Les menaces de Trump mettent les minéraux critiques du Canada sous les projecteurs


Temps de lecture :
5 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
La guerre commerciale en cours et l'appétit du président américain Donald Trump pour les minéraux critiques ont placé les riches gisements minéraux du Canada sous les projecteurs, les politiciens fédéraux et provinciaux promettant d'accélérer les projets d'exploitation des ressources naturelles.
L'intérêt pour les minéraux critiques du pays a explosé après que Donald Trump eut commencé à envisager l'annexion du Canada et s'est accru à mesure que la guerre commerciale mondiale du président s'intensifiait, selon les experts.
«Il s'agit désormais d'un débat national sur la façon dont nous traitons les ressources naturelles ou les projets d'exploitation des ressources naturelles ici au Canada», a expliqué Elizabeth Steyn, experte en droit minier et financier à l'Université de Calgary.
Un élément clé de cette discussion est le Cercle de feu, riche en minéraux, du nord de l'Ontario. Cette région d'environ 5000 kilomètres de long abriterait de vastes réserves de nickel, de chromite, de zinc, de platine, de cuivre et de nombreux autres minéraux essentiels.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a mentionné que son gouvernement entendait approuver tous les permis fédéraux d'exploitation minière dans la région du Cercle de feu d'ici six mois et s'engager à investir 1 milliard $ dans la construction d'un réseau routier pour faciliter cette tâche.
Dans le cadre de ses promesses d'investissement dans les minéraux essentiels, le chef libéral Mark Carney a indiqué qu'il collaborerait «étroitement» avec le gouvernement de l'Ontario pour développer «rapidement» le Cercle de feu.
Le gouvernement de l'Ontario a déposé jeudi un projet de loi visant à accélérer le développement des mines — et d'autres projets d'envergure — en désignant certaines d'entre elles comme «zones économiques spéciales». Le Cercle de feu sera l'une de ces zones.
Le premier ministre Doug Ford a souligné que la nécessité d'accélérer les projets miniers est une réponse directe aux menaces de Donald Trump.
Des craintes chez les autochtones
La décision de l'Ontario a toutefois suscité des inquiétudes chez les groupes autochtones, qui affirment que tout développement dans le Cercle de feu doit inclure des consultations avec les Premières Nations et respecter leurs droits.
«Nous exhortons le gouvernement provincial à s'engager dans un véritable dialogue de nation à nation, fondé sur la reconnaissance de la compétence, du consentement et de la prospérité partagée des Premières Nations», ont déclaré les chefs de l'Ontario dans un communiqué de presse avant le dépôt du projet de loi.
Sol Mamakwa, le néo-démocrate qui représente la circonscription de Kiiwetinoong, où se trouve le Cercle de feu, a affirmé que la province perpétue sa longue tradition de division des Premières Nations pour les conquérir.
«Nos terres ne sont pas à vendre, a-t-il avancé. Si vous voulez entreprendre quoi que ce soit, vous devez suivre le processus relationnel approprié en reconnaissant les traités que nous avons conclus avec la Couronne. Nous sommes censés partager les bénéfices des ressources qui s'y trouvent, et ce gouvernement a lamentablement échoué au cours des sept dernières années.»
M. Mamakwa a averti que la précipitation de la province à exploiter le Nord se heurterait à une certaine résistance.
«On ne peut pas utiliser une guerre tarifaire ni une question tarifaire avec les États-Unis pour outrepasser les droits des Premières Nations qui vivent sur ces terres», a-t-il soutenu.
Les Américains
L'urgence entourant l'exploitation des ressources naturelles découle également des réflexions de Donald Trump sur l'annexion du Canada et sa transformation en 51e État, avant et après son investiture en janvier.
La rhétorique du président américain a semblé s'apaiser après un premier appel avec le nouveau premier ministre Mark Carney le mois dernier, mais lui et la Maison-Blanche ont remis au goût du jour l'idée d'un 51e État cette semaine.
