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Des petites villes de Nouvelle-Écosse souffrent des tensions liées au homard

durée 07h00
8 décembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

METEGHAN — Debout près d’un trou fait par une balle dans le mur de sa salle à manger, Geoffrey Jobert, acheteur de homard, affirme que de telles attaques sont devenues une réalité bien trop familière dans le secteur de la plus grande pêcherie de la Nouvelle-Écosse.

Dans la nuit du 23 novembre, quelqu’un a tiré un seul coup de feu qui a traversé trois pièces de sa maison de Mavillette, en Nouvelle-Écosse, et la douille a terminé son voyage dans une chaise berçante où Jobert s’assoit occasionnellement pendant la journée.

«C’était assez intense le matin quand j’ai remarqué le coup de feu. Mon cœur battait… mais en même temps, c’est monnaie courante dans la communauté que cela se produise», a-t-il déclaré chez lui, tandis que deux agents de sécurité de sa société Lobster Hub Inc. montaient la garde à l’extérieur.

Il y a cinq ans, le trentenaire et son jeune frère sont venus de Halifax pour prendre la relève de l'usine de transformation de leur père, qui emploie aujourd'hui 100 personnes. Il aime se faire des amis dans cette ville francophone et pagayer le long d'une magnifique plage près de chez lui lorsqu'il a quelques heures de libres.

Mais l'année dernière, les menaces ont commencé à se multiplier après qu'il a accepté d'acheter les prises d'un pêcheur commercial agréé qui ne voulait plus fournir ses prises à des installations qui auraient acheté du homard pêché illégalement. Et Geoffrey Jobert a vite appris qu'il n'était pas le seul dans les communautés le long de la côte acadienne à avoir été victime d'attaques nocturnes.

Le sergent Jeff LeBlanc, commandant du détachement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Meteghan, estime qu'au cours des deux dernières années, les agents ont porté 51 accusations contre ce qu'il appelle une «organisation criminelle» liée à la pêche illégale, dont quatre coups de feu tirés dans des maisons au cours des sept derniers mois.

À environ une demi-heure de route au nord de la maison de M. Jobert, il y a une cabane isolée dans les bois, délogée de ses fondations par une chargeuse frontale qui a tenté de la renverser. Au moment des dégâts, la propriété appartenait à Joël Comeau, un ancien président du Syndicat des pêcheurs des Maritimes qui avait critiqué les acheteurs qui achètent du homard pêché en dehors des saisons réglementées.

La Presse Canadienne a parlé à deux pêcheurs commerciaux de homard qui ont dit avoir été ciblés et qui ont refusé de donner leur nom par crainte de représailles. «Je ne peux pas encaisser un autre coup en ce moment, a confié un pêcheur de longue date. J'ai été frappé plus d'une fois.»

Victimes collatérales

Le chauffeur de camion Wayne Saulnier de Meteghan a déclaré lors d'une entrevue téléphonique jeudi qu'il est possible d'être «pris au milieu» du conflit, même si l'on n'est pas impliqué.

Son camion semi-remorque «était au mauvais endroit au mauvais moment» lorsqu'il a pris feu dans la nuit du 12 décembre 2023, après qu'il se fut garé sur la propriété adjacente à l'usine de transformation de M. Jobert. «Apparemment, ils ont rempli des pneus d'essence et les ont poussés sous le camion et il a plus ou moins explosé avec des vapeurs», a raconté M. Saulnier.

Jean-Claude Comeau, qui exploite une entreprise d'hydraulique maritime au quai de Meteghan, a déclaré dans une entrevue mardi: «Il est temps que les gens prennent position» contre l'anarchie.

«Les pêcheurs (de homard commercial) commencent à voir où se déroulent les activités illégales et ils se détournent des acheteurs parce qu'ils en ont assez des illégaux... Maintenant, ces acheteurs illégaux s'énervent et font des ravages», a-t-il déploré.

La pêche illégale mi'kmaq mise en cause

Dans une récente poursuite contre plusieurs transformateurs, l'Unified Fisheries Conservation Alliance — un groupe de défense des pêcheurs commerciaux — a déclaré que les racines du conflit se trouvent dans le manque d'efforts d'application de la loi d'Ottawa au quai de Saulnierville, où une pêche au homard mi'kmaq a été lancée en 2020 en dehors de la saison fédérale réglementée.

Geoffrey Jobert est prudent lorsqu'il s'agit de blâmer les pêcheurs autochtones, soulignant que les communautés mi'kmaq «ont été confrontées à un racisme systémique au fil des ans». Mais il ajoute qu'il croit qu'Ottawa doit faire plus pour ramener la paix dans la petite communauté.

«Je pense qu'ils (les pêcheurs autochtones) sont exploités par ces criminels parce que c'est toujours une activité souterraine et illégale», a-t-il expliqué.

Michelle Glasgow, la cheffe de la Première Nation Sipekne'katik n'a pas répondu à deux demandes d'entrevue envoyées par courriel.

La communauté a commencé à pêcher dans la baie St. Mary's en 2020, citant la décision Marshall de la Cour suprême du Canada de 1999. Cette décision a statué que les Mi'kmaq avaient un droit issu du traité de pratiquer une pêche de subsistance modérée, bien qu'Ottawa puisse restreindre les droits issus de traités pour des raisons de conservation et d'autres motifs justifiés.

L'année dernière, Mme Glasgow a déclaré lors d'une audience d'un comité sénatorial que le ministère fédéral des Pêches n'avait jamais pleinement respecté la décision Marshall et qu'il limitait de manière inappropriée le droit de la bande de vendre ses prises. Elle a également déclaré au comité dans un mémoire écrit que le ministère des Pêches avait «rendu impossible pour notre peuple de vendre légalement ses prises».

Au quai de Meteghan, Jean-Claude Comeau a déclaré que la solution à court terme était d'améliorer la police dans la région, ajoutant qu'il était rare de voir la police patrouiller dans la zone au milieu de la nuit. «Ils semblent tous fermer les yeux sur cette situation», a-t-il déclaré, faisant référence à la GRC et au gouvernement municipal.

Jeff LeBlanc, de la GRC, a indiqué qu'il était en pourparlers avec la municipalité locale de Clare pour augmenter l'effectif de sept agents et s'assurer que davantage soient disponibles pour travailler le quart de nuit. Le préfet municipal Yvon LeBlanc n'a pas répondu aux appels, mais a plutôt envoyé un communiqué de presse indiquant: «nous sommes vraiment attristés de voir ce type d'activité dans notre région».

La porte-parole du ministère des Pêches, Debra Buott-Matheson, a déclaré que les agents des pêches mènent des «activités de promotion de la conformité» et poursuivent leurs patrouilles pour «surveiller la conformité». Elle a également déclaré qu'aucune accusation n'avait été portée à ce jour pour la vente de homards pêchés sans permis dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse en 2023 ou 2024.

L'acheteur Geoffrey Jobert a averti que, si toutes les instances gouvernementales et la police n'avaient pas un plus grand sentiment d'urgence, le risque que quelqu'un soit blessé augmentait. Pourtant, le jeune propriétaire d'entreprise n'a pas l'intention de céder à la coercition. «J'achèterai du homard à ceux que je souhaite», a-t-il soutenu.

Michael Tutton, La Presse Canadienne

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