Rapport du CMQ: l'attraction et la rétention du personnel sont difficiles partout
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Pénurie de main-d'œuvre; difficulté d’attractivité et de rétention du personnel; détresse du personnel soignant et enjeux administratifs: voici les principaux constats qui ressortent du deuxième rapport du Collège des médecins du Québec (CMQ) à la suite d'une récente tournée dans des établissements de santé à travers la province.
C'est la deuxième fois que le CMQ fait cet exercice. Il avait visité une douzaine de pôles en santé ainsi que quatre facultés de médecine en 2022. Cette première tournée d'envergure dans l'histoire du CMQ avait donné lieu à des observations inquiétantes dans le réseau de la santé, telles qu'une iniquité dans l'accès aux soins d'une région à l'autre et une asymétrie dans l'offre de soins en plus des problèmes de rétention du personnel.
«Cette deuxième tournée renforce les constats de la première. Les médecins doivent être mieux soutenus pour bien soigner la population québécoise et assumer leur responsabilité sociale envers les personnes du territoire qu’ils desservent», a commenté dans le rapport le président du CMQ, Dr Mauril Gaudreault.
Durant ses deux tournées, le CMQ a rencontré sur le terrain des comités d’usagers, des résidents et des médecins, des chefs de départements, des membres des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) ainsi que des gestionnaires d’établissements. L'objectif de la plus récente tournée, effectuée en 2023, visait plus particulièrement à se rendre dans le Nord-du-Québec «pour y constater les conséquences de la pénurie de personnel, l’absence d’équipements de base et la mécanique de transport presque systématique de patients vers des hôpitaux montréalais».
Les établissements qui ont été visités sont l’Hôpital de Kuujjuaq, dans le Nord-du-Québec; l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et le CHU Sainte-Justine, à Montréal; l’Hôpital de Gaspé, en Gaspésie; l’Hôpital de l’Archipel, aux Îles-de-la-Madeleine; l’Hôtel-Dieu de Lévis et son Pavillon d’enseignement de la médecine; l’Hôpital Le Royer, à Baie-Comeau.
Pénurie «systémique» au CHU Sainte-Justine
La pénurie de personnel se fait sentir dans toutes les régions du Québec, mais certains établissements la ressentent davantage. C'est le cas du CHU Sainte-Justin qui est aux prises avec une pénurie «systémique», notamment en anesthésie et en pédopsychiatrie. Le CHU Sainte-Justine est l’un des plus importants centres pédiatriques en Amérique du Nord.
«La pénurie de personnel et le manque de ressources pèsent lourd sur cet établissement d’excellence. Le système semble brisé et les médecins disent ouvertement ne plus pouvoir garantir une médecine de qualité. Dans certains secteurs, le point de rupture est atteint», indique Dr Gaudreault dans le rapport.
Le CHU Sainte-Justine est doté d’une quinzaine de salles d’opération, mais la pénurie de personnel limite parfois les activités à cinq blocs chirurgicaux. Les listes d’attente ont explosé, soulève le rapport, et il manque de lits dans la section ambulatoire et aux soins intensifs.
Dans le cadre de sa tournée, le CMQ a visité pour la première fois des pôles en santé au Nunavik, un territoire qui a une réalité bien à lui en raison de son immensité. Sa superficie représente le tiers de celle du Québec où vivent 12 000 Inuits répartis dans 14 villages. Le secteur qui a accueilli le Collège est celui de Kuujjuaq, qui compte plus de 3000 habitants.
Dans son rapport, le CMQ note une importante pénurie d’infirmières. Il y a aussi peu de psychologues et de travailleurs sociaux même si la région souffre d'un manque d’accès aux soins en santé mentale. Par ailleurs, presque tous les villages n'ont pas d'eau courante et les pannes d’électricité et de réseau cellulaire sont fréquentes. De plus, tous les déplacements se font par avion entre les villages faute de routes carrossables.
«C’est sans doute en raison de l’éloignement et de l’immensité du territoire qu’on perd de vue la situation vécue par les usagers et les soignants dans le Grand Nord. Je ne suis pas convaincu que la majorité des Québécois soient au courant. Ni qu’ils accepteraient ce niveau de soins dans leur propre région. Le Collège non plus! C’est une question de responsabilité sociale envers la population de ce territoire», soutient Dr Gaudreault dans le rapport.
Il souligne également le problème des ratios qui ne devraient pas s'appliquer à cette région. «Les enjeux de ressources humaines et matérielles se butent trop souvent à des décisions administratives basées sur des ratios. Or, les ratios ne tiennent pas la route dans un contexte de pratique si différent et sur un territoire si vaste et distinct», peut-on lire dans le rapport.
Les défis du recours à la main-d'œuvre indépendante
Le recours aux agences indépendantes a fait couler beaucoup d'encre au cours des derniers mois, le ministère de la Santé ayant annoncé la fin graduelle du recours à cette main-d'œuvre issue du privé.
Or, certains établissements ne peuvent pas se passer à court terme du personnel des agences privées sans quoi il y aurait des ruptures de services essentiels. L'hôpital Le Royer, à Baie-Comeau, en est un exemple. Cet hôpital, qui dessert une population de 20 000 personnes, fait partie du CISSS de la Côte-Nord, qui comprend un second hôpital à Sept-Îles, à 230 kilomètres de distance.
Le rapport indique que l'hôpital Le Royer a recours aux agences privées à hauteur de 20 % en raison du manque criant de personnel. On affirme que les coûts nécessaires au transport de la main-d’œuvre indépendante et à son hébergement sont exorbitants, mais que sans les agences privées, des services entiers devraient fermer.
Déjà, l'urgence et le centre mère-enfant de Baie-Comeau ont connu des ruptures de services. L'hôpital Le Royer a récemment atteint un taux d'occupation record de 300 %. «La population locale vit une constante anxiété quant à l’accès aux soins de santé de base», souligne le rapport. Pour répondre à la crise, des médecins dépanneurs se déplacent sur le territoire, mais certains endroits sont laissés-pour-compte. Des patients se retrouvent à être transférés à Québec et des femmes enceintes sont aussi parfois déplacées en fin de grossesse.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne