« On explique comment bien utiliser l’IA, on montre ce qui peut être problématique » -Sophie Giroux
École secondaire du Chêne-Bleu : Réconcilier l’IA et l’éducation

Par Félix Sabourin, Journaliste
L’école secondaire du Chêne-Bleu a accueilli, le lundi 17 mars, l’école secondaire Westwood Senior dans le cadre du projet S’évader de la salle de classe… together, où l’intelligence artificielle (IA) est mise au service de l’apprentissage. Ce projet, mené par Sophie Giroux, professeure d’anglais langue seconde au Chêne-Bleu, vise à démystifier l’IA auprès des élèves tout en leur enseignant comment l’utiliser de manière responsable et éthique.
Dans le cadre du projet, les élèves devaient créer des jeux d’évasion à l’aide de l’intelligence artificielle et les présenter aux autres élèves.
L’enseignante du Chêne-Bleu insiste sur le fait que le projet ne vise pas à inciter les élèves à tricher, mais plutôt à leur montrer comment l'IA peut être un outil d’apprentissage plutôt qu'un simple moyen de tricher. « Quand ils pensent IA, les élèves pensent triche et la prof va nous enseigner comment tricher. »
Elle déplore également que de nombreux enseignants ne soient pas à jour en matière d'intelligence artificielle, et le manque d’outils à leur disposition pour les aider dans ce domaine.
« C’est un projet que j’ai créé pour l’anglais langue seconde, le projet dure 12 cours de 75 minutes. On explique comment bien utiliser l’IA, on montre ce qui peut être problématique. Les élèves l’utilisent, c’est tabou, les profs ont peur, mais il faut les sensibiliser sur l’utilisation. »
Un projet pour une pédagogie dynamique et actuelle
Cette initiative émane de Sophie Giroux et de son ancienne stagiaire, Nairy Kazandjian, aujourd’hui professeure et doctorante. Elles ont voulu créer un outil pour éduquer les élèves sur l’utilisation de l’IA, notamment parce qu’il n’existe pas de formation formelle à ce sujet.
Elles souhaitaient aussi permettre aux élèves d’apprendre de manière plus dynamique. « Les cours au Québec, il faut que ça change. On ne peut plus demander aux enfants de rester assis et de travailler dans leurs cahiers. »
La traduction et l'échange linguistique avec Westwood Senior
Le projet S’évader de la salle de classe… together a été traduit en français par Alexandra Lanthier, professeure de français langue seconde en 5e secondaire à l’école secondaire Westwood Senior à Hudson.
« C’est la première fois que l’on fait un échange linguistique avec une autre école. » Les élèves de Chêne-Bleu réalisaient leurs projets en anglais, tandis que les élèves de Westwood le faisaient en français.
Alexandra Lanthier a été approchée par Marc Albert Paquette de Learn Québec pour traduire ce projet. « Il ne s’agit pas juste de faire une simple traduction, il faut aussi adapter pour que ça respecte le programme d’enseignement. »
Elle n’a pas hésité à se lancer dans l’aventure, voyant une occasion pour ses élèves d’apprendre différemment et de faire preuve de créativité.
« J’ai tout de suite dit oui, parce que c’est un projet qui leur permet d’être créatifs, qui est de son temps, ça leur permet d’utiliser des nouvelles technologies, mais de le faire de la bonne manière en connaissant les bons côtés et les mauvais côtés. »
Elle met aussi l’accent sur l’aspect social de la collaboration entre les deux écoles. « Ça permet aux jeunes de pratiquer le français ou l’anglais dans un contexte plus pratique et concret. Ça devient utile pour eux, moins abstrait. On échange avec une autre école et les élèves ont du plaisir. »
L'engagement des élèves dans le projet
Alexandra Lanthier souligne aussi les efforts considérables que les élèves ont investis dans le projet et l’enthousiasme qu’ils ont manifesté.
« C’est un projet dans lequel ils ont sauté à pieds joints et pour lequel ils ont travaillé fort. Ils ne voulaient pas seulement faire le travail pour avoir une note en bout de ligne. »
Elle explique également comment les élèves ont intégré l'intelligence artificielle dans leurs projets.
« Les élèves devaient arriver avec une idée et demander de l’aide à ChatGPT, par exemple pour l’améliorer. Ils demandaient à l’IA de vérifier leurs projets. Elle leur donnait une rétroaction sur leurs défis, leurs idées et leurs scénarios, et cela leur permettait de tirer avantage de la technologie et pas seulement de l'utiliser pour créer à leur place. »
Le jugement critique face à l'IA
Anne-Marie Gauthier, professeure de français langue seconde à Westwood Senior, également présente lors de la journée, a mis l’accent sur l’importance d’enseigner aux élèves à porter un jugement critique sur les réponses fournies par l’IA.
« J’ai mis l’accent sur le fait qu’il faut porter un jugement critique, il faut lire et tout changer. Ils doivent porter un jugement, ils ont le droit d’ajuster les réponses, ils ont le droit de ne pas être en accord avec les réponses qu’ils reçoivent. »
L’ingénierie de requêtes faisait également partie de l’enseignement dispensé aux étudiants, pour leur apprendre à obtenir des réponses plus précises de la part de l’IA.
« On a aussi passé du temps sur l'ingénierie de requêtes, comment faire pour avoir des réponses plus précises. Donc c’est vraiment axé sur l’utilisation éthique, porter un jugement critique. » explique Anne-Marie Gauthier.
L’objectif du projet était de montrer aux jeunes que l’IA est un outil de travail, et non seulement un moyen de tricher.
Finalement, plusieurs élèves se sont rendus compte des limitations de ChatGPT et ont appris à faire davantage confiance à leurs propres capacités. « Ils ont compris le processus, puis au cours de leur création, plusieurs ont finalement mieux aimé leurs idées. » mentionne l’enseignante de Westwood Senior.
L'enthousiasme des élèves
Kalina Dimitrova, élève de Chêne-Bleu, a exprimé son enthousiasme à l'idée de participer au projet.
« On trouve que c’est une opportunité incroyable d’apprendre à gérer l’intelligence artificielle. Souvent, les gens pensent que c’est seulement utilisé pour tricher, mais c’est aussi bon pour la créativité et pour nous aider. » explique-t-elle avec beaucoup d’enthousiasme.
Elle estime que l’enseignement sur l’utilisation de l’IA devrait être davantage accessible pour les élèves du secondaire, car cette technologie fait de plus en plus partie intégrante de notre quotidien.
« Je crois qu'on doit tous apprendre à travailler avec, au lieu de nous empêcher de l’utiliser. La technologie avance de plus en plus et l’intelligence artificielle a un gros impact sur notre société. »
De l’enthousiasme de la part de la direction
Questionnée sur le projet, Josée Rhéaume, directrice adjointe en secondaire 4 et 5 à l’École secondaire du Chêne-Bleu, était très enchantée de voir l’engouement des élèves dans le projet. « Je pense que le sujet, la manière dont le projet est fait, d’utiliser des jeux d’évasion, ça parle aux jeunes. »
Elle voit ce projet comme un excellent outil pédagogique, mais aussi comme une manière pour les élèves de se mettre en valeur et se faire valoriser. « Souvent, les élèves font de belles choses, mais nous n’avons pas toujours l’occasion de les valoriser à leur juste valeur. »
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