Une étude souligne l'importance d'un horaire de sommeil régulier
Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un horaire de sommeil irrégulier semble augmenter le risque de problèmes cardiovasculaires, comme une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral, prévient une nouvelle étude.
La régularité de l'horaire pourrait même avoir une influence plus importante que la durée du sommeil sur le risque d'événement cardiovasculaire indésirable.
On pourrait donc devoir ajouter la régularité de l'horaire de sommeil aux critères déjà bien connus que sont la qualité et la durée du sommeil pour une santé optimale.
«Quand on parle d'un bon sommeil, on parle toujours de sa qualité et de sa durée, et on ne creuse pas plus loin, a rappelé un des auteurs de l'étude, le professeur Jean-Philippe Chaput de l'Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario. Nous, on a trouvé qu'il est important de se coucher et de se lever toujours à la même heure.»
Aux fins de cette étude, on a déterminé que ceux qui se couchaient et se levaient toujours à la même heure, plus ou moins trente minutes, avaient un sommeil régulier, mais dans la vraie vie des variations d'une heure à un bout ou à l'autre pourraient être acceptables, a-t-il précisé.
Les chercheurs ont étudié quelque 72 000 participants à l'étude UK Biobank. Les participants étaient âgés de 40 à 79 ans et n'avaient pas d'antécédents cardiovasculaires. Tous ont porté un moniteur d'activité physique pendant sept jours pour enregistrer leur sommeil.
Les auteurs ont considéré que ceux dont le score sur l'Indice de régularité du sommeil était de 87 ou plus avaient un horaire de sommeil régulier. Ceux dont le score était de 72 ou moins avaient un sommeil irrégulier. Et ceux dont le score se situait entre les deux chiffres avaient un sommeil irrégulier modéré.
Les incidents cardiovasculaires survenus au cours des huit années suivantes ont été colligés et utilisés pour mesurer le risque associé à l'irrégularité du sommeil.
Après avoir pris en compte des facteurs comme l'âge; le niveau d'activité physique; le temps passé devant un écran; la consommation de fruits, de légumes, de café et d'alcool; le tabagisme; les problèmes de santé mentale; la prise de médicaments; et le travail posté, le risque d'événement cardiovasculaire majeur était 26 % plus élevé chez les dormeurs irréguliers que chez les personnes ayant un cycle veille-sommeil régulier.
Les dormeurs modérément irréguliers étaient quant à eux 8 % plus susceptibles de subir un tel événement.
«Cette constatation souligne l'importance de la régularité du sommeil pour la santé cardiovasculaire, ce qui est confirmé par les résultats d'une étude récente montrant que la régularité du sommeil (...) est plus fortement associée au risque de mortalité que la durée du sommeil», peut-on ainsi lire dans le «Journal of Epidemiology and Community Health».
Les chercheurs ont aussi voulu savoir si un sommeil de durée suffisante pouvait atténuer ou diminuer les effets d'un sommeil irrégulier sur le risque d'événement cardiovasculaire indésirable majeur.
Les auteurs de l'étude ont constaté qu'un sommeil de durée suffisante compensait les effets néfastes d'un horaire de sommeil irrégulier modéré, mais non ceux d'un horaire de sommeil irrégulier.
«Ceux qui font du "catch up sleep" la fin de semaine, en pensant se rattraper et que c'est bon pour leur santé, influencent en bout de compte négativement la régularité de leur sommeil et de leur horloge biologique centrale, qui est réglée sur un cycle de vingt-quatre heures», a expliqué le professeur Chaput.
Cette horloge biologique, a-t-il précisé, est comme le «chef d'orchestre qui part le "beat", puis le reste de la journée suit». Mais si on change le moment de la journée où ce «beat» est lancé, «le corps a de la misère à suivre».
Donc, poursuit le professeur Chaput, même si on se couche tard la veille, l'idéal est de quand même se lever à la même heure le lendemain matin. «C'est mieux de manquer de sommeil que de se lever plus tard, ce n'est pas bon de rester au lit longtemps le matin», a-t-il dit.
La durée de sommeil recommandée est de 7 à 9 heures pour les 18-64 ans, et de 7 à 9 heures pour les 65 ans et plus. Près des deux tiers des dormeurs réguliers respectaient ces recommandations, comparativement à moins de la moitié des dormeurs irréguliers.
«La régularité du sommeil semble prédire encore plus les problèmes de santé qu'une courte nuit de sommeil», a dit le professeur Chaput.
Et comme plusieurs autres facteurs qui influencent notre santé, a-t-il ajouté, la fréquence à laquelle le sommeil irrégulier survient est importante. Une journée ou deux par semaine ne devrait pas être trop problématique, mais cinq jours par semaine sont une tout autre histoire.
Les mécanismes exacts à l'origine de ces effets néfastes restent à élucider. Les auteurs croient toutefois que le décalage circadien causé par l'irrégularité du sommeil perturbe possiblement la synchronisation entre l'horloge biologique interne et les signaux environnementaux externes, ce qui peut avoir des effets néfastes sur la santé.
Ils évoquent plus précisément des perturbations des rythmes circadiens, de la régulation hormonale, de la synchronisation des repas, de l'inflammation et de la fonction immunitaire. Des habitudes de sommeil irrégulières pourraient aussi entraîner une dysrégulation du métabolisme du glucose et des lipides, une résistance à l'insuline et une activation accrue du système nerveux sympathique.
Ces perturbations, expliquent les auteurs, contribuent à une cascade d'effets négatifs, notamment une libération accrue d'hormones de stress, une pression artérielle élevée, une altération de la fonction endothéliale et un risque accru de développer des maladies cardiovasculaires et des troubles métaboliques.
Un sommeil irrégulier pourrait aussi perturber le rythme circadien en entraînant une variation de l'exposition à la lumière et une irrégularité de l'alimentation et de l'activité physique, ajoutent-ils.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne