Les cibles d'immigration d'Ottawa encouragent la souveraineté, croit le Bloc
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Par La Presse Canadienne, 2023
OTTAWA — L'objectif du gouvernement fédéral d'accueillir 500 000 nouveaux immigrants au Canada chaque année encourage la réflexion sur la souveraineté, croit le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.
«Ce débat-là sur l'appropriation de tous les moyens, ironiquement, vient d'être ouvert par le Canada ou par quelques intellectuels dans une tour à Toronto qui disent: “Non, non, vous allez voir, on va faire ça de même là, on va les casser les Québécois une fois pour toutes, ça va être réglé”. Ça se peut que les Québécois se disent: “Bon, ben ça va finir bientôt”», a affirmé jeudi M. Blanchet.
Selon lui, la cible d'Ottawa aura ni plus ni moins pour conséquence «un affaiblissement et une disparition potentielle du peuple de la nation québécoise française». Cela «alimente une réflexion» des Québécois sur l'indépendance et «le processus s'accélère».
Mercredi, les élus de l'Assemblée nationale ont unanimement déclaré cette cible «incompatible avec la protection de la langue française au Québec». La motion «réitère» également «qu'il appartient au Québec seul de faire ses propres choix» en matière d'immigration et de français.
Le Bloc québécois consacre jeudi sa journée de l'opposition à débattre d'une motion dénonçant les objectifs de l'Initiative du siècle concernant l'immigration - soit d'augmenter la population canadienne à 100 millions d'habitants d'ici 2100 - et auxquels «correspondent» les cibles d'Ottawa.
«Tripler la population du Canada a des impacts réels sur l’avenir de la langue française, le poids politique du Québec, la place des Premiers peuples, l’accès au logement, les infrastructures de santé et d’éducation», plaide le Bloc.
Dans une déclaration écrite, le cabinet du ministre fédéral de l'Immigration, Sean Fraser, a insisté que les opinions de l’Initiative du siècle ne sont pas une politique du gouvernement, que celui-ci est en désaccord avec les conclusions et qu'il n'entend pas faire croître à 100 millions la population canadienne d'ici 2100.
«Nos cibles en matière d'immigration sont le résultat des pénuries démographiques et de l’importante pénurie de main-d'œuvre partout au Canada, ajoute-t-on. Aujourd'hui, 100 % de la croissance de la main-d'œuvre provient de l'immigration. Nous devons agir de manière responsable pour répondre à ces besoins urgents.»
Compte tenu de la cible fédérale, le Québec devrait recevoir 112 000 immigrants annuellement pour maintenir son poids dans la fédération canadienne. S'il ne suit pas la cadence, il est condamné à «ratatiner comme une peau de chagrin», a résumé M. Blanchet.
Dans une entrevue de fin d'année, le premier ministre Justin Trudeau avait plaidé que le Québec a «la pleine capacité» d'accueillir autant d'immigrants et qu'il dispose déjà de «tous les outils» pour s’assurer que «la quasi-totalité de ces gens-là serait francophone».
Durant la récente campagne électorale au Québec, le premier ministre François Legault avait promis de limiter l'immigration permanente à 50 000 nouveaux arrivants par année, soit son seuil actuel.
Questionné mercredi sur l'enjeu du poids du Québec au sein du Canada et des possibles conséquences sur sa représentation politique à la Chambre des communes, M. Trudeau avait répondu que «tout le monde a le droit de faire les décisions qu’ils veulent à l’intérieur de leur seuil d’immigration au Québec».
Il avait également répliqué à M. Blanchet que le Bloc ne cherche que «des chicanes» entre Québec et Ottawa. «Ils ont déjà perdu deux référendums, que ça continue», avait-il lancé.
Michel Saba, La Presse Canadienne