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Des organisations juives réclament la criminalisation du négationnisme

durée 12h56
19 novembre 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

OTTAWA — Les organisations juives canadiennes demandent au gouvernement libéral d'éliminer des obstacles à l'application d'une disposition relativement nouvelle du Code criminel contre la négation de la Shoah, dans un contexte de montée de l'antisémitisme.

Shimon Koffler Fogel, PDG du Centre pour les affaires israéliennes et juives, a déclaré que son organisation avait demandé aux libéraux de criminaliser le négationnisme, soulignant qu'il existe des lois similaires en France et en Allemagne. Il estime qu'il s'agissait d'une mesure symbolique importante.

Le gouvernement libéral a inclus un amendement au Code criminel dans le projet de loi d'exécution du budget 2022 pour interdire la communication d'une déclaration qui « favorise délibérément l'antisémitisme en tolérant, en niant ou en minimisant l'Holocauste », sauf dans le cadre d'une conversation privée.

Plus d'un an après la création de la nouvelle infraction pénale contre le négationnisme, le ministère fédéral de la Justice « n'a connaissance d'aucune accusation ou poursuite » au titre de l'infraction créée pour la négation de la Shoah, a déclaré un porte-parole dans un communiqué du 9 novembre.

Le système juridique canadien avait déjà répondu à la négation de la Shoah par d'autres moyens, comme dans le cas du procès très médiatisé d'Ernst Zündel. Il a été accusé de diffusion délibérée de fausses nouvelles après avoir publié un pamphlet remettant en question le nombre de Juifs tués pendant la Shoah.

La Cour suprême avait toutefois annulé sa condamnation dans un arrêt de 1992 qui annulait l'article du Code criminel relatif aux fausses nouvelles, au motif qu'il violait le droit à la liberté d'expression protégé par la Charte.

La Colombie-Britannique, le Québec, le Manitoba et l'Alberta déclarent également qu'ils n'ont aucun dossier sur de telles accusations, poursuites ou renvois de la police concernant cette infraction. L'Ontario a déclaré qu'il ne pouvait pas compiler les données à temps.

Chantalle Aubertin, porte-parole du ministre fédéral de la Justice Arif Virani, a déclaré samedi dans un communiqué qu'il existe plusieurs dispositions concernant la haine dans le Code criminel et qu'être motivé par la haine peut être considéré comme une circonstance aggravante pour toute infraction.

«Les décisions concernant les enquêtes et les poursuites pénales relèvent des autorités indépendantes chargées de l'application de la loi et des poursuites», a-t-elle écrit.

Montée de l'antisémitisme

La police, les dirigeants politiques et les membres de la communauté juive ont dénoncé une montée alarmante de l'antisémitisme au Canada depuis les attaques du 7 octobre perpétrées par le Hamas, qui ont tué plus de 1200 personnes en Israël, dont des centaines de civils, et pris environ 240 personnes en otages.

Depuis, plus de 11 500 Palestiniens ont été tués dans la guerre qui a suivi, selon les autorités sanitaires de la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, qui est régulièrement bombardée par des frappes aériennes israéliennes et dont l'accès à l'eau, à l'électricité et à d'autres approvisionnements a été coupé par Israël.

Dan Panneton, directeur du Centre des Amis de Simon Wiesenthal, une organisation de défense des droits de la personne axée sur l'éducation sur la Shoah et les programmes de lutte contre l'antisémitisme, dit que le négationnisme est facilement décelable «dans les communautés en ligne les plus extrémistes».

Pour lui, cela démontre «un angle mort» dans la loi.

Un message qui a circulé en ligne accuse Israël d'avoir fabriqué de toutes pièces une partie de la violence utilisée par le Hamas lors des attaques du 7 octobre et demande ensuite s'ils ont pu mentir sur certains détails d'un grand génocide précédent.

Le message a été publié le mois dernier sur le compte Instagram de « Toronto4Palestine », qui se décrit en ligne comme un « mouvement communautaire amplifiant les voix opprimées ». Le compte, qui compte environ 41 000 abonnés et fait la promotion de rassemblements pro-palestiniens, a reconnu avoir reçu un message direct posant des questions sur le message, mais dimanche matin, il n'avait pas encore fourni de réponse.

M. Fogel reconnaît qu’il existe des défis lorsqu’il s’agit d’appliquer la nouvelle loi, qui, selon lui, pourraient être relevés par une meilleure formation de la police et des procureurs sur les formes que prend le négationnisme de la Shoah.

Il ajoute que le négationnisme peut prendre la forme d'un discours complotiste accusant les juifs de vouloir contrôler le monde, rejetant les crimes commis par les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale et  minimisant les preuves et les archives historiques.

«Cela n'est peut-être pas motivé par la même chose, ni même par un négationnisme d'extrême droite, a-t-il relativisé. Mais en fin de compte, cela confine (la Shoah) dans la marge, comme quelque chose qui ne mérite pas d'être pris en compte ou dont nous pouvons tirer des leçons morales sur la façon de conduire la société»

Des lois peu efficaces

Les lois elles-mêmes ont été conçues pour être conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression.

Kenneth Grad est avocat et étudiant au doctorat à la faculté de droit Osgoode Hall de l'Université York. Il dit qu'il est difficile de prétendre que les lois pénales sur les discours haineux sont efficaces si l'on considère le nombre relativement peu élevé de poursuites et de condamnations par rapport à d'autres infractions. Mais il a déclaré que l’interdiction du négationnisme pourrait être considérée comme efficace en ce qui concerne le symbolisme qu’il véhicule.

Selon lui, les législateurs fédéraux et provinciaux pourraient plutôt s'inspirer de la Loi canadienne sur les droits de la personne et réintroduire un article ciblant les discours susceptibles d'exposer les gens à la haine – y compris en ligne – sur la base de leur race, de leur sexe, de leur religion ou de tout autre motif de discrimination interdit. .

Plus de six millions de Juifs en Europe ont été systématiquement tués par l’Allemagne nazie, ainsi que par ses alliés, pendant la Shoah.

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne

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