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Crise du logement: Les victimes de violence conjugale particulièrement touchées

durée 13h40
6 décembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

HALIFAX — Des défenseurs des droits des femmes affirment que les gouvernements provinciaux et fédéral doivent redoubler d’efforts pour créer des logements pour les personnes fuyant la violence fondée sur le sexe, car trop de femmes sont obligées de rester dans des situations dangereuses après avoir été agressées.

Une étude publiée la semaine dernière par Hébergement femmes Canada indique que la crise du logement au pays empêche de nombreuses personnes de trouver un logement abordable et sûr après avoir quitté leur agresseur.

Sur les 381 refuges et maisons de transition qui ont répondu, 94% des refuges d’urgence et 83% des maisons de transition ont déclaré que les victimes restaient plus longtemps que par le passé pour chercher un logement.

Le rapport indique également que lorsque les personnes quittent les établissements, environ la moitié retournent chez leur agresseur parce qu’elles n’ont pas d’autres options. Plus des deux tiers des femmes se retrouvent dans des situations de logement considérées comme précaires, ce qui signifie qu’elles vivent chez des amis ou des membres de la famille ou échangent un travail contre un loyer. Pas moins de 36% d’entre elles se retrouvent sans abri à un moment donné.

Anna Morgan, gestionnaire des programmes et des services au refuge pour femmes Ernestine’s Women’s Shelter à Etobicoke, en Ontario, affirme que son organisation a constaté une demande énorme de services en raison de la montée en flèche des loyers dans la région du Grand Toronto. Son refuge est censé fournir un hébergement à court terme aux femmes fuyant la violence, mais il est devenu davantage une maison de transition pour les personnes qui ont du mal à trouver un nouvel endroit où vivre.

«Nous sommes en surcapacité, a déclaré Mme Morgan lors d’une entrevue téléphonique cette semaine. Le système de refuges devient essentiellement un logement de transition pour les gens, et ils (les refuges) ne sont vraiment pas conçus pour être des logements.» Elle a indiqué que le refuge a dû refuser 312 personnes au cours de l’exercice financier qui s’est terminé le 31 mars, et qu’il est en voie d’en refuser encore un grand nombre cette année.

Le refuge aide les femmes et les personnes de diverses identités de genre de toutes origines raciales et ethniques. De nombreuses personnes viennent de la région du Grand Toronto et des communautés voisines, mais Mme Morgan dit que parfois des personnes arrivent de l’extérieur de la province ou même en tant que réfugiés.

La grande majorité des personnes qui viennent au refuge sont «très pauvres», soutient-elle, bénéficiaires de l’aide sociale ou travaillant au salaire minimum.

Le loyer moyen à Toronto est de 3091 $ pour un appartement de deux chambres, selon le site internet Rentals.com, et l’attente pour un logement social est de 10 ans après l’inscription sur la liste d’attente.

Mme Morgan a affirmé que les conclusions du rapport sont justes. D’après son expérience, il est courant que les personnes qui quittent le système des refuges se retrouvent à dormir sur des divans, se remettent avec leurs agresseurs ou se retrouvent dans «d’autres situations de précarité et d’exploitation».

«Elles se retrouvent coincées dans ce cycle de violence fondée sur le genre, d’instabilité et de précarité du logement».

De plus, les propriétaires privés font parfois preuve de discrimination à l’égard des personnes qui cherchent à louer en raison de leur race, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. Mme Morgan ajoute que de nombreux propriétaires ne veulent pas non plus louer à des personnes ayant des enfants, ce qui crée des obstacles supplémentaires.

Pas seulement les grandes villes

En dehors des grands centres urbains du Canada, les petites communautés connaissent également des taux élevés de violence fondée sur le genre et une demande accrue d’aide. À Moose Jaw, en Saskatchewan, Jenn Angus, de la Moose Jaw Transition House, affirme que le manque de logements abordables a fait augmenter la durée des séjours des clients dans son refuge chaque année au cours des cinq dernières années.

«C’est décourageant», a affirmé Mme Angus lors d’une entrevue téléphonique cette semaine, ajoutant qu’il est de plus en plus courant que les gens restent entre 50 et 70 jours, alors qu’auparavant ils pouvaient trouver un logement en trois semaines. Les femmes avec enfants sont celles qui restent le plus longtemps, a-t-elle précisé.

Mme Angus a remarqué une tendance croissante des personnes à la recherche d’un logement abordable à quitter Moose Jaw – une ville d’environ 40 000 habitants dotée de ce qu’elle juge être un bon éventail de services sociaux – pour les zones rurales, où il y a moins de services de soutien. La Saskatchewan avait le taux le plus élevé de violence familiale signalée à la police parmi les provinces en 2023, selon Statistique Canada.

Jessica Montgomery, de la Jessica Martel Memorial Foundation à Morinville en Alberta, a expliqué qu’il peut être difficile pour les femmes qui quittent leur agresseur de trouver un logement abordable, car elles partent souvent avec à peine «les vêtements qu’elles portent» et une valise.

«De nombreuses survivantes qui viennent nous voir ont également subi des abus économiques», a-t-elle soutenu, expliquant que leurs agresseurs avaient le contrôle de leurs finances ou ne les autorisaient pas à travailler. «Ça les rend plus difficiles à quitter parce qu’elles n’ont pas les ressources nécessaires pour commencer une nouvelle vie.»

Mesdames Montgomery et Angus ont déclaré que le coût de l’installation d’un nouveau logement (connexion aux services publics, remplissage du garde-manger, recherche de meubles) est un obstacle pour les victimes qui tentent de prendre un nouveau départ.

Elles ont toutes deux déclaré qu’il est urgent que les gouvernements fédéral et provinciaux augmentent le financement des projets de logement spécifiquement destinés aux survivantes de violences sexistes et réduisent les délais d’attente pour les personnes qui demandent des programmes d’aide sociale.

Un financement «de niveau épidémique»

En Nouvelle-Écosse, la commission d’enquête sur la fusillade de 2020, qui a commencé par l’agression brutale d'une femme par son époux armé, a réclamé un «financement de niveau épidémique» pour lutter contre la violence conjugale. En septembre, l’Assemblée législative de la province a adopté un projet de loi qualifiant la violence conjugale d’épidémie.

Caira Mohamed, du YWCA Halifax, affirme qu’il n’existe pas nécessairement de montant en dollars qui représente un financement de niveau épidémique. Il s’agit plutôt d’un niveau d’aide constant des gouvernements provincial et fédéral pour les refuges, les maisons de transition et les organismes sans but lucratif qui cherchent à mettre fin à la violence fondée sur le genre.

«Davantage de programmes ciblant les survivants de violence fondée sur le genre et de violence conjugale commenceront à combler certaines de ces lacunes (dans les services) que nous constatons et, espérons-le, à atteindre ce seuil de financement de niveau épidémique».

Cassidy McMackon, La Presse Canadienne

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