Des survivants de pensionnats notent l'impact du pape François dans la réconciliation


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Par La Presse Canadienne, 2024
Cela fait près de trois ans que le pape François s'est rendu au Canada présenter des excuses pour le rôle de l'Église catholique dans les pensionnats autochtones. Pour certains survivants, le souvenir de cette journée historique est encore frais.
«Ses déclarations d'excuses ont encore beaucoup d'impact sur beaucoup d'entre nous, survivants des pensionnats», a indiqué Piita Irniq lors d'une entrevue après l'annonce du décès du pape lundi.
Le pontife avait 88 ans.
M. Irniq était à Iqaluit en juillet 2022 pour la dernière étape du voyage du pape au Canada, dans le cadre de ce qui a été décrit comme un «pèlerinage pénitentiel».
L'ancien politicien a été contraint de fréquenter un pensionnat à Chesterfield Inlet, dans l'actuel Nunavut, où il a été privé de sa culture et de sa langue inuites en plus de s'être fait agresser par une religieuse.
À son arrivée au Nunavut, François a été accueilli par des survivants qui ont partagé leurs expériences et lui ont présenté des danses, des tambours et des chants de gorge traditionnels — des pratiques interdites dans les pensionnats.
«Il est venu nous parler, il voulait nous écouter et comprendre ce que nous pensions en tant que survivants des pensionnats. J'ai un profond respect pour le pape François», se souvient M. Irniq.
«J'ai toujours pensé qu'il était un homme de paix, un homme de compassion et un homme d'amour pour tous les peuples du monde.»
M. Irniq a affirmé qu'il était important pour lui d'exécuter une danse du tambour devant le pape afin de montrer que les efforts du Canada et de l'Église pour assimiler les peuples autochtones étaient vains. Il a ensuite offert au Saint-Père le tambour artisanal qu'il avait fabriqué avec son fils.
Après des années de pressions pour que le chef de l'Église présente des excuses aux survivants en sol canadien, François a promis de le faire au printemps 2022.
C'était un «homme de parole», a déclaré l'ancien chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Phil Fontaine.
«Le pape François était un grand homme. Il était humble. Il était courageux. Et c'est à lui que l'on doit d'avoir donné aux Premiers Peuples, en particulier aux survivants des pensionnats, l'espoir d'une véritable réconciliation.»
M. Fontaine a été l'un des premiers à parler publiquement des abus commis dans les pensionnats lorsqu'il a raconté en 1990 ses propres expériences au pensionnat de Fort Alexander, dans le Manitoba.
Environ 150 000 enfants autochtones ont été forcés de fréquenter des pensionnats. Plus de 60 % de ces écoles étaient gérées par l'Église catholique.
MM. Fontaine et Irniq faisaient partie d'un groupe qui s'est rendu au Vatican en 2009 pour rencontrer l'ancien pape Benoît XVI et lui demander des excuses. Benoît XVI n'a pas fait de même.
Le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, publié en 2015, comprenait un appel à l'action exhortant le pape à se rendre au Canada pour présenter des excuses.
En 2022, M. Fontaine a effectué un autre voyage au Vatican avec une délégation autochtone. Cette fois, le pape François a présenté ses excuses et a promis d'apporter son expiation au Canada. Quelques mois plus tard, à Maskwacis, en Alberta, le souverain pontife a imploré le pardon et exprimé sa honte pour les abus commis par certains membres de l'Église, ainsi que pour la destruction culturelle et l'assimilation forcée qui ont culminé dans les écoles.
M. Fontaine a affirmé que la demande de pardon du pape François avait facilité le cheminement vers la réconciliation pour certains survivants.
De nombreux Autochtones ont déclaré que les excuses étaient nécessaires, en particulier pour les survivants, car elles signifiaient que le chef de l'Église reconnaissait enfin les torts commis.
Certains ont critiqué le pape pour ne pas être allé assez loin. Ils ont été déçus qu'il n'ait pas dénoncé les crimes et les abus.
Un appel à l'action
«L'Église doit rester engagée en faveur de la réconciliation, a soutenu M. Fontaine. Elle doit rester attachée à la vérité. Et elle doit nous apporter un soutien aussi considérable qu'elle le peut dans ce cheminement très difficile.»
Il a ajouté qu'une partie de ce travail consiste à donner suite aux appels au Vatican pour la restitution des objets sacrés. Des groupes travaillent avec un représentant du Vatican pour rapatrier ces objets au Canada, a indiqué M. Fontaine, notant qu'il ne s'attend pas à ce que la mort du pape ait un impact sur ces efforts.
Jocelyne Robinson a assisté à la messe de Pâques lundi à la cathédrale Holy Rosary de Vancouver, où la congrégation a fait le deuil du pape.
Mme Robinson, qui est Algonquine Anichinabée, a déclaré croire que les excuses du pape et ses efforts de réconciliation avec les peuples autochtones signifient que le dialogue futur sur la réconciliation sera imprégné de son héritage.
«Je reconnais certainement que c'est une décision courageuse, et il a certainement accompli beaucoup de choses positives (…) vers la fin.»
Le révérend Cristino Bouvette, curé de la paroisse du Sacré-Cœur à Strathmore, en Alberta, constate que des efforts sont déployés sur le terrain pour faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones. «Depuis, de nombreuses conversations ont eu lieu. Et je sais que cela continuera, car nous voilà près de trois ans après la visite du pape et ce sujet est encore très présent dans les esprits», a-t-il soutenu.
«C'est un travail continu qui doit se poursuivre.»
Cristino Bouvette, directeur liturgique national pour la visite du pape au Canada, est italien, cri et métis. Sa grand-mère était une survivante des pensionnats indiens.
Il a souligné qu'il ne se passe pas un jour sans qu'il ne se souvienne des mois qui ont précédé la visite du pape et des journées passées à travailler avec lui.
«Pour un prêtre catholique, c'est inoubliable.»
— Avec des informations de Chuck Chiang à Vancouver
Brittany Hobson, La Presse Canadienne