Les tours antigel
Un investissement payant pour le Vignoble de Pomone
Il va sans dire, le printemps aura donné quelques frousses aux vignerons du Québec et ceux de Vaudreuil-Soulanges n’auront pas été épargnés. Avec près d’une dizaine de périodes de gel au cours du dernier mois, Sylvain Poirier et Sylvie Bissonnette du Vignoble de Pomone à Coteau-du-Lac, peuvent s’estimer chanceux de ne pas avoir perdu plus de 10% de leurs raisins.
Si leur récolte promet d'être bonne malgré les circonstances, c’est parce qu’ils ont investi, au début du printemps, dans l’installation de deux tours antigel. Une première dans Vaudreuil-Soulanges, puisqu’aucun autre vignoble n’a cette technologie.
D’une valeur de 75 000$, chacune, les tours antigel, permet une meilleure circulation de l’air lors des périodes de gels. « Elles nous permettent de créer un genre de microclimat à l’intérieur du vignoble, en permettant une meilleure circulation d’air », expliquait M. Poirier, lors du passage de Néomédia.
Chacune des tours qui ressemblent à des éoliennes a un radius de près de cinq hectares. Ainsi, chacune d’entre elles permet de protéger l’équivalent de 14 terrains de football. Leur fonctionnement est simple. Les hélices tirent l'air chaud vers le bas pour le mélanger à l'air froid pour faire grimper les températures et ainsi, protéger les récoltes.
« Si nous n’avions pas eu ces tours, nous perdions tout. Oui elles représentent un investissement important, mais je peux vous assurer qu’elles se sont payées en 15 minutes lors du dernier gel », ajoute M. Poirier.
« Les tours nous ont définitivement aidés à limiter les dommages. Nous avons été chanceux de pouvoir les utiliser parce que les conditions nous le permettaient, mais combiner avec les feux, c’est certain que ça a fait une grosse différence », renchérit la conjointe de M. Poirier, Sylvie Bissonnette. Pour pouvoir mettre en marche ces géantes tours, l'équipe du vignoble devait s’assurer d’avoir les conditions parfaites. « On ne peut pas les utiliser s’il vente trop ou s’il fait trop froid ou s’il neige », ajoute Mme Bissonnette.
Un travail de toutes les heures
Bien que les tours antigel ont été d'une grande aide, il n'en reste pas moins que la protection des vignes est un travail de toutes les heures et spécialement la nuit. "Dans les trois derniers jours, j'ai dormi un total de cinq heures", de dire le vigneron.
En effet, dès la tombée de la nuit, les équipes du Vignoble de Pomone se sont mobilisées pour alimenter des petits feux dont l'objectif est de réchauffer la base des vignes. « Ce qu’il faut en fait, c’est s’assurer que la chaleur reste au sol. Donc avec la fumée du feu, on vient créer un nuage au-dessus du vignoble pour envelopper les vignes. La boucane va donc, faire une espèce de bulle qui va empêcher la chaleur des autres feux de bois, faits dans les allées du vignoble, de s’échapper », ajoute Sylvie Bissonnette.
« Les changements climatiques ont de réels impacts sur nos récoltes. Nous avons eu neuf épisodes de gel en 1 mois, c’est du jamais vu. De plus, on dirait que les prévisions ne fonctionnent plus. Normalement, quand on annonce du gel au printemps, c’est généralement vers 3h du matin que ça arrive. Là, le dernier gel est arrivé à 23h. Il nous faut être mobilisés toute la nuit. Tous nos repères météorologiques fonctionnent plus ou moins », ajoute Mme Bissonnette.
De l’aide gouvernementale réclamée
Puisqu’aucune assurance récolte n’existe pour soutenir les vignerons québécois, les pertes financières sont énormes pour les producteurs locaux. D’ailleurs, la copropriétaire du vignoble a interpellé le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne. « Les autres producteurs de petits fruits comme les framboises ou les bleuets ont le support de la Financière agricole. Le gouvernement doit réévaluer l’aide accordée aux vignerons et commencer à subventionner les trucs qui fonctionnent, comme les tours antigel. C’est injuste si on se compare aux autres producteurs », explique Sylvie Bissonnette qui estime à près de 2 000$ le coût des interventions lors des nuits de gel.
L’une des seules façons pour les producteurs de pallier à leurs pertes est de se procurer du raisin d’un autre producteur. Or, la règlementation permet aux vignerons d’acheter 50% de leur récolte d’un autre producteur québécois. C’est donc dire qu’un vignoble dont la totalité de ses vignes n’a pas survécu au gel ne peut pas s’approvisionner ailleurs pour produire son vin. Ou encore, si le vigneron récolte 10 tonnes de raisin, il peut s’en procurer 5 tonnes de plus d’un autre producteur.
« Il y a tellement de vignobles de touchés cette année, j’ai bien peur qu’il soit difficile de se procurer du raisin », déplore Mme Bissonnette qui ajoute: « En 2021, c’est la dernière année que l’on a le droit d’acheter du raisin de l’Ontario pour produire notre vin, mais on nous impose une limite de 15% de notre récolte. Le gouvernement devrait nous autoriser à nous approvisionner où l’on veut, surtout en temps de crise. Sans productions de vin, plusieurs vignerons devront sans doute déclarer faillite », conclut-elle.
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