Elizabeth Steyn a convenu que les commentaires de Donald Trump étaient en partie motivés par la nécessité pour les États-Unis de transformer leurs secteurs énergétique et numérique, ainsi que de renforcer leur sécurité nationale en accédant à davantage de minéraux critiques.
«Nous subissons une pression économique afin de nous convaincre d'une sorte d'accord réciproque sur les minéraux», a-t-elle analysé, ajoutant que les conseillers de Donald Trump auraient «certainement» connaissance des gisements du Cercle de feu.
Donald Trump a signé un décret cette semaine pour ouvrir une enquête sur toutes les importations américaines de minéraux critiques, ce qui pourrait ouvrir la voie à de nouveaux droits de douane et faire pression sur la Chine, qui a restreint ses exportations de terres rares en réponse aux droits de douane américains.
Il avait précédemment signé un autre décret visant à accroître la production nationale de minéraux critiques. L'administration américaine négocie actuellement des accords sur ces minéraux avec l'Ukraine et la République démocratique du Congo, deux pays déchirés par la guerre.
Les États-Unis sont l'un des plus grands importateurs de gallium, de niobium, d'aluminium, de palladium, de platine et de dizaines d'autres minéraux que le pays considère comme essentiels à son développement économique et à des industries telles que les énergies renouvelables, l'électronique et la technologie militaire.
Le Canada, quant à lui, est un pays minier doté d'une riche réserve de minéraux enfouis dans le sol, même si le Cercle de feu, en particulier, reste en développement, avec peu de mines actives et des délais de plusieurs années pour de nouveaux projets. Des entreprises canadiennes mènent également des activités minières ailleurs dans le monde.
Le fait que le président américain ait imposé des droits de douane plus bas sur les matières premières énergétiques canadiennes, comme l'uranium et la potasse, montre qu'il connaît l'importance des minéraux canadiens, selon Mme Steyn.
«Le Canada est le réservoir de tous les minéraux critiques dont l'industrie américaine a besoin. Chacun d'entre eux. Et pourtant, on n'en entend jamais parler», a souligné Jack Lifton, coprésident du Critical Mineral Institute, une organisation mondiale, établie au Michigan.
«J'ignore ce que Washington pense de tout cela, mais je ne pense pas qu'ils réalisent que le Canada est la solution au problème, et non le problème», a-t-il ajouté.
La Chine a jusqu'à présent été le plus grand fournisseur et exportateur de ressources minérales critiques au monde. Comme les Américains, les Européens cherchent des sources alternatives pour leurs besoins. Le Canada a le potentiel de combler ce manque, selon Ian London, directeur général de l'Alliance canadienne des minéraux et matériaux critiques.
M. London a soutenu que le secteur minier canadien devrait cesser de vendre des minéraux bruts et plutôt les utiliser pour bâtir une industrie manufacturière nationale de pointe.
La Chine a bâti des entreprises, des universités et des centres de recherche autour de son industrie minière, devenant ainsi le plus grand producteur de biens électroniques et de véhicules électriques.
Selon M. London, les tensions actuelles avec les États-Unis ont fourni au Canada l'occasion de faire exactement cela.
Le développement de l'industrie canadienne des minéraux critiques entraînerait des difficultés à court terme, mais les Canadiens ne devraient pas céder, a-t-il estimé.
Tracy Hughes, directrice générale du Critical Mineral Institute, a avancé qu'étant donné la dépendance économique des États-Unis aux minéraux, il est difficile de comprendre pourquoi le pays s'aliène un voisin qui possède autant de ce dont ils ont besoin.
D'après Mme Hughes, le futur premier ministre du Canada devrait négocier un accord sur les minéraux avec l'administration Trump, ce qui pourrait ouvrir la voie à une renégociation de l'accord commercial entre les deux pays.
— Avec des informations de Liam Casey
Sharif Hassan, La Presse Canadienne