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Les changements climatiques aggravent les allergies

durée 11h37
22 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les changements climatiques ont un impact direct sur les allergies, que ce soit en aggravant les symptômes des patients ou encore en allongeant la période pendant laquelle ils sont affectés, a confirmé un expert du Centre de recherche du CHU de Québec - Université Laval.

Et ça ne fait que commencer, a prévenu le docteur Jean-Nicolas Boursiquot, un spécialiste des allergies et du système immunitaire.

«Ce qui est certain, c'est qu'il va y avoir de plus en plus de patients au courant des prochaines années, et ces patients-là vont être de plus en plus malades», a-t-il dit.

Avec un recul de dix ou vingt ans, a-t-il ajouté, il est possible de constater que les patients sont non seulement plus malades ― à savoir, que la sévérité de leurs symptômes est plus grande ― mais aussi qu'ils sont malades plus longtemps, «donc sur le terrain, il y a un effet indéniable».

Le pollen, notamment celui de l'herbe à poux, est si petit que le vent peut le transporter sur des centaines de kilomètres, a rappelé le docteur Boursiquot. Un plant d'herbe à poux qui relâche du pollen à Windsor, en Ontario, pourrait donc potentiellement incommoder quelqu'un à Rivière-du-Loup.

On sait aussi que le réchauffement climatique augmente l'incidence des feux de forêt, qui relâchent dans l'atmosphère des milliers et des milliers de tonnes de particules capables de provoquer des réactions allergiques.

«On voit surtout une différence au niveau de l'asthme», a dit le docteur Boursiquot, avec qui La Presse Canadienne a discuté en marge du Jour de la Terre.

Des asthmatiques qui contrôlaient autrement bien leur condition avec leurs pompes viennent soudainement demander de l'aide, a-t-il confié, et disent aux médecins ne pas savoir si la détérioration de leur état est attribuable au pollen, aux feux de forêt ou à la pollution en général.

«Est-ce que c'est une conséquence des changements climatiques?, a demandé le docteur Boursiquot. Les changements climatiques ne se manifestent pas du jour au lendemain, mais au fil des ans, on voit que les gens sont plus malades (...) et ils sont malades plus longtemps.»

Tempête australienne

La BBC britannique rappelait récemment que la région de Melbourne, en Australie, a été frappée le 21 novembre 2016 par un orage qui a coûté la vie à dix personnes et vu le nombre d'admissions à l'hôpital pour des symptômes d'asthme être multiplié par dix.

La cause? La tempête avait aspiré des milliards de particules de pollen qui s'étaient désintégrées dans les nuages avant de retomber sur Terre et d'être respirées par les humains. En plus des décès et des admissions, les urgences ont vu huit fois plus de visites pour des problèmes respiratoires qu'en temps normal, a précisé la BBC.

Les experts ont mis du temps à comprendre ce qui s'était passé, avant de finalement réaliser que l'orage en était responsable. En pulvérisant les particules de pollen dans ses nuages, la tempête a libéré des protéines en si grandes quantités qu'elles ont provoqué des réactions allergiques chez plusieurs personnes, y compris chez des gens qui n'étaient pas autrement asthmatiques.

De tels orages ont été rapportés à travers la planète, y compris au Canada.

«Les effets du changement climatique sur le moment de la libération du pollen et sur sa concentration ont un impact négatif sur la santé et les systèmes de soins de santé», a écrit en 2014, dans le journal JAMA Network, un chercheur australien qui s'est intéressé à l'orage de Melbourne.

Ces effets du changement climatique sur les maladies respiratoires allergiques devraient se poursuivre, prévient l'étude, qui prédit que le nombre de personnes allergiques au pollen de l'herbe à poux devrait doubler en Europe, passant de 33 millions à 77 millions de personnes d'ici le milieu du XXIe siècle.

Cela est dû, selon les auteurs, à la fois au changement climatique (qui entraîne des niveaux de pollen plus élevés) «et à la propagation de cette espèce végétale envahissante, le premier facteur étant responsable de 66 % de l'augmentation de la prévalence».

À une certaine époque, a rappelé le docteur Boursiquot, on attirait les touristes américains vers la région de Tadoussac en leur faisant valoir qu'on n'y retrouvait pratiquement pas d'herbe à poux, et qu'ils pourraient donc respirer en paix.

«Mais maintenant, on rencontre de l'herbe à poux en Gaspésie ou au Saguenay», a-t-il souligné.

Le réchauffement du climat signifie que la saison du pollen commence plus tôt et se termine plus tard, prolongeant d'autant l'exposition de ceux qui y sont allergiques. On calcule, par exemple, que cette saison s'est allongée de vingt-cinq jours à Winnipeg, au Manitoba, entre 1995 et 2015.

Une étude publiée en 2022 par Nature Communications avertissait que, sans réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre, la saison du pollen commencera quarante jours plus tôt et se conclura quinze jours plus tard à la fin du siècle.

Des concentrations plus élevées de CO2 dans l'atmosphère stimuleraient aussi certaines plantes à produire jusqu'à 50 % plus de pollen.

La pollution n'est pas une conséquence des changements climatiques, a rappelé en terminant le docteur Boursiquot, «mais plutôt une cause des changements climatiques».

«Et puis avec tout ça, on comprend bien que les irritants auxquels on soumet notre système immunitaire rentrent dans les bronches, rentrent dans les poumons, fragilisent les muqueuses respiratoires, et ça fait en sorte que les pollens rendent plus facilement et qu'on développe de plus en plus d'allergies», a-t-il résumé.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne