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Par Julie Bellefeuille, archiviste/directrice du Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges

Connaissez-vous…Pierre Patry, le cinéaste

durée 08h00
28 juillet 2024
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Par Centre d'Archives de Vaudreuil-Soulanges

Dans un précédent texte, nous vous faisions connaître Pierre Patry, l’homme de radio et de théâtre. On se souvient que, né en 1933 et décédé en 2014, ce personnage phénoménal a mené plusieurs carrières dans sa vie, souvent deux ou plus de front. Depuis tout jeune, il s’intéresse au monde artistique et culturel.

Aussi, après ses études, il se lance dans le monde du théâtre et de la radio. Pierre Patry aura su profiter de cette époque pour développer son art et son sens des affaires. Qualités qu’il mettra à profit dans le milieu du cinéma. À son actif, plus de 52 films.

Début de carrière

En 1957, Pierre Patry délaisse peu à peu le théâtre et se lance dans l’aventure cinématographique. À la demande d’un ami, il entre à l’Office national du film (ONF) où il travaille comme scénariste, assistant-réalisateur puis réalisateur, principalement sur des courts et moyens métrages documentaires. Ainsi, il se fait la main en touchant un peu à tout.

En tout premier lieu, il sera assistant-réalisateur et collaborateur pour la série Panoramique, films réalisés pour la télévision. Il y en aura 26. Toujours pour la télévision, il réalisera d’autres productions cinématographiques : deux films pour la série Le Monde du travail ainsi que le film de distribution internationale La Roulotte dans le cadre de la série Coup d’œil, considéré comme le meilleur de la série pour l’année 1957 par le département de la distribution à l’ONF.

En tant que réalisateur-scénariste, nous lui devons, entre autres, La Roulotte, Germaine Guèvremont, romancière (1958) dont le titre au départ était Germaine Guèvremont, écrivain pour Pierre Patry, Les petites sœurs (1959), Le Chanoine Groulx (1959) et Petit discours de la méthode (1962, tourné en France).

Sortant sa plume, qui pouvait être aussi acérée que sensible, il sera l’auteur des scénarios La Ferme familiale, J’ai vu et Le partenaire. Sur le site internet de l’ONF, certains films peuvent être visionnés.

Pour réaliser le court métrage, il aura passé un mois en compagnie des sœurs vivant dans la règle du cloître. Il dira de cette expérience, lors d’une entrevue donnée à Mimi Savard, que « dans ce lieu de silence, tout prend une dimension gigantesque : le froissement des soutanes, le crépitement des pas, la respiration des gens… ».

Un autre film accessible sur le site de l’ONF est le documentaire de 56 minutes
sur la vie et l’œuvre du chanoine Lionel Groulx, prêtre, historien et écrivain natif
de Vaudreuil (https://www.onf.ca/film/chanoine_lionel_groulx_historien/).

Il sera réalisé et scénarisé par Pierre Patry en 1960. Dans une critique de Temps présent, émission de télévision diffusée sur les ondes de Radio-Canada de 1958 à 1964, on dira du film Le Chanoine Groulx que plusieurs parties du film porte une grande puissance, malgré le fait que d’avoir suivi les traces du chanoine pas à pas a quelque peu surchargé l’histoire. Noté « bon » dans son ensemble et dans sa réalisation, il est jugé pertinent pour le public visé tout comme son script est estimé excellent.

Coopératio, une entreprise cinématographique québécoise

Le jeune réalisateur quitte l'ONF en 1963 et co-fonde, avec Jean Roy, une compagnie de production cinématographique, Coopératio, dont il est le directeur général. Son conseil d’administration se compose d’une quinzaine d’intervenants provenant de différentes disciplines administratives et artistiques.

L'objectif de ce regroupement associatif est de créer des productions cinématographiques privées, indépendantes et de factures commerciales populaires. Entreprise incorporée en vertu de la Loi sur les compagnies de la province de Québec, elle se vouera à la production de longs métrages et parfois de courts métrages pour exploitation dans les salles.

Portant plusieurs chapeaux à la fois, Pierre Patry produit, scénarise, réalise et dirige des artistes comme Jean Duceppe, Yves Létourneau, Yvon Deschamps, Andrée Boucher, Guy Godin, Henry Deyglun, Andrée Lachapelle, Geneviève Bujold, Pauline Julien et Gérald Godin, sans tous les nommer.

