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Ingérence: quoique suggère la juge, Poilievre ne demandera pas une cote de sécurité

durée 17h51
28 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le chef conservateur Pierre Poilievre ne bronche pas. Il n'a aucunement l'intention de demander une cote de sécurité «très secret», comme l'a recommandé mardi la commission sur l'ingérence étrangère dans son rapport final.

«Contrairement à d’autres qui sont prêts à limiter leur capacité à demander des comptes au gouvernement sur des questions importantes de sécurité nationale, M. Poilievre ne sera pas bâillonné et incapable de parler ou d’agir sur la base des informations qu’il pourrait recevoir», a affirmé son porte-parole Sebastian Skamski dans un courriel à La Presse Canadienne.

M. Poilievre est le seul chef d'un parti représenté à la Chambre des communes à ne pas avoir obtenu une cote de sécurité de ce niveau, ce qui lui permettrait d'obtenir des informations de la part du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et d'autres agences.

Dans son rapport, la juge Marie-Josée Hogue affirme que tous les chefs de partis fédéraux devraient être encouragés et avoir la possibilité d'obtenir une autorisation de sécurité de niveau «très secret» dès leur arrivée à la direction.

«Un chef de parti sans autorisation peut ne pas être en mesure de recevoir les informations détaillées dont il a besoin pour comprendre le risque d’ingérence étrangère auquel son parti est confronté et pour agir en conséquence», écrit-elle.

Le porte-parole conservateur mentionne que le gouvernement a proposé une séance d'information à M. Poilievre en décembre en vertu du volet de la Loi sur le SCRS qui traite des mesures de réduction des menaces.

Il a ajouté que des représentants gouvernementaux ont également dit à M. Poilievre qu'il n'aurait pas le droit de parler à quiconque autre qu'un conseiller juridique au sujet de la séance d'information et qu'il ne pourrait agir que s'il était autorisé par le gouvernement.

«C'est clairement inacceptable et totalement contraire à l'objectif supposé du gouvernement de permettre à la personne informée de réduire les risques», a écrit M. Skamski.

Les «idiots utiles» sont toujours là, dit Blanchet

Bien que la commissaire Hogue ait insisté dans son rapport qu'elle n'ait pas vu de preuve indiquant la présence de «traîtres» au Parlement canadien, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, réplique qu'il y a tout de même ce qu'il qualifie d'«idiots utiles».

«Un traître, c'est quelqu'un qui s'adonne à une activité criminelle à caractère d'espionnage, a expliqué M. Blanchet. Il y a ce qu'ils appellent en anglais, dans le monde du renseignement, le "useful idiot", l'idiot utile, le gars qui a passé une belle soirée hier, puis qui aimerait ça en avoir une autre la semaine prochaine, puis qui parle en ronflant.»

Et il prétend qu'il y aurait «entre une dizaine et une cinquantaine» de ces députés actuels ou passés qui auraient été «sous influence sans pour autant être des traîtres ou des criminels».

«Ces gens-là existent encore», a insisté M. Blanchet, en réitérant sa demande que le chef conservateur obtienne son accréditation de sécurité afin de ne pas compromettre l'intégrité du prochain Parlement.

«Il est irresponsable de la part de quelqu'un qui a la prétention de devenir premier ministre de ne pas même assurer l'intégrité en termes de sécurité de sa propre équipe de candidats et de son propre caucus», a-t-il envoyé.

Lors d'un point de presse qui se tenait au même moment, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a lui aussi fait ses reproches à M. Poilievre.

«Ça souligne qu'il ne prend pas au sérieux les menaces d'ingérence étrangère», a-t-il déclaré.

Ottawa «accueille favorablement»

Le gouvernement libéral, qui a passé des mois à la Chambre des communes à taper sur ce clou, n'a pas organisé de point de presse mardi pour réagir au rapport.

Dans un communiqué, le ministre des Institutions démocratiques, Ruby Sahota, et celui de la Sécurité publique, David McGuinty, disent qu'Ottawa «accueille favorablement» les conclusions du rapport final.

Ils assurent qu'elles seront examinées attentivement afin de guider leurs «efforts assidus» dans la lutte contre l’ingérence étrangère.

Le fédéral annonce du même souffle des fonds pour aider le Directeur général des élections à enquêter contre les menaces à l'endroit du processus électoral, y compris l'ingérence étrangère et la désinformation, et d'autres pour financer des projets de sensibilisation à la désinformation.

Au sein de la société civile, le Congrès des Ukrainiens Canadiens, qui a participé aux consultations publiques de la commission d’enquête, s’est dit déçu du rapport final.

«Si la commissaire Hogue identifie correctement la Russie comme l’un des pays menaçant la démocratie canadienne, parmi ses 51 recommandations, il n’y en a aucune qui, si implantée, répondrait adéquatement à cette menace», a déclaré le président et directeur général de l’organisation, Ihor Michalchyshyn.

De son côté, le cofondateur du groupe Democracy Watch, Duff Conacher, estime que le rapport de la juge Hogue se résume à une opération de «camouflage ignorant une dizaine d’échappatoires dans les lois fédérales qui rendent facile de s’en tirer pour des activités d’ingérence étrangères secrètes, non éthiques et antidémocratiques».

Selon le groupe de pression, l’ensemble des partis aux Communes devraient, avant que des élections soient déclenchées, faire adopter un projet de loi afin de mieux s’attaquer à l’ingérence étrangère, sans quoi ils «devraient être mis au ban par les électeurs comme soutenant» ce type d’activités.

La commission d’enquête croit que plusieurs de ses recommandations peuvent être mises en application sans que des changements législatifs aient à être entérinés aux Communes, ce qui pourrait être fait «avant les prochaines élections fédérales».

- Avec des informations d'Émilie Bergeron et de Sarah Ritchie

Michel Saba, La Presse Canadienne

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