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Chaleur: une facture salée à venir, prévient une nouvelle étude de l'INRS

durée 10h46
28 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Une facture salée attend le réseau québécois de la santé au cours des prochaines décennies si rien n'est fait pour atténuer l'impact de la chaleur extrême, prévient une équipe de l’Institut national de la recherche scientifique qui a collaboré avec l'Institut national de santé publique du Québec et Santé Canada.

«On a beaucoup de données sur d'autres types de catastrophes naturelles, c'est-à-dire les inondations, les tempêtes, les ouragans et tout ça, mais on n'avait pas beaucoup de données économiques sur les vagues de chaleur, a expliqué le premier auteur de l'étude, Jérémie Boudreault, qui est candidat au doctorat sur mesure en science des données et santé environnementale.

«On voyait que les impacts sur la santé étaient quand même bien documentés, mais on n'avait rien au niveau économique.»

Ces données étaient toutefois essentielles au développement d'un argumentaire économique pour la mise en place de mesures d'adaptation, a dit M. Boudreault, d'autant plus que l'impact des vagues de chaleur est plus discret que celui d'autres catastrophes. «On ne voit pas d'inondations monstres ou de maisons détruites», a-t-il illustré.

Selon l'étude, le fardeau associé à la chaleur au Québec se chiffre annuellement à 15 millions $ en termes de soins de santé (coûts directs); à 5 millions $ en termes d’absentéisme (coûts indirects); et à 3,6 milliards $ en pertes de vies humaines et de bien-être, c’est-à-dire la diminution des activités lors des périodes de fortes canicules (coûts intangibles).

Ces coûts sont une moyenne annuelle pour la période historique de 1990 à 2019.

Mais attention, préviennent les chercheurs: si aucune mesure d'adaptation n'est prise, ces coûts sont appelés à exploser au cours des cinquante prochaines années, en contexte de changements climatiques et de croissance démographique.

Par exemple, la mortalité et la morbidité liées à la chaleur, ainsi que le nombre de vagues de chaleur extrême, pourraient être multipliées par deux, voire par cinq, d’ici 2050.

Quant aux coûts totaux, ceux-ci seront multipliés par trois, à 10,9 milliards $, selon un scénario climatique et démographique médian, et par cinq, à 17,4 milliards $, selon un scénario plus pessimiste.

Si on ne considère que les coûts engendrés par les événements de chaleur extrême, disent les auteurs, le montant pourrait être multiplié de 3 à 8,5, selon le scénario qui se concrétise.

«On a vraiment voulu identifier les coûts pour le système de santé», a dit M. Boudreault.

Les auteurs précisent toutefois qu'il s'agit là d'un «avenir hypothétique», puisque l'«acclimatation biologique à la chaleur et l'adaptation socio-économique» pourraient réduire l'impact de la chaleur.

Même dans le cadre du scénario le plus optimiste, les coûts de santé liés à la chaleur augmentent de manière significative d'ici 2050 et sont amplifiés par l'augmentation de la population exposée à la chaleur, soulignent-ils.

«Oui (les coûts) peuvent être plus élevés, mais ils peuvent aussi être plus faibles si on met en place des mesures d'adaptation, a dit M. Boudreault. Ce qu'on présente (dans notre étude), c'est un scénario de statu quo. Ce sont les coûts qu'on peut s'attendre minimalement à payer si on ne met rien en place.»

L'étude met donc en relief «la nécessité d'améliorer les mesures d'adaptation à la chaleur, telles que le renforcement de l'écologisation, la réduction des îlots urbains de chaleur ou de nouveaux systèmes d'alerte, entre autres», disent les auteurs.

Selon cette nouvelle étude, les coûts sanitaires de la chaleur extrême sont aussi importants que ceux d’autres événements météorologiques extrêmes, mais sont souvent méconnus ou invisibles à l’heure actuelle.

Par exemple, les inondations de 2024 causées par l’ouragan Debby ont coûté 2,5 milliards $ en pertes assurables au Québec, alors que les coûts intangibles de la chaleur sont de l’ordre de 3,6 milliards $, chaque été, au Québec. Ceux-ci pourraient même atteindre 17 milliards $ en 2050 si aucune mesure d’adaptation supplémentaire n'est adoptée.

«Plus le climat va se réchauffer, plus ça va coûter cher, a conclu M. Boudreault. Avec ces données-là, on peut prendre en compte des analyses de type coût-bénéfice. Maintenant qu'on a l'information, il n'y a pas de raison de ne pas agir. Quand on parle de coûts, c'est difficile de ne pas les inclure dans les analyses économiques ou dans les politiques publiques. Je pense que les politiciens parlent très bien le langage de l'argent.»

Les conclusions de cette étude, qui a été publiée par le journal Science of the Total Environment, ont été dévoilées publiquement mardi matin dans le cadre de la dixième édition du Symposium Ouranos 2025.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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