Des cyclistes contestent en justice la suppression de pistes cyclables à Toronto


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Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — La tentative «irrationnelle et dangereuse» du gouvernement de l'Ontario de supprimer trois importantes voies cyclables à Toronto devrait être jugée inconstitutionnelle, a plaidé mercredi l’avocat d’un groupe de cyclistes devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Selon lui, des documents circulant au sein même du gouvernement et des experts ne garantissent pas que cette mesure permettra d’atteindre l’objectif affiché de désengorger la ville et pourrait même aggraver la circulation.
Cycle Toronto, un groupe de défense des cyclistes, appuyé par deux usagers — un étudiant et un livreur à vélo —, demande à la Cour d’annuler certaines parties de la loi autorisant la province à supprimer 19 kilomètres de pistes cyclables protégées sur Yonge Street, Bloor Street et University Avenue, au profit de voies réservées aux véhicules.
«Il s'agit d'une contestation limitée de ce que nous considérons comme les moyens irrationnels et dangereux choisis par le gouvernement pour supprimer ces pistes cyclables», a dénoncé l'avocat Andrew Lewis.
Des preuves internes contredisent le gouvernement
Le gouvernement progressiste-conservateur du premier ministre Doug Ford a déclaré que la loi, adoptée l'année dernière, visait à lutter contre les embouteillages.
L’avocat Andrew Lewis, qui représente les plaignants, affirme que l’initiative viole les droits constitutionnels de ses clients à la sécurité et à la vie. Il s’est appuyé sur des documents internes pour montrer que même le gouvernement doutait de l’efficacité de la mesure.
Il cite notamment une note d’information du 28 octobre 2024 — une semaine après le dépôt du projet de loi — qui reconnaît que «la suppression des infrastructures cyclables pourrait ne pas avoir l'objectif souhaité de réduction de la congestion». Un rapport d’ingénierie commandé par le gouvernement et finalisé plus tôt cette année indique également que, bien que la suppression des pistes puisse augmenter la capacité routière, l’effet réel sur les embouteillages serait «négligeable ou de courte durée».
«Ces faits ont été cachés au public jusqu'à leur publication ici, alors que le gouvernement menait une campagne de relations publiques suggérant le contraire», a dénoncé M. Lewis.
De plus, le même rapport affirme que les pistes cyclables permettent de réduire de 35 à 50 % les accidents impliquant cyclistes, piétons et automobilistes.
«On ne peut pas dire que c'est le gouvernement qui est à l'origine du problème. Ce sont les conducteurs sur la route qui causent du tort», a déclaré l’avocat de la province, Josh Hunter.
Six cyclistes ont perdu la vie à Toronto l’an dernier, tous sur des routes dépourvues de pistes protégées, ont rappelé les avocats des plaignants.
Le gouvernement campe sur ses positions
L’avocat de la province, Josh Hunter, a répliqué que la suppression des pistes ne violait pas la Constitution et relevait d’un choix politique visant à augmenter l’espace disponible pour les voitures. « Deux voies, c’est plus qu’une», a-t-il affirmé, en réponse aux critiques.
Il a aussi souligné qu’un rapport universitaire démontrait que les temps de trajet s’étaient allongés après l’installation des pistes cyclables. Mais le juge Paul Schabas a mis en doute la pertinence de cette étude, qui comparait des données de 2020, en pleine pandémie lorsque «presque personne n'était sur la route» avec celles de 2021 où la circulation était «un peu plus dense». «J’ai trouvé cela très paradoxal», a-t-il commenté.
Le juge a également suggéré de solliciter l’avis de certains experts en circulation afin de savoir si l’ajout de voies ne pourrait pas renforcer le trafic, créant des embouteillages aussi importants qu'avant la suppression des pistes cyclables.
Une contestation de la ville et des citoyens
La suppression des pistes a suscité des protestations du public et une certaine résistance de la part de la Ville de Toronto. La mairesse Olivia Chow et la Ville ont proposé une solution de compromis permettant de réaménager une voie pour les voitures tout en conservant une piste cyclable. «Des discussions avec la province sont en cours», a indiqué son porte-parole, Zeus Eden.
Plus tôt ce mois-ci, un porte-parole du ministre provincial des Transports a laissé entendre que le gouvernement était ouvert à une collaboration avec la ville, à condition qu'elle finance sa part des besoins en infrastructures.
Doug Ford, qui a fait de la lutte contre les embouteillages une promesse de sa réélection, a déclaré ne pas être opposé aux pistes cyclables, mais souhaiter les voir installées sur des routes secondaires. Pourtant, les avocats des cyclistes affirment qu’aucune alternative parallèle viable n'existe pour éviter les artères.
Jordan Omstead, La Presse Canadienne