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Une enquête d'Amnistie internationale conclut qu'Israël se livre à un génocide à Gaza

durée 19h01
4 décembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Amnistie internationale (AI) met de côté gants blancs et euphémismes et accuse Israël d’avoir commis et de continuer à commettre un génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza.

Un rapport d’enquête de l’organisme de défense des droits de la personne, intitulé «On a l’impression d’être des sous-humains. Le génocide des Palestiniens et Palestiniennes commis par Israël à Gaza», conclut qu’Israël a commis des actes interdits par la Convention sur le génocide, dans l’intention spécifique, affirme-t-il, de détruire la population palestinienne de Gaza.

Selon la secrétaire générale d’Amnistie internationale, Agnès Callamard, «ce pays s’est notamment rendu coupable de meurtres, d’atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale des personnes, et de soumission délibérée des Palestiniens et Palestiniennes de Gaza à des conditions de vie destinées à entraîner leur destruction physique. Mois après mois, Israël a traité la population palestinienne de Gaza comme un groupe sous-humain ne méritant pas le respect de ses droits fondamentaux ni de sa dignité, et a démontré son intention de la détruire physiquement».

Du même souffle, elle avance que les États qui continuent de transférer des armes à Israël violent leur obligation d’empêcher le crime de génocide et qu’ils risquent de devenir complices de ce crime.

Génocide et intention génocidaire

Amnistie internationale estime que non seulement le génocide, mais aussi l’intention génocidaire peuvent être constatés par les actes sur le terrain et les déclarations publiques des autorités, faisant valoir que les actes interdits avaient souvent été annoncés ou réclamés par des responsables haut placés en charge de l’effort de guerre.

Agnès Callamard souligne qu’on ne peut faire d’équivalences, faisant valoir que «les atrocités criminelles commises le 7 octobre 2023 par le Hamas et d’autres groupes armés contre des Israéliens, telles que les massacres et les prises d’otages, ne sauraient en aucun cas justifier le génocide des Palestiniens et Palestiniennes commis par Israël à Gaza».

Le rapport d’Amnistie internationale se penche en détail sur les violations commises par Israël à Gaza durant les neuf mois allant du 7 octobre 2023 à début juillet 2024. L’organisation a interrogé 212 personnes, a enquêté sur le terrain et analysé un vaste éventail de preuves visuelles et numériques, dont des images satellite. Elle a aussi examiné les déclarations des autorités gouvernementales et militaires israéliennes et bien qu’elle ait communiqué à maintes reprises ses conclusions aux autorités israéliennes, n’a toujours reçu aucune réponse de fond.

Un argumentaire peu crédible

AI rappelle que le bilan de l’offensive israélienne, au 7 octobre 2024, s’élève à plus de 42 000 morts parmi la population palestinienne, dont plus de 13 300 enfants, et plus de 97 000 blessés. Elle pointe du doigt la destruction des infrastructures essentielles, des terres agricoles et des sites culturels et religieux, ce qui a rendu inhabitables de vastes zones de la bande de Gaza.

Amnistie internationale s’inscrit en faux contre les déclarations d’Israël à l’effet que ses forces armées ont visé le Hamas en toute légalité et que les destructions sans précédent et la privation d’aide humanitaire résultaient de comportements illégaux du Hamas et d’autres groupes armés, comme le positionnement de combattants au sein de la population civile ou le détournement de l’aide humanitaire. AI conclut de son enquête que ces affirmations n’étaient pas crédibles.

D’une part, dit-on dans le rapport, «la présence de combattants du Hamas à proximité ou au sein de zones densément peuplées ne dispense pas Israël de son obligation de prendre toutes les précautions possibles pour épargner les civils». D’autre part, «l’organisation n’a trouvé aucune preuve à l’appui du fait que les restrictions extrêmes et délibérées de l’aide humanitaire vitale imposées par Israël pourraient être expliquées par le détournement de l’aide».

