L'Union des producteurs agricoles célèbre 100 ans de solidarité rurale
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — L’Union des producteurs agricoles (UPA) souffle sa centième bougie cette année. Le secret de son succès, explique le président de l’union Martin Caron, c’est d’avoir su rassembler les différents secteurs de l’agriculture québécois dans un groupe solidaire.
«Nous, c’est tous les modèles de l’agriculture qu’on protège, la plus grande richesse qu’on a au Québec, c’est toute la diversité par rapport à différentes productions et au modèle d’agriculture, que ce soit des grandes ou des petites fermes», explique-t-il.
Actuellement, l’UPA représente quelque 42 000 producteurs agricoles de la province répartis dans une double structure, selon le territoire et le type de production agricole.
Le groupe de solidarité agricole compte plus de 2000 administrateurs et bénévoles dans les différents secteurs de l’industrie. Ils se concentrent entre autres sur la protection du territoire agricole, de ses activités ainsi que de la promotion et la valorisation du métier.
Réalisations passées
Fondée en 1924 sous le nom d’Union catholique des cultivateurs (UCC) par 2500 membres initiaux afin «de s’unir pour éviter de subir, à ce temps-là les gens n’avaient pas les prix pour les aliments et naturellement avaient de la misère au niveau du développement de l’agriculture, c’est les pierres d’assises qui ont été mises», raconte M. Caron.
La création de l’UCC a mené à celle d’autres groupes affiliés. On compte entre autres la Jeunesse ouvrière agricole en 1941, qui est aujourd’hui la Fédération de la relève agricole du Québec. En 1939, avant que les femmes aient le droit de vote, c’est la Fédération des agricultrices du Québec qui voit le jour.
En 1936, c’est l’Office du Crédit agricole du Québec qui voit le jour. Il «est considéré comme le plus généreux au Canada; il accorde des prêts à 2,5% d’intérêt sur 30 ou 39 ans pour un maximum de 6 000 $. De 1936 à 1951, l’Office du Crédit agricole du Québec a accordé quelque 86 M$ en prêts, un montant qui dépassait de 7 M$ la somme que la Commission du prêt agricole canadien avait prêtée à pareille date, dans l’ensemble du Canada», précise le site internet de l’UPA.
À l’époque de l’électrification du Québec, l’UCC a mené son combat pour connecter les zones rurales au réseau, là où les fournisseurs privés se concentraient plutôt sur les zones urbaines. Alors qu’en 1930 à peine 10% des fermes québécoises étaient connectées, une loi pour favoriser l’électrification rurale, défendue fortement par l’UCC, est mise en place en 1945.
En 1956, l’UPA a mené à la mise en place de la loi sur la mise en marché des produits agricoles. À cette époque, explique M. Caron, les producteurs négociaient individuellement les prix et se trouvaient désavantagés. Avec la loi «les producteurs pouvaient se regrouper pour faire un contrepoids face aux acheteurs et négocier des prix équitables pour les producteurs agricoles». Ces regroupements ont permis d’avoir la gestion de l’offre qu’on voit aujourd’hui, soutient-il.
Le président de l’UPA assure que cette avancée différencie encore le marché québécois du reste du monde; «En ce moment on a des discussions avec d’autres pays, en Afrique et même en Europe, où ils ont laissé aller cette mise en marché collective là et ils s’aperçoivent qu’en ce moment ils n’ont pas ce rapport de force pour aller chercher un prix équitable».
Difficultés actuelles
Un centenaire après sa création, l’UPA fait toujours face à de nombreux défis. Au Québec, moins de 2% du territoire sert aux cultures, soutiens «on est à 0.24 hectare par habitant, c’est le plus bas ratio au niveau de l’Amérique […] si on regarde du côté canadien, c’est cinq fois plus haut».
L’agriculteur note que le territoire cultivable est «une ressource non renouvelable, on ne peut pas en créer des nouvelles». Il met en garde entre autres contre l’étalement urbain et l’utilisation non agricole des terres, qui menace selon lui la capacité agricole de la province. En ayant moins de superficies disponibles, le prix des terres augmente ce qui rend l’agriculture plus difficile et «menace notre sécurité alimentaire», résume M. Caron.
La relève est un autre grand défi pour les producteurs du Québec. Quarante pour cent des fermes au Québec n’ont pas de plain de relève, prévient le président de l’UPA. Alors qu’auparavant le transfert se faisait chez la parenté, la réalité change et de plus en plus de familles quittent leurs fermes familiales. «Les enfants des médecins, on ne se fie par sur eux pour être les médecins du futur, ça prend d’autres gens qui étudient en médecine pour être les prochains; sur le plan agricole c’est la même affaire, on ne peut pas juste se fier sur nos enfants», estime M. Caron.
Le problème, c’est que se lancer en agriculture est très coûteux sur le plan de l’achat des terres et de l’équipement. «On est le secteur où ça prend le plus d’actifs pour avoir 1$ de recette monétaire. Ça prend 8$ d’investissement pour avoir 1$ de recettes, comparé à d’autres secteurs où c’est 2$ d’investissement», note-t-il, précisant que le tout devient tout de même rentable sur le long terme.
Alexis Drapeau-Bordage, La Presse Canadienne