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Festivals des Fiertés: briser l'isolement des personnes 2ELGBTQI+ en milieu rural

durée 10h00
2 août 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Chaque année, de nouveaux festivals de la Fierté voient le jour à travers le Québec. Bien loin des clichés d'une ruralité hostile aux personnes issues de la diversité sexuelle et de genre, plusieurs d'entre eux tentent de redorer l'image de la vie des personnes 2ELGBTQI+ hors des grands centres urbains.

«On n’a jamais eu de difficultés quand on est arrivé ici, on ne s’est pas caché, on n'a pas cherché à dissimuler qui on était et que l'on habitait ensemble, on n’a rencontré aucune difficulté ou des gens qui ont réagi négativement», affirme Pascal Lessard, copropriétaire de l'exploitation agricole Les Vergers du cap, dans Chaudière-Appalaches.

Lui et son conjoint ont acheté leur exploitation en 2019, et bien qu'ils craignaient de possibles réactions, ce fut tout le contraire pour le couple.

«On a été très bien accueilli ici au village, on pensait qu'il pourrait y avoir des gens qui réagiraient potentiellement, mais ce n’est jamais arrivé, explique-t-il, ajoutant qu'ils s'impliquent tous les deux activement au sein de leur village. Honnêtement, ce n’est pas quelque chose que je vis comme étant lourd, négatif ou de tannant.»

«On est content d’avoir acheté la ferme et, pour nous, ça a été un changement positif», ajoute M. Lessard.

Briser l'isolement

Comme plus de 300 personnes issues des communautés 2ELGBTQI+ vivant en région, ou travaillant dans le secteur agricole, Pascal Lessard et son conjoint sont membres de l'organisme Fierté agricole. Depuis 2012, cet OBNL permet aux personnes des communautés 2ELGBTQI+ vivant en milieu rural de se rencontrer et de participer à différentes activités.

«Dans la communauté agricole, on n'est vraiment pas beaucoup et le fait d’être aussi peu dans un aussi grand territoire, ça fait qu'on se retrouve pas mal isolé chacun chez soi en plus d'être loin des grands centres et de ses services», explique le président de Fierté agricole, Joé Desjardins.

Également copropriétaire avec son conjoint de l'exploitation agricole JardinsRochers, M. Desjardins assure qu'en général «ça se passe bien» pour les personnes 2ELGBTQI+, et, bien que des incidents homophobes ou transphobes peuvent avoir lieu, ils sont moins fréquents qu'on pourrait le penser.

«Les gens ont peur de sortir du placard ou de déménager en région, ce sentiment-là, on le sent beaucoup, mais c'est pas vrai que ça se passe plus mal qu'en ville», assure Joé Desjardins.

L'importance des alliés

Le président de Fierté agricole soutient que les personnes alliées des communautés 2ELGBTQI+ sont d'autant plus importantes en région, où il est plus difficile de cacher son identité.

«Un village qui appuie une personne de la communauté queer, c’est un village en entier qui soutiendra ces personnes-là, explique M. Desjardins. À l'inverse des grandes villes, il y a moins d'anonymat, car, quand on est en campagne, tout le monde nous connaît, mais en même temps, ça peut être épeurant pour certaines personnes, donc c’est important les alliés.»

Il explique que son organisme s'efforce de sensibiliser la population en région aux réalités des personnes 2ELGBTQI+. Fierté agricole tient régulièrement des kiosques lors d'événements agricoles et se déplace jusque dans les écoles d'agriculture pour sensibiliser les étudiants.

«On fait de la sensibilisation pour qu’il y ait moins de drames, assure Joé Desjardins. On ne contrôle pas le prix du marché du blé ou les récoltes avec la pluie, la seule chose qu’on peut faire, c'est qu'une personne des communautés ne se sente pas seule, et si on doit faire quatre heures de char, on sera là pareil.»

Camille Paradis, qui siège à la coprésidence de Fierté Val-d'Or, partage ce sentiment concernant l'importance des personnes alliées. Fierté Val-d'Or organise depuis 2019 le seul festival des Fiertés en Abitibi-Témiscamingue. En l'espace de six ans, le nombre de personnes participant aux quatre jours de festivités est passé d'environ 600 à 2300 festivaliers. Parmi eux, Camille Paradis affirme que les personnes ne faisant pas partie des communautés 2ELGBTQI+ représentent 50 à 60 % des participants.

«Ça montre qu’on a une communauté qui nous appuie, on a une partie de la population qui va vouloir s’afficher avec nous et dire que 'nous, on veut que ces personnes-là soient traitées comme tout le monde', explique Camille Paradis. Pour nous, c’est bien important de faire de la place à nos alliés pour pouvoir essayer d’être le plus légitime dans la population en général.

«Tout ce qui est en lien avec l’orientation sexuelle, c’est comme rendu acquis, mais les identités de genre sont vraiment plus méconnues, incomprises et plus moquées», affirme Camille Paradis, qui est non binaire.

Au-delà des alliés, Fierté Val-d'Or se définit comme un festival intergénérationnel afin de «briser l'isolement des membres plus âgés».

«On est comme un point d’ancrage pour des personnes seules», assure Camille Paradis.

De plus en plus de festivals des Fiertés

Les municipalités en région n'ont plus à envier les grands centres urbains et leurs festivals de la Fierté. Chaque année, de nouveaux festivals voient le jour dans des petites villes. C'est le cas de Mont-Laurier, qui accueillera cette année son deuxième festival des Fiertés.

«L'objectif est de donner une ressource en région qui est plus personnalisée et plus accessible», explique le président et fondateur de Fierté Hautes-Laurentides, Maxime Belisle.

«On veut être de plus en plus présent pour montrer qu'il est bon de vivre sa vie dans les Hautes-Laurentides et qu'il y a aussi une aide qui est là», explique M. Belisle.

Il raconte que l'arrivée d'un festival des Fiertés à Mont-Laurier a fait réagir et que l'organisme a aussi reçu des messages haineux en ligne. Il nuance toutefois en soulignant avoir reçu globalement un accueil favorable du public et un soutien de la part des municipalités et de la MRC.

La première marche de la Fierté organisée l'an passé par Fierté Hautes-Laurentides a réuni pas moins de 200 personnes dans les rues de Mont-Laurier.

«Les gens étaient très heureux de voir ça, explique Maxime Belisle. En région, les commentaires des gens, c'est qu'on est rendu là et qu'on a besoin de ça pour faire avancer les démarches pour une meilleure qualité de vie.»

L'enjeu principal reste pour lui de trouver un financement afin de rémunérer des intervenants qui pourraient être à l'écoute des personnes dans le besoin.

Quentin Dufranne, La Presse Canadienne

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