La conjointe de Pierre Patry, Agathe Guitor sous son nom d’artiste Gabbi Sylvain, participera à certaines productions filmiques, elle qui est aussi secrétaire du conseil d’administration de la compagnie. Il collaborera aussi avec les réalisateurs Jean-Claude Lord et Michel Brault.

L'équipe de Coopératio adapte, entre autres, le roman d'Arthur Lamothe en 1965, Poussière sur la ville, celui de Michel Brault en 1966, Entre la mer et l'eau douce et celui de Michel Jasmin, La corde au cou, en 1964.

Ce dernier, un drame psychologique d’une durée de 104 minutes, raconte l’histoire d’un jeune homme mi-vingtaine, qui tue une femme riche, et qui, par la suite, se trouve traqué par les policiers. Les acteurs Jacques Auger (l’acteur), Andrée Boucher (Aline), Henry Deyglun (père de Léo) et Jean Duceppe (Ubald) fourniront un jeu de grande qualité. La grande première avait lieu au théâtre Saint-Denis de Montréal le 5 novembre. La cravate noire, mentionnée sur l’invitation, était de mise !

La production Trouble-fête, œuvre de 1963 de 85 minutes ayant un budget initial de 125 000 $ et dédiée à Gabbi Sylvain, sera le premier long métrage québécois à être distribué sur circuit commercial depuis 1954. Pierre Patry en est le co-scénariste, le réalisateur, le directeur de production ainsi que le producteur. Les auteurs sont Pierre Patry et Jean-Claude Lord et la musique est celle de Claude Léveillée.

Cette production, présentant Lucien Charrette, le trouble-fête, et décriant une jeunesse en proie à une sorte de violence sadique ainsi qu’un conflit de génération, sera le choix officiel du Canada pour le festival de Cannes de 1964, année où gagnera le film Les Parapluies de Cherbourg. Il obtiendra une mention spéciale au Festival International du film de Montréal, également en 1964.

Quant au long métrage Trois hommes au mille carré produit en 1965, il vaudra à Coopératio, maints prix lors de festivals dont ceux de Auckland, Allemagne, Belgique, Espagne et Toronto ainsi que qu’une mention spéciale au Festival International du Film de Montréal de 1966.

D’autres films intéressants ont été produits par Coopératio. Mentionnons, notamment, Caïn (1964), Délivrez-nous du mal (1965) et A great big thing (1966), tourné à Montréal et représentant officiel du Canada au festival de Cannes de 1967. Caïn, long métrage de 76 minutes tourné en noir et blanc aussi connu sous le titre Caïn, les marcheurs de la nuit, est une adaptation du roman de Réal Giguère, Les Marcheurs de la nuit. Il nous faisait entrer dans l’univers de deux frères que tout opposait : Jean, interprété par Réal Giguère et Luc, par Yves Létourneau.

Sorti en 1972, le film Les colombes sera le dernier film de Pierre Patry en tant que producteur délégué. Coopératio a produit ainsi plusieurs films considérés aujourd’hui comme des pierres angulaires du cinéma d'avant-garde québécois.

Cependant, les problèmes financiers de la compagnie et la concurrence que lui portent les grandes institutions amènent sa fermeture définitive en 1972. Selon Pierre Patry, ce moment est vécu comme un temps d’arrêt pour vivre autre chose.

En effet, les années 1970 marqueront pour lui un virage vers le monde culturel. C’est cet aspect de sa vie que vous pourrez découvrir lors de la prochaine rencontre littéraire mettant Pierre Patry à l’honneur.

En attendant, si vous souhaitez visionner certaines bandes-annonces de films marquants de Pierre Patry, en plus de visiter le site de l’ONF, vous pouvez vous diriger vers le site web Éléphant (https://www.elephantcinema.quebec/personnes/pierre-patry_26445), la mémoire du cinéma québécois.

Enfin, pour en savoir davantage sur le personnage et son œuvre, vous pouvez consulter les archives de Pierre Patry qui constitue un fonds documentaire au Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges.

Auteure : Julie Bellefeuille, archiviste/directrice du Centre d’archives de Vaudreuil-Soulanges

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