Le Canada veut réactiver le rôle d’ambassadeur du Canada dans l’Arctique
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le Canada a dévoilé une politique étrangère pour l'Arctique qui s'engage à accroître la collaboration nationale et internationale pour lutter contre les menaces étrangères émergentes dans le Nord.
La politique, dévoilée vendredi par Affaires mondiales Canada à Ottawa, indique que l'Arctique nord-américain n'est «plus exempt de tensions» en raison de l'instabilité géopolitique accrue à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a «ébranlé les fondements de la coopération internationale dans l'Arctique».
Bien que la politique ne prévoie aucune nouvelle dépense en matière de défense, elle vise à aider le Canada à travailler plus étroitement avec ses alliés.
«Le Canada est une nation arctique et nous nous trouvons à un moment critique. Nous vivons dans un monde difficile et nous devons être plus fermes dans notre réponse, a déclaré la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly. Je ne pense pas que l'Arctique sera le principal théâtre de conflit. Je vois l'Arctique comme le résultat de ce qui se passe ailleurs dans le monde.»
Un élément clé du plan consiste à réactiver le rôle d’ambassadeur du Canada dans l’Arctique, qui a pris fin en 2006 sous le gouvernement de l’ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, et à ouvrir des consulats à Nuuk, au Groenland, et à Anchorage, en Alaska.
Il décrit également les engagements à partager des informations avec les dirigeants territoriaux et autochtones sur les menaces d’ingérence étrangère et à lancer un dialogue spécifique à l’Arctique avec les alliés de l’OTAN, bien que de telles mesures soient déjà en cours.
La politique engage 34,7 millions $, avec sept millions de dollars supplémentaires en cours. Une grande partie de cette somme servira à financer le rôle renouvelé d’ambassadeur et les deux consulats.
L’urgence d’une coopération entre les alliés survient après que la Russie et la Chine ont mené des exercices militaires conjoints dans l’Arctique en juillet, s’appuyant sur un engagement de 2022 à coopérer entre elles dans le Nord.
La ministre Joly a déclaré que la Russie dépend de plus en plus de la Chine en raison de la guerre en Ukraine, et le partenariat — dans lequel elle a expliqué que la Russie était le partenaire mineur — répond à une ambition chinoise de se déclarer un État proche de l’Arctique.
«Bien que l’éloignement et le terrain difficile de la région aient permis de la protéger pendant de nombreuses générations, cette réalité évolue rapidement, a déclaré le ministre de la Défense, Bill Blair. Cet environnement changeant a créé de nouvelles menaces et vulnérabilités, qui nécessitent une réponse urgente pour affirmer la souveraineté du Canada.»
Plus complexe pour le Canada est de trouver un équilibre entre ses priorités en matière de souveraineté dans l’Arctique et sa collaboration avec des États partageant les mêmes idées sur le changement climatique.
La Chine, par exemple, envoie des navires de recherche dans l’Arctique. Mais le Canada affirme que certaines des incursions de la Chine dans la région ont été ce qu’il appelle un «double usage», en ayant à la fois des applications de recherche et des applications militaires.
À ce titre, la politique prévoit également un engagement à aborder la recherche étrangère dans l’Arctique canadien sous l’angle de la sécurité nationale et à exercer une surveillance accrue sur ces projets de recherche.
«Le changement climatique progresse à un rythme alarmant, l’Arctique se réchauffant quatre fois plus vite que la moyenne mondiale, ce qui entraîne des impacts importants sur les environnements naturels et humains», peut-on lire dans la politique.
«Ces impacts servent de multiplicateurs de menaces, car les conditions environnementales changeantes créent des opportunités supplémentaires pour les adversaires et concurrents étrangers d'opérer de manière secrète ou ouverte dans l'Arctique canadien.»
Le Canada revendique par exemple le passage du Nord-Ouest, mais cette revendication est contestée même par son plus proche allié. Les Américains affirment qu'il s'agit d'un passage international, mais ils ont un accord vieux de 36 ans pour avertir le Canada de chaque fois qu'un navire y passe.
Pourtant, d'autres pays y voient une opportunité de transport commercial, affirme le Canada, notamment la Chine pour sa soi-disant «route de la soie polaire».
La politique étrangère arctique engage également le Canada à résoudre de tels conflits frontaliers, en partie en travaillant avec les peuples autochtones pour la gestion des eaux traditionnelles.
«Les intérêts dans l'Arctique évoluent», a affirmé le président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, qui a déclaré que l'organisation nationale était satisfaite de la politique définitive.
«L’Arctique suscite un intérêt mondial, et un ambassadeur peut aider tous les autres États-nations, en particulier, à comprendre la manière dont le Canada affirme sa souveraineté, sa relation avec les Inuits et les autres peuples autochtones qui vivent dans l’Arctique.»
Lors d’une séance d’information technique avant le lancement de la politique, un haut fonctionnaire du gouvernement a déclaré que le rôle d’ambassadeur de l’Arctique contribuera à approfondir l’engagement sur la politique arctique avec les pays partageant les mêmes idées et à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements territoriaux et les peuples autochtones pour qu’ils soient leurs priorités sur la scène internationale.
Un ambassadeur autochtone
Mme Joly a affirmé que l’ambassadeur sera un autochtone de l'Arctique et qu’il aura un bureau dans le Nord. La gouverneure générale Mary Simon a été la première ambassadrice du Canada dans l’Arctique lorsque le poste a été créé en 1994.
«Cette personne viendrait à Ottawa et serait en contact avec les diplomates ici. Mais nous avons besoin que cette personne soit proche des communautés du nord», a déclaré la ministre Joly, ajoutant que l’embauche d'autochtones de l'Arctique à Affaires mondiales Canada est une priorité du ministère.
Jack Anawak a été le dernier ambassadeur du Canada dans l’Arctique. À l'époque, il représentait les intérêts du Canada lors des réunions circumpolaires et coordonnait la participation du Canada au Conseil de l'Arctique.
«Il s'agissait d'une organisation très coopérative, car tout ce dont on discutait lors de cette réunion, on le rapportait à son gouvernement pour le conseiller sur ce que l'organisme essayait de faire», a déclaré M. Anawak à La Presse Canadienne.
«J'imagine que ce rôle d'ambassadeur jouera un rôle très central pour maintenir les relations entre les États de l'Arctique pertinentes et positives, a déclaré Natan Obed, à propos de ce à quoi ce rôle pourrait ressembler 18 ans après sa fin. Nous sommes très heureux de la reconstitution par le Canada, si vous voulez, du poste d'ambassadeur de l'Arctique, et aussi de la volonté commune de mettre en valeur ce poste particulier avec les Inuits».
Nick Murray, La Presse Canadienne