Les changements climatiques modifient le microbiome intestinal des ours polaires
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — La disparition progressive de la glace marine associée aux changements climatiques force les ours polaires à adapter leur alimentation, ce qui modifie ensuite la composition de leur microbiome intestinal et pourrait avoir des conséquences encore inconnues sur leur santé, prévient une nouvelle étude.
Les ours polaires qui se nourrissent principalement au large des côtes, et dont l'alimentation est donc typique de cette espèce, ont le microbiome intestinal le moins diversifié, ont constaté les chercheurs.
En revanche, la plus grande diversité du microbiome intestinal a été mesurée chez quatre ours polaires qui vivent en captivité. La diversité du microbiome intestinal des ours qui vivent en liberté, mais que la disparition de la glace marine contraint à se nourrir plus près des côtes, se trouvait à mi-chemin entre les deux.
«Il est essentiel de comprendre les habitudes alimentaires des ours polaires et la manière dont elles sont affectées par le déclin de la glace marine induit par les changements climatiques, ainsi que les impacts subséquents sur la santé intestinale par le biais des interactions hôte-microbiote, afin d'évaluer l'état nutritionnel et sanitaire de ces populations sauvages, de promouvoir la conservation des espèces et d'évaluer la stabilité de l'écosystème marin de l'Arctique», expliquent les auteurs de l'étude dans le journal scientifique PLOS One.
On observe de plus en plus d'ours polaires manger des algues le long des côtes du nord de l'Ontario et du nord du Manitoba, a souligné la chercheuse Renée Petri, d'Agriculture et agroalimentaire Canada, ce qui pourrait évidemment être dû au fait que les animaux sont contraints de passer plus de temps sur la terre ferme en raison de la disparition de la glace marine occasionnée par les changements climatiques.
L'alimentation des ours polaires sauvages est habituellement très riche en gras, tandis que l'alimentation des ours polaires qui vivent en captivité est beaucoup plus riche en protéines, a-t-elle souligné.
«Mais quand on a ajouté des algues à l'alimentation des ours captifs, cela n'a pas eu d'impact sur leur microbiome intestinal, a dit Mme Petri. Cela pourrait donc vouloir dire que les algues font partie de l'alimentation courante des ours polaires en liberté, et que ce n'est donc pas nécessairement mauvais pour ceux qui en mangent le long des côtes.»
La science comprend de plus en plus l'association étroite qui semble exister entre la flore intestinale et de multiples facettes de la santé. Chez l'humain, par exemple, différentes études ont montré que le microbiome intestinal pourrait jouer un rôle dans des maladies aussi diversifiées que le cancer, le diabète et l'alzheimer.
On sait aussi que la flore intestinale de chaque individu est aussi unique que peuvent l'être ses empreintes digitales. Il est intéressant de constater qu'il en va vraisemblablement de même chez les ours polaires et chez d'autres animaux terrestres, a dit Mme Petri.
Les ours polaires sont définitivement une des espèces les plus emblématiques du Canada, a-t-elle souligné, et il est important de comprendre de quoi ils ont besoin pour être en santé.
«Plus spécifiquement, l'avenir des ours polaires sauvages dépend de la qualité de leur alimentation, a dit Mme Petri en conclusion. Ces résultats sont très importants pour qu'on puisse prendre soin d'eux, car ils jouent un rôle fondamental dans l'écosystème canadien.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne