Un comité du Sénat explore les difficultés d'enquêter sur les vols de fils de cuivre
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Par La Presse Canadienne, 2024
Des responsables fédéraux affirment que les vols de fils de cuivre sont en hausse au Canada, mais qu'il est difficile de les combattre, car les infrastructures sont généralement exemptes d'une sécurité de base et que les identifiants peuvent être facilement effacés.
Des responsables d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), de la GRC, de Sécurité publique Canada et du ministère de la Justice ont témoigné mardi sur la question devant le comité sénatorial des transports et des communications.
L'étude du comité intervient alors que certaines entreprises de télécommunications continuent de tirer la sonnette d'alarme concernant le vandalisme ciblant leurs infrastructures. Les opérateurs canadiens ont signalé plus de 1300 incidents de ce type depuis janvier 2022, a indiqué Wen Kwan, directeur principal du spectre et du secteur des télécommunications d'ISDE, lors de la réunion.
Par ailleurs, l'Association canadienne des télécommunications affirme que les vols ou les actes de vandalisme sur les sites de télécommunications ont augmenté de plus de 400 % depuis 2022, les incidents de vol de cuivre figurant au premier rang.
Selon M. Kwan, il faut en moyenne 10 à 12 heures aux fournisseurs pour rétablir complètement l'accès à l'internet, la télévision et les services téléphoniques pour leurs clients après un vol de fil de cuivre.
«Dans certains cas, cela prend beaucoup plus de temps, en particulier pour les réparations complexes dans des endroits difficiles d'accès. Parfois, des communautés entières se retrouvent sans services téléphoniques et internet pendant de longues périodes jusqu'à ce que les réparations soient terminées», a-t-il fait valoir.
Des dommages importants
De grandes entreprises telles que Bell Canada et Telus ont mis hors service certaines de leurs lignes de cuivre ces dernières années dans le cadre d'un virage à long terme vers des réseaux alimentés par fibre optique. Mais M. Kwan a déclaré qu'il était important de noter que «nous n'en sommes pas encore là» en ce qui concerne l'achèvement de la transition et que certains foyers dépendent toujours des connexions au réseau en cuivre pour passer des appels 911.
Il a ajouté que les dommages causés aux fils de cuivre peuvent également entraver les lignes de fibre optique, car ces circuits sont souvent regroupés.
Le surintendant principal à la Gendarmerie royale du Canada, Peter Tewfik, a indiqué au comité que deux sociétés ont communiqué des données à la police plus tôt cette année, soulignant la gravité du problème.
L'une de ces entreprises a signalé 191 incidents en Alberta sur une période de 12 mois, totalisant plus de 3,5 millions $ de dommages, tandis que la seconde a déclaré avoir subi 675 incidents totalisant près de 5 millions $ de dommages sur une période de 18 mois.
«Les coûts financiers de ce type de crime sont importants», a souligné M. Tewfik.
ISDE présente en ligne plusieurs exemples récents d'incidents.
Le ministère affirme qu'en août 2023, des voleurs ont dérobé des câbles Telus à Calgary, coupant l'accès de 2000 personnes aux services de communications vocales, d'internet ou de télévision pendant «plusieurs» jours. Telus a connu neuf vols de câbles et actes de vandalisme au cours des premiers mois de cette année, avec une augmentation de 100 % des incidents en janvier par rapport à l'année précédente et une augmentation de 49 % de la durée des pannes.
En octobre de l'année dernière, le ministère fédéral a déclaré que des vandales avaient sectionné plusieurs lignes du réseau Bell près de Perth-Andover au Nouveau-Brunswick. Il a indiqué que cela avait entraîné une panne du service de réception automatique de Bell, une application qui fonctionne comme une réceptionniste automatisée utilisée par l'hôpital local.
Difficile de contrer ces «crimes opportunistes»
Bell a déclaré que le vol de cuivre est responsable de 87 % des incidents de sécurité physique sur son réseau.
Plus tôt cette année, elle a appelé les gouvernements provinciaux et fédéral à renforcer les lois, à augmenter les amendes et à apporter des modifications au Code criminel «reflétant la nature essentielle des infrastructures de communication critiques pour la sécurité de ce pays».
Mais les responsables de l'application de la loi ont souligné mardi certaines des difficultés liées à la prévention et aux enquêtes sur les vols de cuivre.
«Ces crimes ne suivent pas un modèle cohérent. Ce sont des crimes opportunistes qui sont souvent signalés après coup», a déclaré M. Tewfik, ajoutant qu’il est impossible de protéger certains sites en raison de facteurs comme la grande zone géographique où ils se trouvent.
M. Tewfik a affirmé que les incidents sont difficiles à prévoir ou à empêcher parce que les fils de cuivre ne sont généralement pas protégés par des mesures de sécurité telles que des clôtures, des lumières, des caméras ou des patrouilles.
Il a ajouté qu'il est difficile d'enquêter sur ces crimes et de traduire les responsables en justice, étant donné l’absence de législation provinciale cohérente sur ces matériaux à travers le pays.
M. Tewfik a aussi souligné que le cuivre peut être fondu, ce qui supprime les identifiants avant la vente d'un morceau dérobé.
Plus tôt cette année, le gouvernement a adopté le projet de loi C-70, la Loi sur la lutte contre l'ingérence étrangère, qui criminalise les actes de sabotage contre les infrastructures essentielles, notamment les réseaux de télécommunications.
Les infractions de vol et de sabotage sont passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans. Dans les cas les plus graves, les crimes mettant en danger la vie humaine sont passibles d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
L'Association canadienne des télécommunications a déclaré que la législation constitue une étape positive vers la protection de la sécurité ou de la défense du Canada, mais qu'elle ne s'attaque pas à la «fréquence rapidement croissante des actes de vandalisme et des vols qui perturbent les services de télécommunications».
L'association, de même que les sociétés Bell et Telus, doivent comparaître devant le comité sénatorial mercredi.
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Sammy Hudes, La Presse Canadienne