je n'ai pas eu de réponses satisfaisantes ou qu'on me répondra en temps et lieu. Avec l'information que j'ai, je considère que l'administration, et là j'inclus les élus et les fonctionnaires, n'a pas fait son job et là on serait face à un mur qui nous obligerait à geler tous les nouveaux permis qui pourraient générer plus de pollution vers la station d'épuration. Ouch! (...) Je suis ingénieur spécialisé en assainissement des eaux. J'aurais aimé pouvoir consulter les documents qui m'auraient permis d'être convaincu que nous devons adopter cette résolution », a-t-il déclaré.
La suspension de la délivrance de certains permis et certificats résulte du dernier rapport de la firme FD Expert Conseil obtenu par la Ville en juillet 2024. Selon le rapport, l’usine n’a plus aucune capacité résiduelle.
« Puisque les étangs ont atteint leur capacité ultime et que plusieurs projets de construction soumis avant la suspension sont en voie d’être réalisés et d’augmenter les apports en eaux usées, la Ville doit poser des actions concrètes dès aujourd’hui pour lui permettre de respecter ses obligations en matière de protection de l’environnement. Parmi ces actions, l’achat et l’installation de trois nouveaux aérateurs de surface au coût de près de 43 000 $ pour améliorer l’efficacité des étangs, et la vidange annuelle des boues, qui est généralement requise aux dix ans. De plus, lors de travaux de réfection d’infrastructures souterraines dans des secteurs plus âgés de la ville, toutes conduites unifiées seront séparées en conduite sanitaire et pluviale », avait fait valoir la Ville par voie de communiqué.
La durée de la suspension dépendra du temps requis pour mettre aux normes l’usine et ses étangs de manière à répondre de façon optimale à l’ensemble des besoins actuels et futurs de Rigaud, et ce, dans le meilleur intérêt des contribuables. Le Règlement à caractère provisoire est d’une durée maximale de deux ans et peut être reconduit, au besoin, après cette échéance, jusqu’à ce que la mise aux normes du traitement des eaux usées le permette.
« Oui je veux protéger l'environnement, c'est très important pour moi et j'en ai fait parlé pendant ma campagne électorale et j'ai continué d'en parler depuis. Mais comment en sommes-nous arrivés là où nous sommes aujourd'hui ? », a ajouté le conseiller.
Des années d'attente
En 2010, la Ville a réalisé une première étude préliminaire pour évaluer la capacité de ses étangs. Cependant, après avoir essuyé un refus à une demande de financement dans le cadre du Fonds pour l'infrastructure municipale d'eau (FIMEAU), elle a décidé de mettre le projet sur la glace jusqu’en 2016, considérant que la durée de vie de ce type d’installation puisse être plus élevée.
Dans un communiqué, l'administration municipale fait savoir que plusieurs études et analyses ont été commandées depuis 2016.
« Les différentes administrations qui se sont succédé ont commandé différentes études et analyses; lancé des appels d’offres; demandé des précisions; obtenus des rapports, des plans et devis, ainsi que des recommandations basées sur différents critères, paramètres et procédés; et reçu des estimations pour la mise aux normes de l’usine et des étangs variant de 3,5 M$ (en 2016), à 12,2 M$ (en 2019), à 15,4 M$ (en 2019), et finalement à 23,7 M$ (en 2021), des écarts qui n’ont pas permis aux élus, à ce jour, de prendre une décision juste et éclairée, en prenant en compte la promesse d’une subvention du gouvernement provincial d’un peu plus de 10 M$ en 2020 », pouvons-nous lire dans le communiqué.
Pourtant, en 2021, une contribution de 10 086 768 millions de dollars avait bel et bien été accordée à la Ville par le gouvernement du Canada et par le gouvernement du Québec par l’entremise de son programme Fonds pour l’infrastructure municipale d’eau (FIMEAU). Le projet total est était, à l'époque, estimé à 14,5 M$.
« Je comprends les citoyens qui se demandent comment cela fait-il que le dossier ne semble pas avoir avancé depuis, entre autres, l'annonce de la subvention en février 2021 », a laissé entendre le conseiller. « Je me pose encore la question à savoir pourquoi nous avons pris du retard avec le projet de la station d'épuration. Là, les élus on doit se prononcer sur un projet de résolution dont les conséquences sont importantes. Le ralentissement du développement de notre ville, la perte de revenus de taxation et les fameux retards dans notre projet de la station d'épuration font en sortie que l'on va payer beaucoup plus cher. »
Pour sa part, le conseiller du district 6, Alain Lapointe, a tenu à rappeler l'implication de l'ancienne administration dans le dossier. « On sait tous que ça a été entrepris avant le début de notre mandat et que ça (le dossier) a été échappé, parce qu'il y a eu des vices. Donc, tout est à recommencer. En 2010, les étangs auraient dû être mis aux normes, mais cela n'a pas été fait parce qu'il y avait d'autres projets plus gargantuesques. »
Le développement du parc industriel du Dr Oscar-Gendron
Selon Charles Meunier, une des raisons évoquées pour expliquer les longs délais sans le dossier de la mise aux normes de la station d'épuration serait la nécessité de faire une étude pour évaluer la possibilité de changer la vocation, en partie, du parc industriel du Dr Oscar-Gendron.
« Pour concevoir la station d'épuration, il faut estimer la pollution que nous aurons à traiter. Si on estime, par exemple, que la population pour les 25 prochaines années est de 2500 citoyens, nous n'avons pas besoin de savoir si ces gens là seront installés au centre-ville de Rigaud ou ailleurs. Si des centaines de familles s'installaient dans le parc du Dr Oscar-Gendron, il y aurait un impact sur la conception du réseau d'égouts, sur l'infrastructure pour passer sous la rivière Rigaud, sur les besoins en matière de services de proximité. Mais ça, ça n'aurait pas d'effet sur les critères de conception de la station d'épuration. Donc je ne comprends pas le lien », explique le conseiller.
Toujours selon M. Meunier, le développement du parc industriel ne requiert pas de longues études de l'estimation de la quantité de pollution. « Nous n'avons pas besoin de longues études pour estimer la quantité de pollution que les nouvelles entreprises rejetteraient dans notre station d'épuration, on a juste à l'imposer, à inviter des entreprises qui ne génèrent pas beaucoup de pollution. Comme on pourrait facilement estimer ce que le développement complet du parc représente pour la conception de la station. Donc, je ne vois pas pourquoi on devrait retarder le projet pour ces raisons. »
Des mesures attendues au prochain budget
Finalement, Charles Meunier se questionne sur les intentions de l'administration municipale à l'aube de l'élaboration du budget pour l'année 2025.
« On peut se demander s'il y aura des prévisions pour accélérer le processus de réalisation du projet de mise aux normes de la station d'épuration. En ferons-nous une priorité? Est-ce qu'on peut aussi accélérer le processus de mise en place de stratégies pour réduire la pression sur notre station d'épuration ? Est-ce qu'on réservera des sommes pour accélérer le processus de mise en place de stratégie pour réduire la pression sur notre station d'épuration et libérer de la capacité pour permettre d'avancer dans le développement de projets immobiliers et autres ? Tous ces éléments peuvent être utiles pour faire une planification stratégique et responsable de nos installations, d'avoir une vision, planifier des actions et entretenir un tableau de bord pour que les élus et la population puissent être informés » a-t-il conclut.
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