Entrevue avec Christiane Lévesque, gestionnaire d’événements et consultante dans la région
L'industrie culturelle demeure-t-elle fragilisée depuis la reprise des activités?
Depuis plusieurs années, la culture est le premier domaine qui subit des coupures budgétaires en temps plus difficile au Québec. Pendant la pandémie, nombreux ont été les artistes qui ont vu leurs activités professionnelles être mis sur pause à long terme. Est-ce que l’industrie demeure fragilisée depuis la reprise? Mise au point sur la situation actuelle avec Christiane Lévesque, gestionnaire d’événements et consultante dans la région de Vaudreuil-Soulanges.
Année après année, Mme Lévesque épaule des organisations dans la réalisation d’événements de toutes sortes qui attirent leur lot de visiteurs. Toutefois, la mise en place de ces rendez-vous culturels demande du temps et le soutien de plusieurs commanditaires, un appui qui se fait de plus en plus rare pour de nombreuses raisons.
« En raison de ma vie professionnelle, j’ai la chance de travailler de près et de loin avec les organisateurs de beaucoup d’événements dans la région et à l’extérieur. Ce que je perçois, c’est qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir du financement durable quand on organise un festival ou un événement d’envergure. Pourquoi? Parce qu’il y a plusieurs autres causes qui sont nobles qui ont aussi des besoins criants et qui nécessitent des ressources financières externes. Malheureusement, en tant que propriétaire d’une entreprise et qu’on a des choix d’investissements en commandites à faire devant toutes les demandes, le premier réflexe n’est pas toujours orienté vers les activités culturelles », résume celle qui est directrice générale de la Corporation du Festival des couleurs de Rigaud et productrice exécutive des Seigneuriales de Vaudreuil-Dorion, deux évènements phares annuels dans la région de Vaudreuil-Soulanges.
Pas juste des mauvais côtés à la pandémie
Pendant la pandémie, tout le secteur culturel a été mis sur pause, et plusieurs événements ont dû battre en retrait. Pour Mme Lévesque, cet arrêt forcé a été une inspiration pour plusieurs gestionnaires en événementiel. « Ç’a été une occasion d’innover, de créer et de prendre des sentiers et des chemins différents et de faire les choses autrement. En quelque sorte, c’est l’un des bons côtés qu’a eu de la pandémie. La crise sanitaire a fait bouger les choses et a incité certains événements à revenir à la base. Au fur et à mesure que le temps avance, il est facile de perdre de vue ses raisons d’être lorsqu’on est à la tête d’une activité. La pandémie a permis, à plusieurs, de prendre le pas de recul nécessaire pour réajuster les choses au besoin et de se réaligner avec sa ligne directrice d’origine », constate celle qui agit aussi comme consultante dans le domaine culturel.
Les événements, un baume sur le cœur et le moral des gens
Au fil de ses mandats, Mme Lévesque émet un constat: les événements culturels ont définitivement un impact sur la santé mentale des gens qui y participent, tant comme exposant que comme visiteurs.
« Je comprends mais trouve cela dommage que les partenaires financiers soient de moins en moins au rendez-vous, car les festivals et autres activités culturelles viennent définitivement répondre à un besoin auprès de la population. D’ailleurs, un sondage a été réalisé pendant la pandémie et il demandait aux gens de quoi ils s’ennuyaient le plus et on retrouvait les festivals et événements en 3e place. Ça prouve bien leur importance. Quand on y pense, pour les bénévoles qui participent aux différents événements, c’est une façon pour eux de briser l’isolement. Pour les festivaliers aussi, ils peuvent quitter leur résidence et assister, à faible coût, à une activité d’envergure et de qualité près de chez eux. Des amitiés naissent parfois de ses nombreuses heures de bénévolat passées à se côtoyer, des relations se tissent, donc forcément, ces activités ont des répercussions positives sur la vie des gens », image-t-elle.
Pour Mme Lévesque, en cette ère où la santé mentale occupe une place importante dans les discussions, il est important de rappeler les effets d’un événement sur le moral des gens. « C’est pour cela que je trouve ça désolant que la culture et le patrimoine arrivent toujours au sommet de la liste des éléments à couper quand les finances vont moins bien. Je comprends que toutes les causes ont leur raison d’être et qu’elles sont nobles, mais il ne faut pas minimiser l’importance de la culture non plus », mentionne-t-elle.
Elle poursuit en soutenant qu’un événement peut remplir plusieurs fonctions en plus de divertir et de briser l’isolement des gens. « Par exemple, je dois nourrir mes bénévoles pendant la durée de mon activité, je joue donc un rôle au niveau alimentaire. Les partenaires financiers qui supportent les événements sont des courroies de transmission pour nous permettre de redonner à la communauté. Surtout si l’activité repose sur la participation citoyenne pour progresser et évoluer au fil du temps. Il y a aussi tout le volet économique régional qui bénéficie des répercussions d’un festival. C’est important de le mentionner car les commerçants, les entreprises qui reçoivent des mandats en tant que fournisseurs font eux aussi parti de la fête! »
Être partie prenante d’une organisation à la tête d’un événement réussi a aussi créé un impact sur l’estime de soi. « On se sent valorisé et notre confiance en nous augmente lorsqu’on est impliqué dans le succès d’un festival ou autre. La contribution financière des partenaires permet aussi cela », conclut-elle en précisant que depuis la reprise des activités, le budget de nombreux événements a chuté de moitié, mais que les coûts de production ont augmenté considérablement. Une réalité avec laquelle tous les gestionnaires doivent composer depuis la pandémie.
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