Le rapport va plus loin, expliquant «qu’Israël considère la destruction de la population palestinienne comme nécessaire pour détruire le Hamas ou comme une conséquence acceptable de cet objectif, le fait qu’il voie les Palestiniens et Palestiniennes comme une population sacrifiable ne méritant aucune considération est en soi une preuve de son intention génocidaire».

Des civils visés

L’organisme fait état de ses enquêtes menées sur 15 frappes aériennes survenues entre le 7 octobre 2023 et le 20 avril 2024. Au moins 334 civils, dont 141 enfants, y ont trouvé la mort, mais AI n’a trouvé aucun élément prouvant que ces frappes visaient un objectif militaire. Même si son analyse ne touche qu’une fraction des attaques aériennes israéliennes, elle jette un éclairage sur une pratique généralisée d’attaques directes contre la population civile et les biens de caractère civil ou d’attaques délibérément aveugles. AI va plus loin, affirmant que «ces attaques ont aussi été menées d’une manière conçue pour faire un grand nombre de morts et de blessés parmi la population civile».

Le rapport montre «qu’Israël a délibérément imposé à la population palestinienne de Gaza des conditions de vie destinées à entraîner, à terme, sa destruction» et il identifie trois pratiques utilisées pour arriver à cette fin: la dégradation et la destruction d’infrastructures vitales; l’utilisation répétée d’ordres d’évacuation massive arbitraires et trompeurs pour déplacer de force la quasi-totalité de la population de Gaza; et l’interdiction ou l’obstruction de l’acheminement de services essentiels, d’aide humanitaire et d’autres produits vitaux vers la bande de Gaza et au sein de celle-ci.

«Des conditions inhumaines»

Amnistie internationale pointe plus spécifiquement les coupures d’approvisionnement en électricité, en eau et en carburant et la multiplication d’obstacles à l’importation et la livraison de biens vitaux et d’aide humanitaire. «Associées aux destructions massives de logements, d’hôpitaux, de systèmes d’adduction d’eau, d’infrastructures sanitaires et de terres agricoles, ainsi qu’aux déplacements forcés de masse, ces mesures ont provoqué des niveaux catastrophiques de famine et entraîné la propagation de maladies à un taux alarmant», s’inquiète-t-on, ajoutant qu’Israël a refusé de prendre des mesures pour améliorer la situation humanitaire bien qu’il avait la possibilité de le faire.

Au final, Israël a déplacé près de 1,9 million de Palestiniens, soit 90 % de la population de Gaza, «dans des poches de territoire toujours plus réduites et peu sûres, et dans des conditions inhumaines».

«Incapacité honteuse»

«L’incapacité cataclysmique et honteuse de la communauté internationale, depuis plus d’un an, à faire pression sur Israël pour qu’il cesse ses atrocités à Gaza, d’abord en retardant les appels à un cessez-le-feu puis en poursuivant les transferts d’armes, est et restera une tache dans notre conscience collective», a déclaré Agnès Callamard.

«Les gouvernements, ajoute-t-elle, doivent cesser de prétendre qu’ils sont impuissants pour arrêter ce génocide, qui a été rendu possible par des décennies d’impunité pour les violations du droit international commises par Israël. Les États ne doivent pas se contenter d’exprimer leurs regrets ou leur consternation mais doivent agir fermement et durablement sur le plan international, aussi inconfortable que puisse être le constat d’un génocide pour certains des alliés d’Israël.»

Amnistie internationale appelle le Bureau du procureur de la CPI «à envisager de toute urgence de rajouter le génocide à la liste des crimes sur lesquels il enquête».

«Nul ne devrait être autorisé à commettre un génocide sans avoir à répondre de ses actes», affirme l’organisme qui, du même souffle, demande aussi «que tous les otages civils soient libérés sans condition et que le Hamas et les autres groupes armés palestiniens responsables des crimes du 7 octobre (2023) soient amenés à rendre des comptes».

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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